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  • Chroniques du Soleil Levant : Avènement d'un Nouveau Japon

    Chroniques du Soleil Levant : Avènement d'un Nouveau Japon


    Après ma partie avec la France, c'est à l'autre bout du monde, là où le soleil se lève que se poursuivent mes aventures sur Europa Universalis IV. Je dirigerai le Shogun du Japon. Dans un style légèrement roleplay, je m'efforcerai de raconter le règne de chacun de mes dirigeants à la manière d'une autobiographie, en essayant au mieux d'inclure des éléments historiques et culturels. Il n'est pas assuré cependant que je tiendrai ainsi jusqu'à la fin de la partie, mais j'espère en tout cas le faire le plus longtemps possible et que cela plaira à quelques uns d'entre vous. N'hésitez pas évidemment, à donner votre avis et à me faire part de vos conseils sur la partie, c'est toujours intéressant à lire ;-)


    2 février 1461, Kyoto


    Ce matin comme hier, de légères feuilles mortes dorment paisiblement sur un lac, ignorant par chance tout ou presque de la folie meurtrière des hommes.

    Jadis, au temps des pères de nos pères, et bien avant encore, là où tout n'était qu'écumes et flots, les dieux kami, remplis de miséricorde, chargèrent Izanagi et Izanami de protéger les Hommes de la fureur des éléments.
    C'est ainsi dit-on que, de l'océan encore immaculé, des rochers puis des îles émergèrent. De ces lambeaux de terres à la dérive dominés par Fuji-san, le Japon était né.

    Du clan des Ashikaga, je suis Ashikaga Yoshimasa, Shogun de ce royaume sacré, tant que les dieux me prêtent encore vie.
    Alors que l'Empereur, notre guide spirituel à tous, garant de l'Ordre Céleste, est le lien indéfectible avec notre passé qui se perd dans les brouillards du temps, la mission des Ashikaga, dépositaire de l'Ordre Terrestre, concerne le présent et l'avenir, enfin, ce qu'il en reste.

    Que ce soit sur Honshu, Shikoku ou Kyushu, notre pays est plongé dans une guerre civile sans fin. Cette guerre d'Onin... Cette fameuse guerre d'Onin... Je sais que mes généraux et mes conseillers me pressent d'intervenir pour mettre fin à cette barbarie, mais qu'y pouvons-nous ? C'est une guerre entre Daimyos. Cela ne nous concerne pas. Pourquoi risquer la vie de mes propres samouraïs ? Pourquoi risquer les chef-d’œuvres d'architecture de Kyoto se faire engloutir par les flammes vengeresses ? Nous devons nous en remettre aux Esprits et aux Dieux. Eux-seuls savent et eux-seuls peuvent décider du sort de cette guerre.

    Je sais que mes contemporains me croient faible et lâche. Certains pensent même que je me désintéresse de ces drames. Mais il faudrait leur rétorquer que la sagesse suggère la neutralité quand nos propres forces manquent. Que représente les trois provinces de notre domaine enclavé et éclaté face au fief du redoutable Daimyo Hosokawa Katsumoto ? Face à ses huit provinces, à son armée aussi implacable qu'un soleil ardent en été et à sa flotte plus grande que celles de tous les autres Daimyos réunis, l'unique option est la diplomatie et l'attente paisible.

    En attendant que les évènements de ce bas monde s'estompent et se dissolvent dans la rivière du temps, d'autres projets plus importants nécessitent mon attention, d'autant plus que mes jours sont comptés, si j'en crois les médecins et les augures, mauvais. Plus que quelques mois. Afin d'honorer la mémoire de mon clan, je me dois de terminer les plans du temple de Ginkaku-ji. Ce sera un temple Zen dont le toit sera recouvert de feuilles d'argent. Il complètera merveilleusement le temple d'or de Kinkaku-ji, construit par mon vénérable grand-père en son temps. Puis-je vivre encore un peu pour voir ce temple debout. Sinon, ce sera à mon cher fils Yoshikatsu bien qu'à peine né, d'achever l’œuvre de celui qui fut son père, souverain incompris de son époque et mort trop tôt pour contempler son dernier rêve.

    Ashikaga Yoshimasa
    Shogun 1443.8.16 - 1461.7.18
    (Archives Impériales)
    Dernière modification par yahiko, 22-02-2014, 22h11.

  • #2
    Je suis curieux (et content) de voir comment tu vas t'en tirer! J'ai essayer une fois avec le Japon et je me suis pendu! Je crois aussi que j'ai visé trop haut . Mais j'attends la suite avec impatience!

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    • #3
      C'est peut-etre se mettre dans une situation compliquée que de laisser tes vasseaux autant s'agrandir en début de partie. Choix délibéré ou pas ? Je pense que tu as voulu faire du role-play, en gardant une certaine historicité. Très belle AAR en tout cas !

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      • #4
        Ou pour devoir en annexer moins !
        En pratique, je n'ai jamais eu de révolte de vassaux sur EU4

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        • #5
          Merci pour les commentaires. C'est sympa
          Pour les questions, les réponses se trouveront évidemment dans la suite de ces péripéties.

          A partir de ce nouveau souverain, il est évident que l'historicité va être mise à mal puisque le système shogunal chaotique de la période Muromachi n'est pas implémenté dans EU4, ce qui est fort dommage. Mais cela ne m'empêchera pas pour autant de faire quelques allusions pour les connaisseurs à certains personnages ayant existé.

          L'histoire du souverain ci-dessous sera publiée en plusieurs parties dans la mesure où il se passe pas mal de choses pendant son règne et que je n'avais pas vraiment envie d'expédier le récit. Je risque de prendre mon temps, donc patience

          EDIT : @lombrenoire : grilled!


          11 août 1473, Kyoto


          Pourquoi se rappelle-t-on aussi nettement de tous ces détails futiles qui encombrent la mémoire ? Les souvenirs de l'odeur et du goût délicieux des dangos enrobés de caramel ou la déception toujours vivace d'une défaite au Kendo face à Otomo Takauji sensei, mon maître d'arme, sont-ils d'une quelconque utilité ? A la place, j'aurai préféré me rappeler de ce jour où j'ai appris la mort de mon père. Au lieu de cela, rien, pas même une image fugace. Les souvenirs sont des choses bien étranges. C'est comme un grand livre dont certaines pages, les plus précieuses, auraient jauni au fil des ans, laissant l'écriture méticuleuse des scribes à peine lisible, et dont d'autres pages, à l'avenant, traitant de frivolités ou de lieux communs, seraient restées éclatantes comme au premier jour.

          Je suis Ashikaga Yoshikatsu 1er du nom, du clan Ashikaga. Cela fait à peine un mois que je suis officiellement le nouveau Shogun du Japon. Japon qui a déjà bien changé depuis la mort de mon honorable père. Le Conseil des Anciens pendant la régence, avec la bénédiction de l'Empereur et de ma mère Tomiko, bien que respectueux de l’œuvre de mon défunt père, décida de ne pas poursuivre sa politique intérieure que d'aucun pouvait qualifier de contemplative en ces temps troublés.

          Sous l'autorité de notre brillant conseiller diplomatique, le défunt Urugami Mihito sensei, nos diplomates sillonnèrent le pays pour convaincre les Daimyos de cesser les hostilités. Malgré mon jeune âge, mon statut d'héritier me permis opportunément d'être membre à part entière des délégations diplomatiques. C'est d'ailleurs durant ces missions que j'ai pu découvrir la beauté des montagnes, des plaines et des côtes qui font du Japon un pays unique et sacré par les Dieux kami. Ce fut aussi pour moi l'occasion de me rendre compte du désastre qu'était cette guerre d'Onin sur notre bon peuple. Des villages pillés, brûlés, des enfants à l'abandon, des populations par centaines jetées sur les chemins pour fuir les massacres... Toutes ces visions macabres m'ont amené à une promesse. Une fois Shogun, aucune famille japonaise ne subira un tel sort. Je ne détournerai pas le regard comme pu le faire mon défunt père. Je serais le garant de la Justice et punirai les coupables. Et les coupables étaient tout désignés.

          Les discussions diplomatiques avec les Daimyos m'ont beaucoup appris sur l'art de la politique et la force des mots. Alors que la pensée dominante était, et est toujours, que seuls les forts peuvent survivre, Mihito sensei m'a fait prendre conscience que la force n'était pas l'unique chemin pour atteindre ses buts. Des présents donnés au bon moment, des paroles prononcées aux bonnes personnes peuvent changer le cours de l'Histoire. Et c'est ce qui se passa durant la Régence. Malgré une guerre d'Onin omniprésente, nous parvînmes à convaincre successivement les clans du Nord, les Date, les Shiba et les richissimes Takeda, à nous rejoindre pour un Nouveau Japon uni et pacifié. Cela prit des années de palabres et de négociations, mais au final, leur domaine fusionnèrent avec le notre de telle façon que nous pouvions enfin rivaliser en terme de puissance avec les menaçants Hosokawa au Sud.

          Ces derniers n'avaient pas perdu de temps. Au cours d'une guerre gagnée d'avance contre le clan Ouchi, ils s'emparèrent de trois provinces supplémentaires divisant le Japon en pratiquement deux parties équivalentes. Les Ashikaga au Nord, et les Hosokawa au Sud. La tension à travers tout le pays était à son comble et tout le monde craignait une escalade dans la guerre civile. En effet, l'expansion des Hosokawa au dépend des Ouchi aurait fourni à n'importe quel Shogun un motif valable pour déclarer la guerre. De part l'étendue du domaine des Hosokawa, il était facile de montrer que ce clan censé être subordonné au Shogun visait désormais la domination du Japon en entier. Mais en cette période de régence, il en était différemment. Le Conseil de Régence était pieds et poings liés. Selon les Lois Fondamentales, il lui était interdit de se lancer dans une guerre de sa propre initiative, si tant est qu'il ait pu le souhaiter.

          C'est donc dans cette situation singulière, pleines d'incertitudes, qu'eut lieu la cérémonie d'investiture. C'était il y a un mois, le 9 juillet 1473, à l'occasion de mes quinze ans. Je m'en souviens comme si c'était hier. Il faisait chaud, très chaud, même pour un été caniculaire. C'était un jour d'orage. Tel que l'exigeait le protocole, les Daimyos étaient naturellement conviés à notre Palais des Fleurs de Muromachi, y compris Hosokawa Katsumoto affichant un large sourire de circonstance, figé, comme les masques de ces pièces de théâtre Nô. Plus important, l'Empereur en personne, descendant d'Amateratsu Omikami, nous fit grâce de sa présence, ce qui est rare. Ma mère était en larmes, de joie bien sûr, et ne pouvait s'empêcher de m'assaillir de conseils, sur ma tenue, ma façon de marcher ou l'orientation de ma frange. C'est après un long discours de l'Empereur empreint de solennité, au milieu d'une assemblée d'une centaine de nobles de haut rang, que je devins officiellement Shogun. Le Shogun d'un Nouveau Japon.

          Ashikaga Yoshikatsu Ier
          (Souvenirs d'un Ashikaga, Tome 1)
          Dernière modification par yahiko, 09-02-2014, 14h09.

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          • #6
            Argh, ça va pas être facile, mais améliore tes relations avec certains de tes vassaux. Lorsqu'ils se déclarent la guerre, fait "imposer la paix". Ils n'acceptent jamais et tu entre en guerre du côté de l’agressé avec tout tes autres vassaux de ton côté. Ensuite => annexion totale, et comme tes voisins concernés sont tes vassaux, ça ne te fera pas monter l'expansion agressive (sauf pour la Corée, mais comme d'habitude elle tombe peu après que l'on ai prit pied sur le continent...).

            EDIT: mais je vois que tu t'en occupe déjà (tu as posté pendant que j'écrivais).
            Dernière modification par lombrenoire, 06-02-2014, 22h44.

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            • #7
              Vraiment sympas ton récit, peut on savoir de combien d'hommes dispose les clans hosokawa et Ashikaga ?

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              • #8
                Dango ~ http://www.youtube.com/watch?v=qvzCmV3_12c

                J'ai rien dit la première fois mais ça fait bizarre de lire "les dieux kami", on peut traduire kami par dieu, même si ce n'est pas exactement correcte, mais ça fait bizarre quand même. x)

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                • #9
                  Envoyé par Hourstak Voir le message
                  Vraiment sympas ton récit, peut on savoir de combien d'hommes dispose les clans hosokawa et Ashikaga ?
                  Hmmm... Afin de ne pas trop spoiler le récit, je peux dire que les Hosokawa ont une force limit de 12 et les Ashikaga une force limit de 18.

                  Envoyé par Leyzou Voir le message
                  Dango ~ http://www.youtube.com/watch?v=qvzCmV3_12c

                  J'ai rien dit la première fois mais ça fait bizarre de lire "les dieux kami", on peut traduire kami par dieu, même si ce n'est pas exactement correcte, mais ça fait bizarre quand même. x)
                  Tu as raison pour les "dieux kami". Mais je me suis dis que le terme "kami" ne serait pas forcément très parlant pour certains.
                  Amusant ton lien youtube sinon

                  Commentaire


                  • #10
                    Dans cette deuxième partie du règne de Ashikaga Yoshikatsu Ier, j'ai pris des libertés par rapport au déroulement exact du jeu afin de donner au récit un minimum de relief. Je m'excuse par avance pour l'énorme digression faite par rapport à la partie réelle. Mais étant à un moment clé de l'histoire du Japon et compte-tenu de la dynamique du jeu, ce sera sans doute la seule occasion pour moi de parler de certains aspects historiques de cette époque (bien que pas mal arrangés à ma sauce ).


                    19 février 1480, Kyoto


                    Un vent glacial venu du Nord balaie les rues désertes de Kyoto. Bien au chaud, en plein préparatifs, toutes les familles sont restées chez elles. C'est l'Omisoka aujourd'hui, la veille du Nouvel An. Le Palais des Fleurs n'échappe pas à la tradition, bien au contraire. Sous la houlette de ma mère Tomiko, véritable souveraine de cette demeure, les servantes s'affairent dans tous les sens pour dénicher ce qu'il pourrait bien rester à ranger, nettoyer ou à décorer. Les cuisiniers eux sont sur le pied de guerre et je sens déjà de ma chambre les odeurs exquises des Osechi-ryori en préparation qui feront office de garde-manger pendant les trois premiers jours du Nouvel An. Rien ne doit être laissé au hasard. La très prospère et glorieuse année Yin du cochon de terre qui vient de s'achever est à célébrer pour rester à jamais gravée dans l'Histoire du Japon. Et nous aurons besoin de la bénédiction des Dieux kami pour que l'année Yang du rat de métal à venir continue sous les mêmes augures.

                    Le 4 décembre dernier, il y a à peine deux mois de cela, à la faveur d'une journée d'hiver ensoleillée, la foule était nombreuse à se presser devant le sanctuaire Shinto de Yasaka, lieu choisi afin de placer mon mariage et l'avenir du pays sous le haut patronage de Susanoo, le dieu des mers et des tempêtes. Ma promise, Norika chan, petite-fille du respectable Ouchi Norihiro, chef du clan Ouchi, était véritablement resplendissante toute habillée de son kimono écarlate brodés de fils d'or. Je ne saurais dire les sentiments qu'elle éprouvait à ce moment-même, mais il était évident que notre complicité grandissait chaque jour davantage. Ce mariage voulu et arrangé par nos deux familles respectives partait sous les meilleurs auspices tant sur des aspects politiques que sur des aspects disons plus intimes. Tout le monde avait à y gagner dans cette union. Les Ouchi se rapprochaient du Shogunat et obtenaient ainsi une place de choix dans les Affaires du pays. Notre clan pour sa part récupérait la province de Suô du clan Ouchi, pierre angulaire à l'édifice glorieux du Nouveau Japon uni et pacifié. Quand à moi, les Ashikaga avait besoin d'un héritier et mon serment d'enfance serait enfin tenu. J'allais pouvoir faire régner la Justice sur nos trois îles civilisées de Honshu, Shikoku, Kyushu, et qui sait, même au-delà...

                    Malgré cet avenir plein de promesses et d'espérance, durant la cérémonie de mariage, pendant le sermon du prêtre Shinto, des images et des paroles venues d'outre-tombe firent irruption dans mon esprit. Hosokawa Katsumoto, le Daimyo du clan Hosokawa, mon grand rival, n'avait pas finit de me hanter.

                    Un an auparavant, durant l'année 1478, j'avais reçu une invitation de sa part pour venir visiter son fief. Pleine de déférence et respectant scrupuleusement l’Étiquette, il m'eut été difficile de décliner cette invitation, d'autant plus, que j'étais curieux de voir la ville d'Osaka, dans la province de Settsu, réputée pour être presque aussi grande que Kyoto, notre capitale.

                    Il m’accueillit avec tous les honneurs dû à mon rang de Shogun, et ceux malgré mon jeune âge, et entreprit de me faire visiter une remarquable forteresse du nom de Ishiyama Hongan-ji. Entourées par des douves infranchissables d'une centaine de mètres de largeur en contrebas, se dressaient d'imposantes enceintes en pierre de taille d'une épaisseur d'environ 5 mètres, desquelles dépassait abondamment la cime des cerisiers en fleur, donnant le sentiment presque surnaturel d'être face à un véritable jardin suspendu. A l'intérieur de ce complexe, déambulant dans les allées recouvertes de pétales roses de ces cerisiers annonciateurs du printemps, Katsumoto me parla des hôtes de ces lieux, un ordre de moines-soldats de confession bouddhiste, la secte Ikko. Bien que long, le récit de Katsumoto ponctué d’anecdotes fut passionnant. J'en vint même à me dire qu'il faudrait tôt ou tard sans doute trouver un moyen de réunir le Shintoïsme, notre religion officielle et le bouddhisme en une sorte de syncrétisme permettant à notre bon peuple de bénéficier du meilleur de ces deux religions en matière d'enseignements.

                    C'est pendant que j'étais en pleine réflexion à ce sujet que Kastumoto en vint au véritable but de son invitation. Il se proposa tout en souriant de devenir mon mentor en m'expliquant que son expérience pourrait m'aider à mener le Japon vers une nouvelle Ere. Il m'en parla avec un tel aplomb que j'en fut presque déconcerté. Réfléchissant à toute allure, pesant le pour et le contre, le choix n'était pas simple. Sa proposition était séduisante il est vrai. Avoir le renommé Hosokawa Katsumoto à mes côtés dans le bakufu, le gouvernement shogunal, cela pourrait sans doute mettre un terme à cette guerre d'Onin qui n'avait duré que trop longtemps. Mais en revanche, le reconnaître en tant que mentor, ne serait-il pas placer une autorité au dessus de ma personne et de mon clan ? En tant que Shogun, cela m'aurait déshonoré. C'est pourquoi je refusai poliment sa proposition et tournai les talons. Visiblement désappointé, Katsumoto répliqua sur un ton sibyllin : "Mon jeune seigneur, il est fort probable que je vous rende visite à mon tour. Nous nous reverrons à Kyoto, prochainement."

                    En effet, Katsumoto était un homme de parole. Une semaine après ma visite, lors d'une de ces nuits pluvieuses d'équinoxes où le vent des plaines hurle jusqu'à nos tympans, mon conseiller militaire, Kamiizumi Norifuji, frappa à grands bruits à la porte de ma chambre. Après de brèves salutations d'usage, j'appris non sans surprise que Katsumoto et une partie de son armée étaient aux portes de Kyoto. Les budgets militaires au plus bas, pour des raisons d'économie, nous n'étions pas vraiment prêts à une lutte frontale sur un champ de bataille. C'est alors que je pris une décision fort audacieuse. J'annonçai à mon conseiller d'une voix grave que le Shogun en personne irait à sa rencontre, seul. A peine ces mots prononcés que j'ai bien cru que Norifuji allait s'étouffer. Je dus lui rappeler qu'elle était sa place afin de lui faire accepter ma décision, même s'il était évident qu'il n'en pensait pas moins. Du haut de mes six années, je me rappelais de ce jour au dojo où mon défunt maître d'arme, Otomo Takauji sensei, me sermonna alors que je portais un véritable katana à la lame aussi tranchante qu'un rasoir, et non un bokken en bois comme il était d'usage pour l'entraînement : "Sire, vous ne devriez pas tenir un tel objet entre vos mains si vous n'êtes pas prêt à mourir" m'avait-il dit. Trop jeune, je n'avais pas vraiment saisi la portée de ses paroles à l'époque. Mais en cette nuit ténébreuse, c'était limpide. J'étais prêt à mourir s'il le fallait.

                    Sur un bel étalon, issu des élevages Nanbu, dont la robe aussi noire que l'ébène se confondait avec l'obscurité de la nuit, portant ma lourde armure de Shogun détrempée par la pluie battante, je me retrouvai seul devant les troupes de Hosokawa Katsumoto qui ne se trouvaient plus qu'à une heure de Kyoto. En confiance, entouré de ses généraux, Katsumoto se mit à ricaner en me voyant seul, sans un seul garde pour me protéger. Il me traita même de fou. C'est à ce moment que je lui proposai un marché. Un duel, un combat singulier au sabre, entre lui et moi, avec le sort du Japon à la clé. Silence. Le voyant hésitant, sur le point même de décliner le défi, je jouai sur son orgueil en lui demandant s'il n'avait pas peur de perdre face à un jeune homme qui pourrait être son fils. Cela fit mouche et Katsumoto descendit d'un trait de sa monture, katana à la main. Le sort du Japon allait bientôt se décider.

                    Ashikaga Yoshikatsu Ier
                    (Souvenirs d'un Ashikaga, Tome 2)


                    A suivre...
                    Dernière modification par yahiko, 09-02-2014, 11h59.

                    Commentaire


                    • #11
                      Un véritable Roman ! JE VEUX la suite ,c'est juste génial !

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                      • #12
                        On est d'accord

                        Commentaire


                        • #13
                          Ce qui suit est un passage complètement déconnecté du jeu Europa Universalis IV. Un hors-sujet en quelque sorte, en deux parties. Il met en scène le Shogun et son rival, Hosokawa Katsumoto dans un duel raconté par une troisième personne qui a réellement existé mais pas tout à fait à cette période. Son identité est dévoilée à la fin de ce passage, même si les passionnés du Japon et des samouraïs la devineront probablement avant. Pour ceux qui préfèrent les AAR pur jus, rassurez-vous, je reprendrai le cours de ma partie EU4 après ce combat.


                          23 mars 1478, Osaka

                          Mon très cher Oncle,

                          C'est avec une hâte non dissimulée que je vous écris cette présente afin de vous narrer la nuit d'hier. Il n'est pas exagéré de dire que j'ai pu assister de mes propres yeux à un moment historique.

                          Confirmant mes pressentiments dans la lettre que je vous avais envoyé la semaine dernière, mes camarades samouraïs et moi-même avons été mobilisés la nuit dernière par notre Daimyo Hosokawa Katsumoto pour marcher sur Kyoto afin de renverser le Shogun. Alors que nous pensions marcher sur le Palais des Fleurs sans être repérés, profitant de l'obscurité de la nouvelle lune, nous avons été intercepté en chemin.

                          La surprise fut de voir qu'une seule personne était venue à notre rencontre afin de s'opposer à notre avancée, et cette personne n'était autre que le Shogun en personne. Incrédules, tout le monde s'était mis à rire tant la situation était à l'immense désavantage du Shogun, face à notre armée de plusieurs milliers d'hommes.

                          Mais lorsque le Shogun proposa un duel au général Hosokawa et que celui-ci accepta contre toute attente, nous nous précipitâmes tous autour de ces duellistes sortant de l'ordinaire pour le moins. Tout le monde était excité par le spectacle qui s'annonçait. C'était le genre de duel qui ne se produit peut-être qu'une seule fois dans une vie de samouraï. Et malgré les rangs déjà denses qui s'étaient déjà formés, je parvins à jouer des coudes et à me hisser en bonne place afin de ne rien manquer de ce combat.

                          En voyant ces deux combattants qui dégageaient un charisme, une aura presque visible, il était facile de comprendre que nous avions à faire à ce genre de personnes à part qui pouvaient faire basculer l'Histoire.

                          Il est banal de dire que chaque individu est unique. Mais nous pouvions dire ce soir-là que ces deux hommes l'étaient plus que les autres. Et leur katana n'y était pas étranger. En effet, par le travail du maître forgeron, qui martèle l'acier en fusion, le replie, puis le martèle encore et encore, chaque lame est unique. Mais les deux lames que nous avions sous les yeux, celle entre les mains du Shogun et celle du Daimyo, l'étaient davantage encore.

                          A en juger par le hamon, cette traînée laiteuse et dentelée, le long du katana du Shogun, il s'agissait là d'une arme forgée par le célèbre prêtre forgeron, Goro Masamune. Elle était simplement parfaite. Un sabre d'une telle qualité n'était réservé qu'à des nobles de haut rang, ce qu'était, cela va sans dire, le Shogun Ashikaga Yoshikatsu. Je remarquai qu'il tenait son katana de façon originale, non pas dressé devant lui la pointe dirigée vers son adversaire, mais tenant la garde des deux mains, au-dessus de son épaule droite, et la lame inclinée vers l'arrière. Cela donnait l'impression de laisser une large ouverture à son adversaire, mais je compris qu'il n'en était rien. C'était dirions-nous une façon de prendre garde sans prendre garde. De plus, l'inclinaison de la lame du Shogun faisait office de camouflage en cela qu'elle rendait malaisé à celui qui se trouvait devant de juger précisément de la longueur du katana, même si d'après mes estimations, il s'agissait d'une longueur standard, soit environ 65 cm.

                          Le Daimyo quand à lui, adoptait une posture classique, campé fermement sur ses jambes, faisant face, katana devant pointant le visage du Shogun. Le hamon de la lame de Hosokawa Katsumoto, contrairement à celle du Shogun, était linéaire et régulier. Ce n'était donc pas une Masamune. Mais pour avoir observé de près ce sabre durant les précédentes campagnes militaires avec le Daimyo, j'avais noté ces gravures discrètes sur l'arête de la lame, caractéristiques du style de Yukihira, célèbre forgeron de la province Bungo. Ce très long katana, d'environ 80 cm, devait certainement faire partie des trésors du clan Hosokawa.

                          Par conséquent, du point de vue de l'allonge, Hosokawa Katsumoto était indubitablement avantagé. Mais je pressentis qu'il faudrait plus que cela pour venir à bout du jeune Shogun.

                          Les deux hommes se regardaient fixement, intensément. Le silence de mort qui régnait était tel que nous pouvions presque entendre le battement de leur cœur. Sans même avoir croisé le fer, la bataille venait déjà de commencer. La bataille de l'esprit, du sang-froid et de la concentration. C'est aussi cela la puissance d'un samouraï.

                          La tension au fur et à mesure des secondes s'écoulait à l'image de l'eau remplissant un shishi-odoshi, une fontaine à bascule en bambou, ayant presque atteint le point de rupture.

                          Soudain les fers s'entrechoquèrent. Profitant de son allonge supérieure, Hosokawa Katsumoto avait bondit sur Ashikaga Yoshikatsu pointe en avant. Mais le jeune Shogun parvint à parer l'attaque et même à riposter dans le même mouvement par un revers du poignet obligeant le Daimyo à reculer et à reprendre sa position défensive. La garde non conventionnelle du jeune Shogun était en fait non seulement une façon de prendre garde sans prendre garde, mais également une garde pour pourfendre en même temps. Mon cher oncle, il me faudra méditer dessus plus posément. Une position ou un mouvement défensif également conçu pour pourfendre, n'est-ce pas là la meilleure des tactiques ?

                          A en juger par l'imperceptible crispation sur le visage de Hosokawa Katsumoto, le Daimyo était surpris de la parade du Shogun et le complimenta avec la condescendance d'un maître envers un disciple. Le Shogun ne répondit pas, et je pense qu'il avait raison. Sa survie devait passer par la concentration la plus totale.

                          Alors que la pluie redoublait d'intensité, la terre détrempée faisait de plus en plus place à la boue. Les bottes des deux combattants s'enfonçaient grassement sous le poids de leur lourde armure toute faite de cuir, de fils de soie et de plaques de métal.

                          La couleur de l'armure de Hosokawa Katsumoto était à dominante noire. C'était une o-yoroi, réservée aux généraux et à l'élite samouraï, elle offrait une protection quasi totale. Une véritable forteresse à quiconque la portait, à condition d'en supporter la charge, plus de 30 kg. Le prix à payer était une mobilité très réduite ce qui pouvait être problématique dans un combat au corps-à-corps. Dans le camp d'en face, l'armure rouge-sang de Ashikaga Yoshikatsu, une do-maru, bien qu'il n'était pas possible de la qualifier de légère, était certainement moins lourde de plusieurs kilos, au prix par contre de quelques vulnérabilités, notamment sur les flancs. Mais ce fut un choix avisé et probablement prémédité de la part du Shogun avant de venir en ces lieux car cela lui conférait l'avantage de la mobilité et de la vitesse face au Daimyo, avantage crucial dans un combat singulier.

                          Cette analyse fut partagée par Hosokawa Katsumoto puisqu'il commença à retirer son armure pièce par pièce. S'il voulait pleinement bénéficier de son allonge supérieure, son armure était un obstacle. Et par un mimétisme bien compris, Ashikaga Yoshikatsu lui emboita logiquement le pas. Désormais, deux samouraïs, dévêtus de leur carapace, en simple kimono se faisaient face. Il n'était plus possible au simple regard de leur attribuer un rang social. Ni Shogun ou Daimyo, ils n'étaient plus que de simples mortels à la merci de la pluie et du tonnerre qui grondait, sous le regard sans doute curieux des Dieux kami.

                          A suivre...
                          Dernière modification par yahiko, 08-03-2014, 00h12.

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                          • #14
                            (Récit juste incroyablement riche et de qualité La suite!)

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                            • #15
                              Tu compte te lancer dans la création d'un Roman, Yahiko? tu as toutes les capacités pour !

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