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  • #16
    Merci pour les passionnés d'Histoire qui suivent
    Et non, je n'ai pas prévu d'écrire un roman, merci pour le compliment !
    C'est juste une façon que j'ai trouvé pour partager mon intérêt pour l'Histoire, le Japon et EU4.

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    • #17
      Voilà enfin la fin du combat qui clôt la séquence de la réunification du Japon. Comme je vous le disais, je prends mon temps.




      Une distance d'environ trois mètres devait séparer les deux combattants. Même si l'allonge de Hosokawa Katsumoto était grande, il lui fallait s'approcher pour se mettre à portée. Le Daimyo fit un premier pas, puis un autre, successivement, dans une cadence régulière. Ashikaga Yoshikatsu en réponse, dans un dialogue corporel, se déplaça latéralement, à contretemps, prenant bien soin de rester face à Hosokawa Katsumoto.

      Tout comme le danseur ou le ménestrel, ces deux hommes étaient à la recherche du rythme qui sied bien. Hosokawa Katsumoto essayait d'imposer sa cadence et cela se voyait à sa manière d'appuyer ses pas sur le sol. Ashikaga Yoshikatsu cherchait quant à lui à adopter un rythme contrariant, un rythme inattendu, capable de surprendre son adversaire. Il était clair que l'un cherchait à l'emporter sur l'autre sur la Voie du Temps, et ceci afin de l'emporter sur la Voie de l'Espace. Il y aurait là bien des enseignements à en tirer. Mon très cher oncle, il me faudra y réfléchir en détails à l'avenir.

      Et comme pour confirmer mon analogie, tel un gong d'ouverture, Hosokawa Katsumoto lança un puissant kiai, ce cri de combat caractéristique des arts martiaux, au moment de lancer une attaque violente sur le flanc droit. Ashikaga Yoshikatsu qui avait bien suivi l'action tenta d'écarter le long katana de son adversaire en le cinglant. Mais c'est alors que prolongeant la trajectoire de son katana vers le haut, Hosokawa Katsumoto fit montre d'un remarquable opportunisme en frappant non pas les côtes comme son mouvement initial pouvait le laisser croire, mais la main droite de Ashikaga Yoshikatsu. Une traînée de sang s'échappa de la pointe du katana du Daimyo. Le jeune Shogun venait d'être désarmé. La précieuse lame Masamune virevolta loin dans les airs avant de se planter dans le sol, au milieu de la foule des spectateurs soldats. Ashikaga Yoshikatsu était en mauvaise posture à ce moment et c'était peu de le dire. Sans sabre et sans armure son espérance de vie devait être comparable à l'épaisseur du washi, ce papier traditionnel en fibres végétales. Et la main droite ensanglantée du jeune Shogun n'arrangeait pas les choses. Sa vie ne tenait plus qu'à un fil. Le fil de la lame de Hosokawa Katsumoto.

      Une erreur fatale pour le jeune Shogun aurait été de figer sa position ne serait-ce qu'un bref instant. L'immobilité était la mort, et seul le mouvement était la survie. Et heureusement pour lui, la criticité de la situation aidant, Ashikaga Yoshikatsu resta mobile. En moins d'une fraction de seconde il fit une roulade sur le côté puis, du sol boueux, s'empara d'un branchage qui trainait. Une chance. Il était suffisamment long, rectiligne et rigide pour s'apparenter à un bâton de combat de jo-jutsu d'environ un mètre de longueur.

      Etait-il tiré d'affaire ? Rien n'était moins sûr. Mais j'étais assez admiratif quand à la capacité du jeune Shogun d'avoir su remarquer, à la limite de son champ de vision, la présence de ce morceau de bois, jusque là, un simple détail sur l'aire de combat. Je me suis dis qu'Ashikaga Yoshikatsu s'était exercé à la vision de l'aigle, celle qui permet à un combattant de voir sur les côtés sans bouger les yeux. Jusqu'à cet instant, je n'avais jamais hautement considéré cette qualité, mais la situation me fit changer mon jugement. Cela peut manifestement faire la différence entre vivre ou mourir.

      Bâton entre les mains, fort de sa nouvelle allonge, Ashikaga Yoshikatsu était en mesure de prendre l'ascendant sur Hosokawa Katsumoto. Tant pour se familiariser avec sa nouvelle arme, en juger l'équilibre, que pour impressionner son adversaire, le jeune Shogun se mit à faire quelques katas caractéristique du jo-jutsu, quelques figures de style brièvement exécutées où le bâton glissait avec fluidité entre ses mains et tournoyait à vive allure. Force était de constater que Ashikaga Yoshikatsu malgré son jeune âge avait plus d'un tour dans son sac.

      La démonstration de force achevée, le jeune Shogun prit son inspiration puis partit à l'assaut. L'initiative était cette fois-ci de son côté.

      Accompagné par un kiai sonore décuplant sa force, Ashikaga Yoshikatsu n'était plus le même homme. Il était plus vif, plus puissant. Son bâton pourfendait l'air en sifflant et se démultipliait sous l'effet de sa vitesse ahurissante. En face le Daimyo tentait de parer ou d'esquiver mais il semblait manifestement dépassé par la fulgurance de son jeune adversaire. Il recula, céda du terrain. Il se faisait à cet instant clairement dicter la conduite du combat jusqu'à se faire repousser à un endroit précis.

      Ashikaga Yoshikatsu avait décidément un sacré sens de l'observation. Non seulement il avait su repérer au milieu de la boue un bâton qui venait de lui sauver la vie, mais il avait saisi la topographie des lieux et était en train d'en tirer parti. Hosokawa Katsumoto, sans s'en rendre compte, était sur la partie la plus glissante de l'aire de combat. La boue y était visiblement plus visqueuse qu'ailleurs, ce qu'avait bien noté Ashikaga Yoshikatsu qui redoubla la force de ses coups.

      Ployant sous les impacts et sans appui solide, le Daimyo en vint à s'agenouiller pour réduire son exposition. Chose inconcevable il y a encore quelques secondes de cela. On distinguait non seulement des hématomes sur les avant-bras de Hosokawa Katsumoto, mais aussi des traces de sang. Le vent venait de tourner.

      Mais l'expérience parla. On ne devenait pas le chef du clan Hosokawa par hasard. Hosokawa Katsumoto n'était pas le premier venu. S'il y n'avait qu'une seule personne capable de se mesurer au Shogun dans ce royaume, c'était bien lui. Il leva la tête, fixa le Shogun droit dans les yeux et lui dit sur le ton de la provocation : "Pour une fois qu'un Ashikaga atteint ce niveau. Ça change de la lâcheté et de la faiblesse de votre père !"

      Le regard du jeune Shogun s’enflamma aussitôt. Désormais, ce n'était plus la dextérité, mais la colère qui guidait ses mouvements. Et c'est précisément ce que souhaitait le Daimyo qui venait de perturber le rythme intérieur de son adversaire. Profitant d'une ouverture permise par la désynchronisation des mouvements d'Ashikaga Yoshikatsu, Hosokawa Katsumoto dévia tout d'abord le bâton adverse avec son katana, puis par un coup tranchant vertical de haut en bas, visa l'épaule droite du Shogun. Cette attaque bien que dangereuse était parfaitement esquivable et c'est une telle esquive qu'était en train de faire le jeune Shogun. Mais au dernier moment, le Daimyo changea brusquement la trajectoire de son katana. La lame n'essayait plus de trancher verticalement au niveau de l'épaule, mais se mit à transpercer horizontalement au niveau de l'abdomen.

      C'est toute la fougue du jeune Shogun qui s'arrêta nette. Il recula, lâcha son bâton, puis tomba à la renverse, sur le dos. Son visage était recouvert par la boue et sur son kimono, le sang commençait à se mêler à la terre. Son précédent assaut venait de le vider de ses forces, et le voilà qui venait à se vider de son sang.

      Ashikaga Yoshikatsu payait le prix fort son erreur. En l'espace d'un instant il avait oublié que l'esprit était un terrain de combat et que même dans ce domaine, il ne fallait jamais baisser sa garde.

      Hosokawa Katsumoto en vainqueur, levait les bras en signe de victoire et paradait devant la foule que nous formions. Nous aurions dû être heureux de voir notre chef l'emporter mais il y avait comme un malaise qui traversait l'assistance. Comme si nous n'étions pas satisfait de l'issue de ce combat, sans vraiment savoir pourquoi.

      C'est alors qu'on entendit des paroles d'étonnement parmi mes camarades samouraïs. Le corps du Shogun bougeait encore. Hosokawa Katsumoto se retourna et vit la tête et le buste de Ashikaga Yoshikatsu se redresser. Ses jambes restaient allongées, sans doute trop faibles pour supporter son propre poids. Il grimaçait mais n'était pas encore mort. Rictus aux lèvres, le Daimyo reprenant son sabre des deux mains lança : "Persistant à ce que je vois. Vous avez pourtant eu le droit à ma technique spéciale, tsubame gaeshi". Puis, tout en s'approchant du jeune Shogun toujours assis, continua : "Abrégeons vos souffrances, qu'on en termine !". Hosokawa Katsumoto brandit alors amplement son katana dans le mouvement typique de la décapitation. Et abaissa la lame.

      Une tête tomba à la renverse au milieu d'une flaque de boue. Il y avait du sang qui coulait. Cela venait de la poitrine. Le Daimyo venait d'être transpercé en plein cœur par un wakizashi, un sabre de petite dimension, que le jeune Shogun avait dissimulé dans son kimono. Il l'avait projeté a la manière d'un shuriken, avec tout ce qu'il lui restait sans doute de force et de désespoir. Il aurait été stupide de mourir sans avoir utilisé toutes les armes qu'il avait à sa disposition. Et sa ténacité avait payé.

      Le Daimyo s'éteignait au fur et à mesure des secondes. Sentant probablement la mort l'envahir, Hosokawa Katsumoto, Daimyo du clan Hosokawa, livra ses dernières paroles : "Shogun, j'ai toujours admiré votre père. Nous partagions la même idée du Japon. Solidement ancré dans ses traditions, chérissant plus que tout ses ancêtres. En apprenant à vous connaître, j'ai compris votre ambition. Ah ! Ce Nouveau Japon. Mais ce n'est plus le Japon... Votre Voie n'était pas la mienne. Mais peu importe à présent. Le Destin vient de décider et vous donne raison. Maintenant, j'espère juste que l'Histoire ne sera pas trop sévère avec moi, qu'elle ne m'emportera pas dans les trépas infamant de l'oubli ou du déshonneur. A celui qui voudra bien écrire mes mémoires, qu'il mentionne bien que j'ai toujours voulu le meilleur pour les miens, pour le peuple japonais..."

      Il était écrit d'avance que de ce combat, le Japon devait perdre un homme de grande valeur. Ce fut Hosokawa Katsumoto. Il rendit son dernier souffle en cette nuit pluvieuse d'équinoxe dans un duel épique contre le Shogun Ashikaga Yoshikatsu 1er.

      Les blessures du Shogun étaient certes profondes, mais par chance n'avaient touché aucun organe vital. A l'aide de bandages et d'herbes médicinales, nous nous occupâmes de le soigner dès la fin du combat. Les officiers qui avaient vu la mort de leur maître, étaient tous agenouillés, poignard à la main, sur le point de se faire seppuku, sacrifice traditionnel selon le Bushido, notre code samouraï, afin de laver l'affront d'avoir osé défier le Shogun. Magnanime, Ashikaga Yoshikatsu les en dispensa en leur annonçant qu'il aurait besoin de toutes les forces vives pour convertir à la cause des Ashikaga les réticences locales dans les provinces détenues par les Hosokawa. Cela prendrait encore quelques mois sans doute.

      Pour ma part, je pris la décision cette nuit-là de quitter l'armée régulière. Mon très cher oncle, ce combat m'ouvrit les yeux sur la Voie que je devais suivre. L'art samouraï peut progresser, et je peux y apporter ma contribution. Le choix des armes, l'aptitude à en manier plusieurs sortes, l'importance du rythme, de l'observation, du terrain, l'aspect psychologique, et tant d'autres facteurs que j'ai commencé à consigner.

      Je m'en vais donc parcourir le pays, seul, sans aucune aide de personne. Je n'aurai pas de maître. Je serai un ronin. Mais je m'entrainerai ardemment par moi-même et ceci afin de devenir le plus grand samouraï de tous les temps. Je sais que cela sera difficile. Mais tout est difficile, la première fois.

      Shinmen Takezo
      (Archives Impériales)
      Dernière modification par yahiko, 13-02-2014, 12h42.

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      • #18
        Magique, comme d'habitude . Sinon tu es en avance sur l'histoire ou tu écris cela après une session ?

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        • #19
          J'ai au moins un lecteur, c'est cool
          Merci

          Oui, je suis en avance dans ma partie EU4. Mais c'est plus parce que j'ai pris un énorme retard dans la retranscription des sessions XD

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          • #20
            Super boulot

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            • #21
              Juste épique!

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              • #22
                a quand la suite Yahiko ?

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                • #23
                  Désolé pour l'attente mais rassurez-vous, je n'ai pas abandonné cette partie. Voilà la suite. Après la mort d'Hosokawa Katsumoto, après l'unification du Japon, ce nouveau chapitre s'ouvre sur fond de rivalités avec les Mings. Ça démarre doucement, mais ce n'est que le début.


                  9 mai 1490, Kyoto


                  Il n'y a point de Justice sans punition. Le détenteur de l'autorité se doit de faire preuve de fermeté sous peine de voir le chaos remplacer l'ordre. A chaque faute son prix. Les délits matériels comme le vol se paient en souffrances, en tortures et en mutilations. Les crimes d'honneur eux se paient par la mort, ni plus, ni moins. Il en est ainsi. A chaque crime son châtiment, et à chaque châtiment, son crime. C'est le fondement même de la civilisation, le fondement du peuple japonais.

                  On ne peut pas en dire autant d'autres peuples comme les Mings. La violence gratuite et des pratiques honteuses y seraient monnaie courante.

                  Par exemple, il m'a été rapporté cette forme de mise à mort particulière, celle surnommée la "Mort aux mille coupures". Le principe est simple mais cruel. Il réside dans une corbeille recouverte d'une étoffe, contenant un ensemble de couteaux. Sur chaque couteau serait gravé le nom d'une partie du corps humain. L'un après l'autre, au hasard, le bourreau est amené à se saisir d'un de ces couteaux de la corbeille, dissimulé sous l'étoffe. Puis, selon l'inscription sur le couteau, à découper la partie correspondante du condamné : cela peut être les oreilles, les entrailles, les yeux, les doigts, ou toute autre partie du corps. C'est le sort qui décide et le supplice peut durer longtemps. Dans ces conditions, le condamné et ses proches prieraient pour que le bourreau tombe au plus vite sur le couteau destiné au cœur pour une ultime délivrance.

                  Tout aussi étranges et inhumains chez les Mings, sont ces eunuques, des hommes privés de leur virilité. Quelle insulte aux Créateurs de notre monde ! Izanagi, époux d'Izanami, n'était-il pas le masculin ? La castration est intolérable en cela qu'elle prive tout homme de son lien inaliénable avec le divin. C'est pour toutes ces choses que les Mings sont à n'en pas douter des êtres déviants. Mais cela ne les empêchent pas de considérer le Japon comme barbare et non civilisé.

                  C'était typiquement ce que devait se dire ce diplomate Ming, qui était un eunuque bien évidemment. Il s'appelait Hong Jin et était vêtu d'un élégant costume de soie verte comme le jade. Nous l'avions reçu lui et sa délégation pléthorique au Palais des Fleurs de Muromachi il y a deux ou trois mois. Bien qu'un régiment puisse tenir dans la salle des audiences, en ce jour, on aurait cru étouffer tant la salle était pleine à craquer de serviteurs Mings et de caisses de marchandises au point d'éclipser ma cour de dignitaires samouraïs littéralement repoussés contre les murs. C'était à croire que ces Mings se croyaient chez eux.

                  Cela faisait bien une bonne dizaine d'années depuis la dernière visite diplomatique des Mings au Japon. Et le spectacle était toujours le même. Comme s'ils souhaitaient montrer d'emblée leur supériorité par le nombre et par l'opulence.

                  Une fois tout ce beau monde installé dans la salle, assis en rang serré dans un silence protocolaire, le représentant Ming, Hong Jin me salua et prit la parole. Sur un ton tout à fait courtois, il s'enquit de ma santé et de la prospérité du Japon ce à quoi je lui répondis que j'étais désormais le seul et unique maître dans ce nouveau Japon pacifié et unifié, et donc le seul interlocuteur légitime à présent. Il sourit poliment puis en vint aux choses sérieuses.

                  Quiconque aurait pu deviner qu'une telle délégation n'était pas simplement venue pour échanger des politesses. Et je sentais clairement que derrière la façade souriante de tous ces continentaux, l'objet de la visite n'était pas nécessairement amical.

                  Sans se retourner, Hong Jin fit signe de s'approcher à un des membres de sa délégation qui se tenait en retrait. Ce dernier s'approcha portant à bout de bras une imposante jarre. Elle était d'un blanc très pur et recouverte d'une série de dragons entrelacés de couleur bleu-argent. Fascinant de voir à quel point ces Mings maîtrisaient parfaitement l'art de la céramique et ne manquaient pas de le faire savoir. Nos potiers japonais les plus talentueux avaient bien tenté de reproduire ce matériaux, cette porcelaine comme ils l'appellent, mais sans succès hélas. Les céramiques produites n'étaient jamais aussi fines, dures ou imperméable que celles des Mings. Le secret de la porcelaine était jalousement gardé et était selon les Mings un des marqueurs de la supériorité de leur civilisation. Et une telle arrogance ne manquait jamais de m'insupporter.

                  Là où les Mings sont très habiles est qu'en échange de leurs précieux produits manufacturés comme cette jarre en porcelaine, ils ne demandent que des produits de base comme des chevaux, du ginseng ou de la fourrure. Il est admis que pour les Mings, ces missions diplomatiques sont dispendieuses et pas vraiment à leur avantage sur le plan économique, au contraire de leurs hôtes pour qui commercer avec les Mings est une activité très lucrative. Mais comme tout, cela ne se fait pas sans condition. Pour obtenir ce droit, il faut adopter les idées, les coutumes et les institutions des Mings, comme par exemple appliquer leur calendrier lunaire pour dater les documents officiels. C’est à vrai dire une forme subtile de soumission. Pas celle par les armes, mais celle par l'esprit et par le cœur. Rien de plus redoutable et de plus irréversible.

                  Et il faut l'admettre, la pensée Ming s'était déjà immiscée dans les mentalités japonaises. La faute à ces Daimyos qui avaient préféré échanger leur âme contre de l'or pendant la période Sengoku, comme le surnomme déjà l'Historien Impérial, ces années de guerres interminables entre Daimyos. Le bouddhisme est symptomatique de cette insidieuse perversion. Cette nouvelle religion ayant même supplanté le shintoïsme dans de nombreuses provinces du Japon. Mais en tant que Shogun de ce Nouveau Japon, je me dois de mettre un frein à cette dérive qui pourrait à terme conduire mon pays à n'être qu'un satellite de second ordre de ces Mings mielleux mais fourbes.

                  Après avoir procédé à la vente d'une dizaine de jarres en porcelaine contre une pleine caisse de fourrures de tanuki, Hong Jin me présenta un grand parchemin sur lequel étaient dessiné des motifs curieux. Des parties étaient sombres et d'autres claires. Sur les parties claires, on pouvait distinguer des lignes qui ondulaient, zigzaguaient, serpentaient ou se séparaient en de multiples embranchements. A d'autres endroits, il y avait des triangles par dizaines, regroupés et serrés ou bien clairsemés. Et tout en haut de ce parchemin était inscrit en kanji "Royaume du Milieu". C'était une carte de la terre des Mings et des pays environnants. Le Japon était également représenté, mais tout à fait à l'extrémité, pratiquement exclu. A vrai dire, en dépit de la qualité de ce document, ce présent n'était pas forcément de très bon goût. Car l'accepter revenait pratiquement à accepter la prédominance de ce Royaume du Milieu sur les autres pays, y compris le Japon. Une approche très subtile.

                  Devais-je accepter cette carte et donc me soumettre symboliquement ? Ou bien la refuser et risquer la rupture diplomatique et la guerre ? Afin de me donner du temps à la réflexion, j’interrogeai Hong Jin sur la manière dont les Mings étaient parvenus à représenter tant de pays avec leurs contours, leurs fleuves et leurs montagnes. Il me répondit que leur Empereur, détenteur du soit-disant Mandat Céleste, avait financé des gigantesques expéditions d'exploration de quelques 70 navires et 30 000 hommes il y a plusieurs décennies de cela. C'était un certain amiral Zheng He qui avait mené ces expéditions et avait ainsi permis aux Mings de nouer des contacts avec des peuples qui n'étaient connus que dans les légendes auparavant. Hong Jin se délecta à me raconter moult anecdotes sur les péripéties des divers expéditions afin d'être certain de me convaincre et surtout d'étaler toute la supériorité de la science de son peuple à mes oreilles. Évidemment, je faisais mine d'être ravi mais en mon fort intérieur, j'étais pratiquement terrifié. Si les Mings étaient capables de mobiliser 70 navires et 30 000 hommes pour le simple plaisir de se promener de par les mers, qu'en était-il de leur marine militaire ? Aucun espion était nécessaire pour comprendre que le Japon était certainement en retard dans ce domaine.

                  A la fin du récit de Hong Jin, il me fallait décider. Allais-je accepter ou refuser cette carte, ou plutôt ce piège, en présent ? L'humiliation ou la guerre, c’était l’alternative. Dans la salle d'audience personne n'osait respirer comprenant l'importance de ma décision. Toute la délégation Ming était sur le qui-vive, la main posée sur l'une de leurs armes cachées qui avait passé les vérifications d'usage. Les nobles samouraïs eux me fixaient intensément. Ils étaient tellement crispés qu'on aurait dit qu'ils allaient dégainer leur katana d'un instant à l'autre et faire un carnage. Car ce n'était pas que mon honneur qui était en jeu, mais celui de tout un peuple. Mon peuple. Le diplomate Ming restait quant à lui souriant et impassible. A peine pouvait-on deviner une légère boursouflure au niveau de la tempe gauche qui trahissait ses intentions. Mais il continuait à soutenir mon regard inquisiteur sans baisser des yeux. Cela forçait presque le respect. Il eut même l'audace de tendre davantage la carte vers moi pour forcer la décision. Je ne pouvais plus le faire attendre.

                  Je pris alors une profonde inspiration puis fit un signe. Un signe à l'attention d'une de mes domestiques. C'était une servante de la plus basse condition. Une fille de paysan sans nom et sans prénom. La "paysanne" l'appelait-on d'ailleurs dans le Palais. Sans mot dire, je lui indiquai de prendre la carte des mains du diplomate promptement puis à le saluer en guise de remerciement. Incrédule, Hong Jin se laissa faire sans réagir. Il ne devait sans doute pas s'attendre à cette réponse de ma part. Le présent offert a bien été accepté, mais à aucun moment je n'ai eu à mettre les mains dessus, ni même eu besoin de remercier le diplomate Ming en personne. La face était sauve. Même si je me doutais que cela n'allait pas plaire à l'Empereur Ming quand il apprendrait la nouvelle, ce ne pouvait pas vraiment constituer un véritable casus belli après tout. La guerre entre le Japon et le Royaume du Milieu n'aura pas lieu. Pas encore.

                  Ashikaga Yoshikatsu Ier
                  (Souvenirs d'un Ashikaga, Tome 3)
                  Dernière modification par yahiko, 05-03-2014, 01h59.

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                  • #24
                    Avec les détails que tu nous donnes, et un peu d'imagination, on s'y croirait! C'est juste magnifique.

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                    • #25
                      vraiment excellent j'ai déja lu plusieurs autre texte comme sa , pour des GPO notamment , et franchement sa me plait continu comme sa tu pouras mener le japon a son apoger et mettre un terme a l'empire du milieu

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                      • #26
                        A quand la suite ?

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                        • #27
                          Envoyé par youngallandael Voir le message
                          A quand la suite ?
                          oui c'est vrai yahiko, ça fait plus d'un mois la!!! on veut une suite!!!!!!

                          Commentaire


                          • #28
                            Envoyé par youngallandael Voir le message
                            A quand la suite ?
                            Envoyé par flo463 Voir le message
                            oui c'est vrai yahiko, ça fait plus d'un mois la!!! on veut une suite!!!!!!
                            Arf, vous avez raison que ça fait un bail.
                            Le souci est que je suis actuellement engagé sur d'autres sujets (toujours en relation avec EU4), mais qui ne me permettent pas de me consacrer véritablement à cette AAR.

                            Comme je n'aimerai pas vraiment bâcler mes chapitres, je préfère être en pause pour le moment, sans toutefois abandonner le sujet pour lequel la suite est déjà dans ma tête.

                            Commentaire


                            • #29
                              Envoyé par yahiko Voir le message
                              Arf, vous avez raison que ça fait un bail.
                              Le souci est que je suis actuellement engagé sur d'autres sujets (toujours en relation avec EU4), mais qui ne me permettent pas de me consacrer véritablement à cette AAR.

                              Comme je n'aimerai pas vraiment bâcler mes chapitres, je préfère être en pause pour le moment, sans toutefois abandonner le sujet pour lequel la suite est déjà dans ma tête.
                              dommage pour la suite, on patientera (on n'est plus à un mois près ). sinon cela veut dire qu'on aura plus de guides???

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