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  • #31
    Hmmm... Oui, j'avais mal lu ce que tu disais et j'ai un peu trop extrapolé. En fait, j'ai l'impression qu'en quenya, si un mot se terminant par une consonne se voit adjoindre un suffixe commençant par une voyelle, alors la dernière voyelle du mot de base est accentuée. Mais c'est juste une conjecture personnelle.

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    • #32
      Pour les accents finaux en quenya, j'étais plus parti sur l'hypothèse de la phonétique, en me basant davantage sur le Lhammas que sur le Silmarillion parce que bieen plus exhaustif. M'enfin ça reste sujet à caution, Tolkien a passé sa vie à retravailler le quenya. Ce que je prends comme exemple est le quenya tardif, édité après sa mort, et dans sa majorité proche du quenya du Silmarillion :

      > si un mot se termine par une consonne, jamais d'accent sur la syllabe précédente.
      Tar-Minyatur ; Númenor ; Isil ; Anórien ; Elbereth ; Isildur

      > si un mot se termine par une voyelle, deux cas de figure :
      >> si se termine par une syllabe avec une combinaison de consonnes (comme les diphtongues, mais pour les consonnes, j'ai plus le mot) ou un dédoublement des consonnes, pas d'accent non plus.
      Voronwë ; Finwë ; Yavanna ; Irmo
      >> si se termine par une syllabe simple (consonne + voyelle), alors dans ce cas il y a - souvent en tout cas - un accent.
      Turukáno ; Fëanáro ; Rána ; Elentári rien que pour les á

      > pour les mots courts, quelquefois des accents, quelquefois non : Aulë n'en prend pas, mais Rána (l'errante, la Lune) en prend. C'est une question d'esthétique très certainement. L'initiale d'un mot n'en prend jamais en tout cas.

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      • #33
        Anórien c'est plutôt du sindarin...

        Mais comment tu expliques le Anar -> Anárion ?

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        • #34
          Wep, effectivement.

          Pour les accents tonaux intermédiaires, je n'en ai aucune idée, ça dépend à mon avis de l'esthétique du mot... Quant à Anar, où voudrais-tu placer l'accent ? Il ne peut pas aller sur l'initiale, et ne peut pas non plus se mettre sur le dernier a, puisque les accents tonaux se situent toujours sur l'avant-dernière voyelle. Et en plus le mot se termine par une consonne. Trois bonnes raisons pour qu'il n'y ait pas d'accent, si on suppose que mon hypothèse est juste. Ca marche pour Rána, où le a n'est pas à l'initiale. Mais dans ce cas de mots courts, ce n'est pas systématique...
          Dernière modification par Lord Perhaps On The Roof, 22-02-2015, 18h35.

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          • #35
            Petite brève : Tolkien VS christianisme

            Vaaaste sujet... Et contradictoire, et hautement explosif. Amis polémistes, bonsoir ! C'est en me tapant la Bible (pas fini, mais y a déjà de quoi raconter) récemment que je me suis rendu compte des similarités incroyables, au niveau du détail comme du fond, dans l'oeuvre. Jusque-là, en brave sceptique, j'avais du mal à avaler que l'influence biblique puisse dépasser la conception de certains détails, et surtout je pensais qu'elle venait essentiellement des récits médiévaux qui inspirent Tolkien, de manière indirecte donc. Pas totalement faux, mais loupé...
            Au lieu de détailler point par point tout ce qui relève de l'influence biblique (trop trop long et tout le monde s'en contrefout !), je vais plutôt analyser quelques préjugés qui ont l'Adam dure.

            Avant de commencer. Tolkien est anglais, donc anglican ? Wasted ! Il était africain du sud et fervent catholique. Par conséquent, pour comprendre la conception religieuse de Tolkien, la Bible œcuménique qui traîne sur le coin de l'étagère fera tout à fait l'affaire. Pour l'anecdote, il a d'ailleurs traduit une partie de l'Ancien Testament en anglais, précisément pour la Bible œcuménique. Parce que oui, il lisait l'hébreu (il y a DEUX langues de référence dans la Bible originelle, l'hébreu pour les parties les plus anciennes et le grec ancien pour les parties les plus récentes, y compris des passages de l'Ancien Testament, ok j'oublie l'araméen, mais passons !).

            Préjugé 1) "J'ai lu de mes propres mirettes sur 4chan que Tolkien était un fanatique chrétien, donc réac, conservateur, xénophobe, raciste, de droite voire fasciste et anti-féministe. Pas de bol, je suis sataniste anarchiste individualiste laïque progressiste et pro-féministe, et d'ailleurs j'ai un très bon ami noir. Du coup j'ai cramé le SdA. "

            C'est la question la moins intéressante de toutes, mais il faut bien commencer par y répondre parce que c'est la plus entendue. Je vais faire vite. Toutes se résument à une question très à la mode aujourd'hui : est-ce qu'on peut être tolérant, de son temps et intelligent en étant religieux ? Répondre non, c'est un peu cracher sur tout l'héritage des six derniers millénaires à mes yeux, depuis l'invention de l'écriture. Mais ce n'est pas le débat. Dans l'ordre :

            >> fanatique chrétien ? Fervent croyant et pratiquant, oui, prosélyte, certainement (il a converti C.S. Lewis, par exemple, lire le topic des relations entre Lewis et Tolkien). Ca se remarque à deux périodes dans l'écriture de ses écrits. Tout d'abord, dans ses écrits de jeunesse, alors que l'univers n'était pas encore fixe. L'histoire de Nùmenor est l'une des plus anciennes du legendarium et est aussi une des plus densément chrétiennes (Dieu donne la Terre promise, le pouvoir et la gloire aux élus des Hommes, qui petit à petit cèdent à la tentation et à l'oubli, blasphèment à l'encontre de Son nom et vénèrent un veau d'or auquel ils sacrifient des humains, puis Sa main qui a donné reprend brusquement le bien donné et purge la Terre promise dans un gigantesque déluge, auquel ne réchappent qu'une poignée de bons hommes menés par un prophète, le Paradis est alors définitivement perdu). C'est le seul épisode où il est question d'un véritable culte religieux "matériel", avec temples et cérémonies, celui d'Eru Ilùvatar (et son anti-culte, celui de Melkor).

            De même, l'empreinte du christianisme dans ses oeuvres s'approfondit de plus en plus à mesure qu'il prend de l'âge. Dans ses derniers écrits, il essaye de débarrasser le legendarium du paganisme qu'il y avait introduit auparavant (les animaux parlants entre autres, exemple pratique puisque Peredhel le cite il y quelques pages) et d'augmenter la part de christianisme dans la pâte de ses histoires. Mais la pâte ne prend pas, il est trop tard pour contredire en profondeur la quasi-totalité du legendarium. Et d'ailleurs, les critiques visant les livres de Tolkien n'attendent pas cette période pour parler de fanatisme...

            Entre les deux périodes, on trouve bon nombre d'allusions au christianisme, mais dilué dans d'autres inspirations : le parcours de Frodo en Mordor est une sorte de Passion, évidemment, mais qui s'inspire autant du vécu de Tolkien dans les tranchées de la Première Guerre Mondiale et de la camaraderie sincère et généreuse entre soldats qui a donné le personnage de Sam. Et Frodo ne meurt pas en martyr ni en prophète, il survit, presque oublié et souffrant, avant de rejoindre Valinor (le Pays Béni, le Paradis donc) par une sorte de suicide. L'Anneau Unique ne peut d'ailleurs pas être comparé à la croix du Christ, si ce n'est qu'il fait souffrir son porteur qui endure courageusement la torture qu'il s'impose lui-même, sans accepter d'aide de qui que se soit. Ce genre d'exemple est typique des relectures religieuses du Seigneur des Anneaux, qui sont indispensables, mais qui sont insuffisantes seules. L'épisode de Nùmenor reste le plus chrétien de tous, et même à ce moment, aucun message n'est délivré pour attirer le lecteur vers la chrétienté.

            >> Réac et conservateur ? Comme souvent, l'idée a un fond de vérité. Tolkien était contre la modernisation. A ses yeux, elle était responsable du recul du surnaturel (et de la nature tout court), ce qu'il incarne avec le personnage de Saruman. Pour répondre à la question, il suffit de le citer : "If more of us valued food and cheer and song above hoarded gold, it would be a merrier world. (Si plus d'entre nous estimaient la nourriture et la chanson plus que l'accumulation de l'or, le monde serait plus joyeux." (Le Hobbit). Mais, contrairement aux idées conservatrices, il était fondamentalement pacifiste et plutôt environnementaliste. Quant à savoir pour qui il votait...

            >> Xénophobe et raciste ? Aïe aïe aïe, les personnages du Bien sont tous blancs et tout ce qu'il y a de plus européen. Et en plus de ça, les rares protagonistes typés asiatiques et africains sont systématiquement associés au Mal. Hmmmmm, comment ne pas lire ça comme étant raciste ? L'une des grandes oppositions du legendarium reprend, pour une fois, le monde réel. A l'ouest vivent des humains typés européens, à l'est des humains typés asiatiques, et au sud des humains typés africains, ce qui en soit n'est pas choquant. Et, chez Tolkien :
            - l'Ouest = le Bien, l'ordre et la Fin
            - l'Est = le chaos, le Début et l'inconnu, qui par opposition à l'ouest se révèle souvent être hostile.
            - le Nord = terra incognita, froide et hostile
            - le Sud = terra incognita, brûlante et hostile
            Je reviendrai sur cette organisation géographique plus tard, dans un autre post. Ainsi donc, ce ne sont pas parce qu'ils sont typés asiatiques ou africains que les Orientaux ou les Haradrim sont mauvais, c'est parce qu'ils vivent dans la mauvaise indication cardinale, qui se trouvent être rattachées à des stéréotypes issus du monde réel. Que Tolkien réemploie à loisir. Ce qui est davantage choquant, c'est que les Orques empruntent parfois des traits orientaux, et là, je vois mal comment ne pas y lire une infériorité "de race", bien que l'inspiration médiévale des démons chrétiens puisse y être pour quelque chose. Pour que ce ne soit pas le cas, il faudrait qu'il existe aussi des êtres maléfiques dont la caractéristique soit d'être européens de visage. Et il n'y en a pas...
            Quant à la xénophobie, elle se manifeste précisément chez des personnages ignorants (les Hobbits, les Rohirrim d'Eorl effrayés par la Lorien vue de loin, la défiance générale envers les Elfes et les Nains chez les Hommes). Autrement, l'intolérance est une des caractéristiques du Mal avant tout, les Orques étant des purs suprématistes. Finement employée chez Tolkien, la xénophobie est le signe du déclin du camp du Bien, quand les alliés commencent à se méfier des alliés et à ne se reposer que sur leurs forces propres, hors de toute union (ainsi Denethor méprise les Hobbits et ne croit plus en l'alliance des Rohirrim, à l'inverse la Dernière Alliance est le symbole même d'une fraternité entre les races qui permet la victoire). Et la perte de confiance en les alliés ou les maîtres est un signe de perte inéluctable : l'isolationnisme des Nains est par exemple la raison de leur disparition.

            >> De droite et fasciste ? Les oeuvres de Tolkien exaltent des rois qui, sûrs de leur légitimité et de leurs capacités, règnent au-dessus du peuple et sont respectés et aimés. Ce n'est pas du fascisme, c'est ce qu'on appelle du despotisme éclairé, éclairé en l'occurrence par la valeur individuelle et l'hérédité légitime. Tolkien, en soi, était anti-nazi et très attaché à la liberté individuelle. Les systèmes politiques qu'il décrit sont très vagues et beaucoup tournent autour de l'auto-gestion démocratique (la Comté, Bree) ou d'une royauté bienveillante du côté du Bien, dont les sujets restent libres de leurs décisions et de leurs pensées. A contrario, les seigneurs du Mal sont des monarques abolus et tyranniques, craints et pesant de tout le poids de leur terreur sur leurs sujets. C'est même l'inverse de l'apologie du fascisme... De droite, aucune idée, sans doute oui ?

            >> Anti-féministe ? Comme il se fait tard, je vais simplement copier-coller ce que j'ai déjà écrit dans un autre topic et qui répond à la question :
            Envoyé par Der Herr, der vielleicht auf dem Dach steht Voir le message
            Par exemple, on dit souvent de lui qu'il était machiste ou puritain et que son univers est très très masculin. C'est vrai qu'en terme de ratio, il y a beaucoup moins de femmes que d'hommes, et que le sexe est le grand absent de ses aventures. Puritain, il l'est, un peu excessivement à mon avis. Chrétien, assurément, les relations amoureuses ne se développent que s'il y a mariage à la clé et tout écart est strictement sanctionné. Mais les femmes, quand elles apparaissent, sont les égales des hommes, les exemples les plus parlants étant Éowyn et Galadriel. Je n'ai jamais lu quoi que ce soit de machiste chez lui, dans le sens où il définirait la femme comme moins puissante, moins capable ou moins héroïque que l'homme. Les personnages féminins sont libres de leurs choix et capables de les imposer à leur entourage, c'est même le motif récurrent de la plupart des personnages féminins (contre leur famille, leurs maris, les Valar même dans le cas de Lúthien). On peut citer, en dehors des deux déjà mentionnées, Lúthien, Elwing, Haleth, Nienor Níniel et sa mère Morwen qui sont les plus poignantes du legendarium à mes yeux, Arwen.
            Et on oublie souvent que le couple le plus important du legendarium est constitué de Lúthien et Beren, et que Lúthien accomplit des exploits inégalables et essentiels à l'histoire.

            D'ailleurs, les stéréotypes féminins sont assez intéressants :
            - on a la Reine protectrice, comme Melian et Galadriel qui ont beaucoup en commun - comme par hasard, Galadriel a vécu à la cour de Melian. Elles occupent en quelque sorte la première fonction dumézilienne, celle d'être des dames nobles exerçant la justice et le commandement. Elles savent lire l'avenir et dispensent des prophéties et des dons précieux aux héros. Elles sont extrêmement puissantes et sont les seules à pouvoir contenir la puissance de l'adversaire ultime (Melian en maintenant l'Anneau de Doriath inviolable, et Galadriel par le pouvoir de Vilya). Cependant, elles sont des figures passives. Les deux règnent sur un royaume sylvestre et sont l'élément dominant de leur couple (youhou, Celeborn, tu es encore là ? Parfait, c'est le moment de placer TA réplique, c'est à toi dans trois, deux... Oui, la seule, tu savais pas ?).
            - les Vierges guerrières, comme Haleth et Éowyn, qui occupent la deuxième fonction dumézilienne, la guerre ! Ce sont des figures très actives et littéralement les protectrices de leur peuple ou de leur foyer. Elles ont un esprit d'indépendance très marqué (c'est d'ailleurs le premier combat d'Eowyn envers Eomer et Théoden que de se libérer de leur tutelle), et aiment se battre. Ce sont les Valkyries de Tolkien en quelque sorte.
            - les Amantes, comme Arwen ou Lúthien, qui doivent systématiquement faire un choix qui les amène à tordre le destin qui semblait être le leur : Arwen en choisissant de vivre aux côté d'Aragorn, Elwing en se métamorphosant pour rejoindre Eärendil, Lúthien en épousant Beren et en vivant comme une mortelle, aussi Nimrodel, quoique en tragique. Il s'agit de rejoindre leur amant et de braver la mort et les interdits pour ça, certaines y laissent d'ailleurs la peau comme Nimrodel. Elles sont généralement liées à une quête capitale, dont l'amour est parfois même la motivation profonde (comme pour Beren et Lúthien). Je les rattache à la troisième fonction dumézilienne, celle de la fertilité.

            Il existe quantité de héroïnes qui ne rentrent pas dans ce schéma, comme Nienor et Morwen, qui pour moi sont des exemples très réussis de fatalité tragique, et dont la noblesse transparaît à travers leurs souffrances et les épreuves qu'elles subissent. Au final, à peu près tous les personnages féminins essayent de tordre le cou au Destin.
            Bilan, fallait lire le SdA avant de le cramer. Voili voilà, c'est encore un petit texte qui finit par faire trois pages... je corrigerai les fautes demain.
            Dernière modification par Lord Perhaps On The Roof, 13-08-2015, 17h34.

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            • #36
              Très instructif ! Je ne connaissais même pas certaines de ces polémiques ou critiques pas justifiées...

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              • #37
                Hors-sujet : les personnages féminins maléfiques

                Une petite remarque qui m'est venue en relisant. Il n'y a presque pas de personnages féminins côté maléfique. Vite fait, on peut citer Ungoliant, l'araignée démoniaque détruisit les Arbres, et sa descendante Arachne, l'araignée géante de Cirith Ungol. Et la très mystérieuse reine Berùthiel, la sinistre épouse de Tarannon Falastur, roi du Gondor.

                Ungoliant est un personnage particulièrement intéressant en tant que personnage divin. Elle est l'exacte opposée de Yavanna. Ce que Yavanna crée, Ungoliant détruit. Yavanna donne généreusement, Ungoliant dévore avidement. Yavanna est la mère bienveillante et généreuse de la nature, Ungoliant est la mère cannibale d'une progéniture monstrueuse. Là où Yavanna est la première fonction dumézilienne, celle de la Fertilité, Ungoliant est son anti-fonction, la Mort. Les deux vont souvent ensemble.
                On peut aussi faire un lecteur freudienne des deux femmes (arrêtez de me lancer des cailloux et retournez fantasmer sur vos proches, bande de voyous !). Pour une fois, je suis totalement d'accord avec Freud. Le camp du Mal est généralement constitué d'individus frustrés qui ne savent pas se gérer. C'est exactement ce qu'est Melkor, qui se laisse dépasser par ses désirs. La seule occurrence clairement sexuelle lui est dévolue dans le Silmarillion, puisqu'il commet le crime suprême de désirer Lùthien qui danse devant lui, et "d'en concevoir des plans maléfiques" (citation à la louche, Hérode, si vous êtes parmi nous, vous pouvez confirmer ?). Pour que Tolkien suggère un viol, même paraphrasé, il faut vraiment que la situation soit extrême, puisque chez ses personnages le désir est systématiquement éludé par puritanisme. De tous les écrits de Tolkien, il n'y a que trois autres situations qui peuvent le laisser penser : la "torture" que subit Celebrian, la femme d'Elrond, des mains des Orques, et qui la traumatise ; d'autre part la relation entre une suivante de Nimrodel, elfe, et le seigneur gondorien de Dol Amroth, qui engendre les beaux et très elfiques seigneurs de Dol Amroth, mais où l'Elfe, visiblement retenue contre son gré, finit par s'enfuir et disparaître ; pour finir le mariage incestueux entre Miriel et Ar-Pharazôn. Je ne classe pas la relation entre Turin et sa soeur Nienor dans cette catégorie, puisque Tolkien insiste sur le fait qu'ils étaient ignorants de leur parenté et amoureux.

                Tout le désir mauvais et la frustration des serviteurs du Mal se manifeste dans d'autres dimensions : les complexes de supériorité, l'orgueil excessif, l'envie de destruction totale et plus subtilement dans l'appétit physique pour la nourriture. Ce que représente parfaitement le personnage d'Ungoliant, dévorant sans arrêt pour satisfaire une faim infinie, des joyaux de Finwë à ses propres enfants. Arachne est la même incarnation d'une ogresse maladivement gloutonne, quoique en plus édulcorée, et qui finit détruite par son désir. A noter que, consciemment ou non, Tolkien laisse penser qu'elle n'attrape que des hommes dans ses toiles, en parlant de soldats gondoréens ou d'Elfes égarés. Les deux araignées sont donc la face féminine de ce désir sexuel incontrôlé.

                Quant à Berúthiel ? C'est un personnage qui m'est beaucoup moins connu, à peine par quelques lignes dans les Annales. On sait d'elle qu'elle est probablement responsable de l'infertilité de Tarannon Falastur, et donc indirectement, elle fait partie des fléaux qui s'abattent sur le Gondor au faîte de sa puissance, prémice de la Guerre fratricide. Elle est décrite comme étant solitaire et sans amour, et il est dit qu'elle haïssait les chats. Pour cette raison, ils la suivaient partout et la harcelaient, et elle finit par les asservir par la torture. Elle avait dix chats, neuf noirs qui espionnaient les Hommes, et un blanc qui surveillait les neufs autres. Vous ne serez pas surpris d'apprendre qu'elle était Nùmenoréenne noire, venue d'Umbar. Une fois ses sinistres agissements découverts, elle fut condamnée à voguer seule sur une barque vers le sud et sa patrie, avec un chat à la vigie et l'autre à la proue. C'est un personnage atypique chez Tolkien, puisque la sorcière médiévale qui était à l'origine de Berúthiel est à peine remaniée et transparaît très clairement. Quoi qu'il en soit, Berúthiel est l'incarnation d'un autre type de désir féminin maléfique, celui d'un être desséché et perverti qui n'a de cesse de se régaler de la noirceur des autres et de la boire jusqu'à plus soif. Comme Ungoliant, elle se repaît de la destruction des autres et est éternellement insatisfaite, ce qui peut facilement s'interpréter comme une métaphore sexuelle (enfin, comme tout, de votre aspirateur très phallique à votre mug représentant de toute évidence un vagin...). Berúthiel, avec un peu d'imagination, peut passer pour une femme dont le désir a été déformé par un action perverse peut-être liée à son éducation maléfique, et qui le transforma en une soif insatiable, perverse et égoïste.

                EDIT : comme le rappelle justement Bombur, j'avais oublié Thuringwethil, la mystérieuse chauve-souris géante, dotée du pouvoir de parole, qui servait Sauron. Mais je ne la connais pas, donc je ne dirai rien de plus dessus. Sinon que la chauve-souris est l'attribut des sorcières, au même titre que les chats de Berúthiel ou l'araignée qu'est Arachne.
                Dernière modification par Lord Perhaps On The Roof, 13-08-2015, 17h20.

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                • #38
                  Une petite remarque qui m'est venue en relisant. Il n'y a presque pas de personnages féminins côté maléfique. Vite fait, on peut citer Ungoliant, l'araignée démoniaque détruisit les Arbres, et sa descendante Arachne, l'araignée géante de Cirith Ungol. Et la très mystérieuse reine Berùthiel, la sinistre épouse de Tarannon Falastur, roi du Gondor.
                  Citons également Thuringwethil .

                  Sinon, quand tu dis qu'on a pas de personnages maléfiques aux traits occidentaux, c'est vrai, par contre on a une foultitude de personnages aux traits occidentaux qui causent le mal sans être profondément mauvais, ainsi que des personnages aux traits orientaux qui causent le bien (Bór et les siens). Enfin, même si on ne sait pas trop si elle a réussi, rappelons que le but de la mission des Mages Bleus était d'aider les Orientaux non soumis à Sauron et de semer ainsi le désordre à en Orient afin que l'Occident ne soit pas submergé sous le nombre. Preuve que le problème est bien Sauron et pas les Orientaux en eux-mêmes. J'ai pensé que ça valait la peine d'être mentionné.
                  Their task was to circumvent Sauron: to bring help to the few tribes of Men that had rebelled from Melkor-worship, to stir up rebellion ... and after his first fall to search out his hiding (in which they failed) and to cause [?dissension and disarray] among the dark East ... They must have had very great influence on the history of the Second Age and Third Age in weakening and disarraying the forces of East ... who would both in the Second Age and Third Age otherwise have ... outnumbered the West.
                  — J. R. R. Tolkien
                  Quant au Mal qui ne sait pas se gérer, Sauron est assez différent de Morgoth et a l'air de savoir plutôt bien se gérer.

                  Commentaire


                  • #39
                    Envoyé par Bombur Voir le message
                    Citons également Thuringwethil .

                    Sinon, quand tu dis qu'on a pas de personnages maléfiques aux traits occidentaux, c'est vrai, par contre on a une foultitude de personnages aux traits occidentaux qui causent le mal sans être profondément mauvais, ainsi que des personnages aux traits orientaux qui causent le bien (Bór et les siens). Enfin, même si on ne sait pas trop si elle a réussi, rappelons que le but de la mission des Mages Bleus était d'aider les Orientaux non soumis à Sauron et de semer ainsi le désordre à en Orient afin que l'Occident ne soit pas submergé sous le nombre. Preuve que le problème est bien Sauron et pas les Orientaux en eux-mêmes. J'ai pensé que ça valait la peine d'être mentionné.
                    Exact pour Thuringwethil, j'avais oublié ! Mais comme je ne sais strictement rien sur elle, je préfère ne pas m'avancer... C'est une Maia ?

                    Quand je parle d'êtres maléfiques, je parle d'êtres humanoïdes dont la nature même est maléfique et pervertie par Melkor et Sauron, donc les Orques, les Trolls, ce genre de choses. Et chez lesquels on retrouve des traits asiatiques, comme des yeux bridés. Chez les Hommes, on trouve en gros la hiérarchie suivante : Edain > Hommes Communs > Hommes au service de Melkor. Les Edain sont très bien décrits, et sont tout ce qu'il y a de plus européen (en gros, Hador = typés nordiques, Haladins = typés celtiques et Bëor = typés méditerranéens). Chez les Hommes Communs, on trouve un peu de tout. Je me rappelle la description de l'étranger du Sud à Bree, qui passe pour être semi-orque et qui a le teint olivâtre et les yeux bridés. Chez les Hommes dévolus à Melkor, qui comme tu le rappelles ne sont pas foncièrement mauvais, mais corrompus depuis longtemps et sont beaucoup plus "imparfaits" que les Edain, les descriptions sont rares, mais on les trouve toujours associés aux traits africains et asiatiques. Ce n'est pas un hasard si Peter Jackson a si facilement sauté le pas pour en faire des purs Asiatiques et Africains.

                    D'ailleurs, à l'est ou au sud de la Terre du Milieu devraient se trouver les restes de la tribu de Marach (je crois ?) qui avait refusé de rester au Beleriand avec les Edain. Il devrait donc y avoir quelque part des Edain à l'est...

                    Quant au Mal qui ne sait pas se gérer, Sauron est assez différent de Morgoth et a l'air de savoir plutôt bien se gérer.
                    Oui, je trouve aussi que Sauron est plus calculé et logique que Melkor (après tout, c'était un ancien Maia au service d'Aulë !). Je sais pas si ça vous l'a fait aussi, mais avant que je capte que c'était du sindarin, je pensais que ça venait de saurus, le lézard, en latin (oui oui je voulais devenir archéologue à cette époque lointaine). Effet supplémentaire qui m'a tout de suite mis en tête un méchant très machiavélique et rusé.

                    Mais tu oublies que ce qui cause la perte de Sauron, c'est justement son orgueil excessif, qui le fait grandement sous-estimer la force d'un Hobbit. Sauron, s'il est moins bouillonnant que Melkor, reste sacrément impulsif et souffre d'un très gros complexe de supériorité. S'il réussit à agir de façon intelligente et mesurée pendant sa faiblesse, c'est aussi parce qu'il n'a pas les moyens d'agir autrement. Après, quand il est au faîte de sa puissance, il perd toute sa ruse et sa duplicité et se fait rouler.

                    Commentaire


                    • #40
                      Exact pour Thuringwethil, j'avais oublié ! Mais comme je ne sais strictement rien sur elle, je préfère ne pas m'avancer... C'est une Maia ?
                      On sait pas trop, je pense.

                      Pour les Hommes, tant que tu me fais penser aux films, ajoutons aussi que la phrase prononcée par Faramir au sujet d'un Suderon mort (un truc du genre « Quels mensonges l'ont poussé dans cette guerre, avait-il vraiment le mal en lui ? ») est authentique. Par contre, dans les bouquins, c'est Sam qui la prononce.

                      Mais tu oublies que ce qui cause la perte de Sauron, c'est justement son orgueil excessif, qui le fait grandement sous-estimer la force d'un Hobbit. Sauron, s'il est moins bouillonnant que Melkor, reste sacrément impulsif et souffre d'un très gros complexe de supériorité. S'il réussit à agir de façon intelligente et mesurée pendant sa faiblesse, c'est aussi parce qu'il n'a pas les moyens d'agir autrement. Après, quand il est au faîte de sa puissance, il perd toute sa ruse et sa duplicité et se fait rouler.
                      Oui mais bon, ça c'est un autre problème.

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                      • #41
                        Tolkien VS Christianisme 2 : le Dieu unique chez Tolkien

                        Préjugé #2 : "Aaaaah mais c'est tout simple, en fait Sauron c'est Lucifer, Gandalf/Aragorn/Frodo c'est un genre de Trinité... Et la Vierge Marie ça doit être Tauriel nan ?"

                        Ce genre de remarques est vraiment intéressant, pas parce qu'elles sont spécialement justes, mais parce qu'elles relèvent tout de même d'un niveau de réflexion qu'il n'y a pas dans le préjugé #1. Autant ma remarque précédente induisait que le legendarium était imprégné de reprises bibliques et de conceptions chrétiennes, autant aujourd'hui nous allons voir que cette imprégnation n'a rien d'un décalquage rigide de la Bible (ce qui limite encore plus l'idée selon laquelle le Seigneur des Anneaux serait une vaste propagande). L'exemple de la hiérarchie divine est d'ailleurs un très bon exercice pour voir à quel point Tolkien était souple vis-à-vis de sa religion. A priori, on pourrait effectivement penser comme le hipster ci-dessus (qui est d'ailleurs très pertinent sur un point), vu que le legendarium est construit autour d'un Dieu unique. C'est par cela que nous allons commencer :

                        • Eru Ilúvatar est-il Dieu ?

                        En termes de caractéristiques, oui. Dieu comme Eru sont tous les deux omniscients (savent tout), omnipotents (ont tous les pouvoirs, essentiellement celui de créer et détruire), sont les Premiers, sont implicitement des hommes (atar en quenya désigne le père ; Dieu est toujours désigné par le ou il), sont désincarnés de la Terre, ils ont le pouvoir de la Voix et du Verbe, et créent et modifient le monde par la parole. Très important, ils sont uniques et concentrent à eux seuls toute l'essence de la réalité, qui est issue d'eux. Par nature donc, Eru est une figure familière pour nous autres, qui connaissons tous à peu près Dieu et sommes accoutumés au monothéisme. En quenya, eru ilúvatar n'est pas un nom propre intraduisible, mais signifie l'Unique, Père de tout.

                        Par contre, en termes de comportement, de rôle et de personnalité, non. Ou plutôt, Eru tient une partie de sa personnalité du Dieu du Nouveau Testament, et pas du tout de celui de l'Ancien. Mais une différence, tellement énorme que beaucoup ne la voient pas, existe entre tous les dieux possibles et imaginables et Eru. Tout simplement, ce dernier n'a pas de religion ni de culte. Le seul épisode qui évoque un culte ou des cérémonies (voir préjugé #1) est celui de Númenor. Et là encore, il en oppose deux : le culte de Melkor, fastueux, matérialiste, immoral et avilissant, et le culte d'Eru, très discret, accompli par une personne seule, bref et sans aucun apparat matériel. À aucun moment il n'est question de prêtres, ni de temples, ni de cérémonies, de baptêmes au sens où tous les monothéismes et les polythéismes réels en ont. Il existe évidemment dans la Terre du Milieu des croyants (ceux qui vénèrent Eru ou les Valar, ou à l'inverse Melkor), des agnostiques et des athées (ceux qui ne se préoccupent pas de croire en un Dieu quelconque) et des païens (tous ceux qui croient à autre chose, à des phénomènes animistes par exemple). La religion, en termes d'institution officielle, n'existe que chez Melkor, et est extrêmement dépréciée par son côté bruyant, sanglant et amoral. La croyance en Eru relève davantage de la foi personnelle, profonde, qui ne peut ni être imposée, ni être exorcisée, ni être manifestée matériellement, et qui relève d'un choix personnel et non arbitraire et imposé par la communauté. Et d'ailleurs, il existe une multitude de tendances variées, certains vénérant certains Valar en particulier, ou ne vénérant que des Valar. L'exemple le plus frappant est les Nains, qui ne vénèrent que Aulë (ou Mahal en khuzdul).

                        L'épisode de Númenor, que je citerai bien des fois, est révélateur du rapport d'Eru aux Hommes. Rappelons qu'Eru n'intervient que trois fois dans toute l'histoire de la Terre du Milieu : lors de sa création, lors de la transformation de la Terre résultant des événements de Númenor, et lors de la fin du monde. Autrement, il n'est qu'une voix passive, qui se contente de conseiller les Valar quand ils le consultent. Contrairement au Dieu de l'Ancien Testament, il ne manifeste pas sa colère et ne met pas ses élus constamment à l'épreuve. D'ailleurs, il n'a pas spécialement d'élus et laisse tout un chacun participer à sa grande harmonie, car à ses yeux tout participe du Bien final. Le seul point, qui ressort étrangement sur la figure pacifique et tolérante d'Eru, et qui est aussi commun au Dieu de l'Ancien Testament, est, une seule fois dans l'histoire de la Terre du Milieu, de jeter dans l'abîme l'île bénie de Númenor et ses rebelles et de mettre le Paradis (valinor : "le pays béni") définitivement hors de portée des Hommes. Et encore, ce mal se justifie par la volonté d'épargner le Paradis de toute souillure, pas par colère pure.
                        Le pouvoir divin, la volonté divine et l'omniprésence et l'omniscience divine sont en réalité séparées chez Tolkien, là où elles sont réunies chez le Dieu chrétien. L'omniprésence et l'omniscience sont l'apanage d'Eru, et en général, à une exception près, le pouvoir divin et la volonté divine sont déléguées aux premiers de ses enfants, les Valar, qui sont libres d'en user à leur vouloir. Les Valar n'ont d'ailleurs aucun équivalent chrétien, ce sont des divinités typiquement païennes, mais "christianisées". Les parallèles sont plutôt évidents :
                        - Manwë (l'être béni) // Zeus // Jupiter // Odin : il préside à la première fonction dumézilienne, celle de la justice et du pouvoir royal. C'est une divinité masculine dont l'attribut est les hautes sphères de l'air, à l'égal de Zeus et Jupiter. Respecté pour ses jugements, il exécute la volonté d'Eru. Son attribut animal est l'aigle, tout comme Zeus et Jupiter. On le représente comme un homme dans la force de l'âge, voire plutôt âgé, tout comme Odin, Zeus et Jupiter. À la différence de ses derniers, et en accord avec les vertus chrétiennes, il n'abuse jamais de son pouvoir. Un Zeus ou un Odin, mais sans les colères autoritaires et sans les viols et les pulsions sexuelles incontrôlées donc.
                        Son épouse Varda Elentári (reine des étoiles), aussi appelée Elbereth, est son égale, une Héra fidèle et puissante, et qui fait l'objet d'une profonde vénération chez les Elfes de la Terre du Milieu.
                        - Ulmo (celui qui verse ?) // Poséidon // Neptune : sa personnalité est très proche de celle de Poséidon. Représentant l'eau et la mer, il est solitaire et est d'un naturel taciturne et plus sombre que les autres Valar. Il est capable d'entrer en colère comme aucun autre ne le fait. Toujours en vertu de sa "christianisation", il n'est cependant jamais excessif et est profondément empathique des êtres vivants, dont il préfère la compagnie à celle des Valar. On a parfois le même portrait du petit frère très attaché à son indépendance vis-à-vis du grand frère qu'est Manwë, qu'avec Zeus et Poséidon (à la différence près que Poséidon et Zeus sont violents l'un envers l'autre). Physiquement, c'est le même grand homme mûr et nu, très barbu et armé d'un trident.
                        - Aulë // Héphaïstos // Vulcain : c'est l'artisan par excellence, le plus grand des forgerons et créateur d'outils magiques, tout aussi barbu que ses deux grand frères. Il est rattaché à la deuxième fonction dumézilienne, celle de la Fertilité. Plus calme qu'Ulmo, il est aussi davantage conciliateur et obéissant. Cependant, il n'est ni laid ni repoussant et n'agresse en conséquence pas sa future femme, Yavanna, qui tient un peu le rôle fécond d'Aphrodite.
                        Yavanna (la donneuse de fruits), parlons-en. C'est l'incarnation parfaite de Freyja dans la mythologie nordique et la troisième fonction dumézilienne dans toute sa splendeur, celle de la Fertilité. Mère de la nature, elle est aussi très sensible à la souffrance que cette dernière subit de la part de la corruption du Mal.
                        - Mandos (à rapprocher de -MBAND, la prison) alias Námo (le juge) // Hadès // Pluton : C'est le juge des Dieux et le gardien du Royaume des Morts. Il est héritier d'une part de l'omniscience d'Eru et est capable de prédire l'avenir. Sombre et très taciturne, les paroles qu'il délivre sont prophétiques. Son rôle, et celui de sa sœur Nienna, est de transformer la rancœur des morts en pardon, leur tristesse en sagesse, et ainsi de permettre leur réincarnation au Paradis s'ils le peuvent.
                        Son épouse, Vairë (la tisserande) tisse sans fin la toile du temps, tout comme les Parques.
                        - Tulkas (aux cheveux d'or) // Arès // Mars : c'est le plus jeune des Valar, incarnation de la deuxième fonction dumézilienne, celle de la Guerre. Sans arrêt en mouvement et le plus rapide et le plus fort des dieux, il est celui qui terrasse Melkor au combat. Au contraire d'Arès, il est toujours rieur et jamais coléreux. En revanche, ses avis sont rarement écoutés et encore moins déterminants. De par ce côté, il ressemble beaucoup à Thor, sur lequel Tolkien a d'ailleurs écrit.
                        Son épouse est la Vala mineure Nessa, la Danseuse.
                        - Oromë (sonneur de cor) // Artémis // Diane : c'est l'incarnation masculine des déesses grecques de la chasse, et est également un des champions au combat contre les forces du Mal, qu'il traque impitoyablement. Ses attributs sont son cor puissant et son cheval. Son épouse est Vána, la Toujours-jeune.

                        Melkor est hors de ce système. En réalité, il concentre tous les penchants mauvais des dieux païens incarnés par les Valar. Il est excessif et jaloux comme Poséidon, abusif et sexuellement incontrôlable comme l'est Zeus (voir HS), morbide comme Hadès, violent et stupide comme Arès. Il y a quelques temps, sombréro-démoniaque (qui entretemps a quitté le forum, semble-t-il) avait proposé de le rapprocher étymologiquement de Moloch, dieu sumérien, qui entretient aussi un rapport compliqué à la puissance.
                        Il tient aussi beaucoup du Diable ou de Satan tel qu'envisagé à partir du Moyen-Âge, c'est-à-dire le tentateur ultime de l'âme humaine et ancien archange déchu. C'est un des Valar les plus puissants à l'origine, mais consumé d'orgueil et de jalousie, égoïste au possible et incapable de se maîtriser. Il rassemble en lui tous les péchés, et même le plus grave et le plus tabou chez Tolkien, celui des pulsions sexuelles. Tout comme Satan (sauf chez les manichéistes ou les satanistes), il n'est jamais envisagé autrement que plus faible que Manwë son rival et n'arrivera jamais à surpasser. Tout comme Loki d'ailleurs, il est enchaîné et jugé par le tribunal des Dieux, mais arrive parfois à s'en tirer en abusant de la bienveillance de ses gardiens, incapables d'appréhender le Mal et le danger qu'il représente.

                        À noter que des divinités "mineures" comme Ossë servent aussi d'exutoire aux mauvais côtés des dieux païens, le même Ossë qui concentre les pulsions dévastatrices et aveugles de Poséidon, contrebalancées par l'incarnation de sa femme Uinen, dame paisible de la Mer.

                        D'ailleurs, on peut noter que Tolkien a dispatché les attributs d'Aphrodite // Vénus dans diverses divinités mineures, comme Vána et Nessa, respectivement la Toujours-jeune (à rapprocher de vanya "beau" en quenya) et la Danseuse. Je suppose que cela permettait à la fois de donner une épouse à chaque Vala (excepté Ulmo) et d'éviter les problèmes inévitables liés à la présence d'une déesse de l'amour, qu'en tant que chrétien puritain il ne pouvait accepter...

                        D'ailleurs, le trio Námo/Irmo/Nienna est lui aussi original. Les trois sont proches, frères et sœur, et sont respectivement gardiens des morts (omniscient, à signaler), des rêves et du deuil, ce qui relève d'un autre structure que celle classique héritée des Grecs et des Romains. Ensemble, ils règnent sur l'âme et la psyché humaine, en quelque sorte. Námo/Mandos guérit la peur de la mort en la rendant temporaire et élévatrice ; Nienna guérit le deuil en le purgeant par les larmes ; et Irmo/Lórien le désespoir en l'adoucissant par les songes et l'espoir.


                        BILAN : Le divin chez Tolkien, s'il reprend le schéma du Dieu unique, est beaucoup plus vaste et plus complexe qu'une simple concentration de la volonté divine, du pouvoir divin, de l'omniscience et de l'omniprésence en un seul individu, comme c'est le cas chez le Dieu chrétien. Autre vaste différence, la liberté accordée aux êtres du legendarium d'agir selon leur volonté propre, qui n'est pas tributaire du pouvoir divin. Ce choix de liberté introduit avec lui l'absence de religion au profit de la foi individuelle, consciente et librement consentie. Là où Dieu est à la fois protecteur et punisseur, Eru est seulement passif, observateur attentif jouissant de l'harmonie qui régit le monde et qui dépasse de loin la conscience des êtres qui y vivent, y compris les Valar eux-mêmes.

                        Au programme de la prochaine brève : suite de la hiérarchie divine, avec les Maiar-Anges entre autres, et la conscience du Bien et du Mal .

                        EDIT : suite à la remarque de Peredhel, on peut rajouter une différence fondamentale entre Eru et le Dieu chrétien. L'histoire du legendarium se déroule en réalité dans un temps 'mythologique', équivalent à celui des mythes grecs ou des nordiques, le temps des origines donc. Mais pour autant, il se déroule sur le même monde, la Terre du Milieu étant l'ancêtre de notre Terre. Puisque Tolkien accepte l'idée du Dieu chrétien, Eru ne saura être un Dieu bis ou même son égal dans le même royaume.
                        Cependant, un point reste flou. Eru est censé déclencher le Jugement Dernier à la fin des temps, ce qui relève normalement de la prérogative de Dieu. Tolkien aurait-il passé sous le tapis l'apparition de Dieu dans le futur de la Terre du Milieu (notre passé, pour ceux qui écoutent pas au dernier rang) ?
                        Dernière modification par Lord Perhaps On The Roof, 25-08-2015, 00h02.

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                        • #42
                          Guide du Routard pour les Hobbits : la similarité entre le Beleriand et la Terre du Milieu

                          Ok, je sens que je vais faire beaucoup de hors-sujets. Anyway. J'avais parlé, lors du démontage du préjugé #1, de l'organisation particulière de la Terre du Milieu, et notamment des valeurs qui correspondent aux sens cardinaux.

                          Un très bon site de synthèse sur le Beleriand (français) est ici. D'ailleurs, vous pourrez cliquer sur les cartes pour les télécharger en haute résolution (et en français toujours !).




                          Les indications de directions sont les suivantes : l'ouest est númen en quenya // dûn en sindarin ; l'est est rómen // rhûn ; le sud hyarmen // har-, harad ; le nord formen // for(n)-, forod. Le 'milieu' est également une direction cardinale capitale chez Tolkien (après tout, une partie du Silmarillion et tout le Seigneur des Anneaux se déroulent en Terre du Milieu, non... ?), et se dit ennor en quenya // en(d) en sindarin.

                          D'où viennent précisément ces mots ? En effet, de la même manière que les mots levant/ponant et est/ouest sont étymologiquement liés à la course du soleil en français (et ce dans beaucoup d'autres langues) - levare 'soulever', plus tard lever en français, et ponere 'se coucher' en latin -, ces mots chez Tolkien ont aussi une origine singulière.

                          Littéralement, en décortiquant númen (l'ouest, si vous avez suivi), on remonte à NUM/LÓM qui est la racine conjointe de l'ouest et de la nuit en quenya. Le suffixe -men, quant à lui, signifie 'le chemin, la voie'. L'ouest est donc 'le chemin de la nuit'. Et inversement, l'est, rómen, est la voie du jour. Quant à hyarmen et formen, ils signifient respectivement 'à main gauche' et 'à main droite'.
                          Les points cardinaux sont donc construits du point de vue d'une personne tournée vers l'ouest, qui aurait le soleil couchant en face d'elle.

                          Nous avons l'ouest, l'est, le nord et le sud, fixons le milieu à présent. En Beleriand comme dans le Seigneur des Anneaux, le principal point de référence est un fleuve central : le Sirion (le cours d'eau) et l'Anduin (le grand fleuve). Ce sont des frontières très importantes, stratégiques, géographiques, climatiques, mais aussi idéologiques : celui qui contrôle ce fleuve sera le véritable maître de la Terre du Milieu. Ces deux marqueurs sont aussi des frontières entre deux univers totalement opposés : le West Beleriand, tourné vers l'océan, et l'East Beleriand, vaste, sauvage, moins connu et tourné vers les montagnes ; la partie ouest de la Terre du Milieu, plutôt passive et tournée vers l'océan, et la partie est de la Terre du Milieu, vaste, active, sauvage, moins connue, mais ouverte sur une plaine floue et inconnue.

                          Après tout, la souillure progressive du Sirion n'est-il pas le marqueur qui incite Ulmo à alerter les Valar ? Et lors de la reddition que propose la Bouche de Sauron à Aragorn, ne lui dit-il pas que "tout ce qui est à l'est de l'Anduin appartiendra à Sauron" ? Le fleuve central est un point stratégique important pour le déroulement des histoires des personnages de la Terre du Milieu et du Beleriand.

                          Ces deux fleuves ont eux-mêmes un 'milieu' : les chutes du Rauros dans le Seigneur des Anneaux, centre du royaume númenoréen en Terre du Milieu et limite entre le "nord" et le "sud" de la Terre du Milieu; et les Portes du Sirion, autre chute immense qui marque la limite entre le Beleriand nord, troublé par les guerres et le Beleriand sud, paisible et lieu de refuge et de fuite pour les exilés. C'est toujours un point de bascule entre deux univers.

                          Car effectivement, entre l'est et l'ouest, ce sont deux univers complètement différents qui s'affrontent : de l'est viennent les changements et la nouveauté, qui viennent intégrer ou balayer l'ouest, avant de voir venir une vague inconnue de nouveauté qui se surajoute à la première, etc...
                          À l'est sont apparus les Elfes, qui ont migré vers l'ouest ; à l'est sont apparus les Hommes, qui ont migré vers l'ouest en suivant le soleil qui est né en même temps qu'eux ; de l'est vient constamment l'inquiétude de quelque chose de nouveau et d'instable qui viendrait perturber l'ordre établi au Troisième Âge. L'est est toujours étrange, inconnu, et souvent plus sombre que l'ouest.
                          À l'ouest disparaissent les Elfes noldor ; à l'ouest se trouve Valinor (le pays béni), sa félicité éternelle et la fin de toutes les souffrances ; à l'ouest vont tous les morts ; à l'ouest se trouve le passé le plus ancien. L'ouest incarne la Fin, l'ordre et le calme, l'est incarne le Début, l'inquiétude et le trouble.

                          Quant au nord et au sud. Ils sont eux aussi des frontières inhospitalières, mais 'neutres', qui ne sont que les frontières excessivement glaciales ou brûlantes du monde. Peu de gens y vivent, encore moins agissent ou sont connus dans les récits du legendarium, et leurs actions sont ambigües. Je parle du Haradwaith (les vastitudes du sud) et du Forodwaith (les vastitudes du nord), les deux extrêmes nord et sud de la Terre du Milieu. Il est difficile à ce moment-là de leur prêter des ambitions.
                          En revanche, leur simple position géographique en fait des lieux de perte et d'épreuve extrême. L'Helkaraxë est la première épreuve relevée par le peuple de Finarfin et Fingolfin, et nombreux y laissent la vie. Au Troisième Âge, Arvedui, dernier roi d'Arthedain, perdit la vie et deux palantíri dans le Forodwaith.
                          Dernière modification par Lord Perhaps On The Roof, 25-08-2015, 00h03.

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                          • #43
                            Moui... Tol Brandir et le Rauros n'ont jamais été le centre d'aucun royaume. Et Sauron semble avoir des prétentions au-delà de l'Anduin (d'ailleurs en fait, à part Dale, Erebor et Thranduil, l'est de l'Anduin est déjà à lui).

                            De même, on trouve Utumno dans l'Extrême-Nord, c'est tout de même pas mal comme localité .

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                            • #44
                              Alors, pour que vous vous sentiez moins seuls, j'interviens pour dire que tout ceci est très intéressant
                              Vous devriez poster sur le forum de Tolkiendil, si ce n'est déjà fait.

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                              • #45
                                Envoyé par Bombur Voir le message
                                Moui... Tol Brandir et le Rauros n'ont jamais été le centre d'aucun royaume. Et Sauron semble avoir des prétentions au-delà de l'Anduin (d'ailleurs en fait, à part Dale, Erebor et Thranduil, l'est de l'Anduin est déjà à lui).

                                De même, on trouve Utumno dans l'Extrême-Nord, c'est tout de même pas mal comme localité .
                                @ lombrenoire : Alors, j'aimerais bien poster quelque chose sur Tolkiendil, si seulement le mail de confirmation de mon inscription voulait bien arriver jusqu'à ma boîte mail . Pas faute d'avoir essayé. Et sieur Peredhel est déjà en soi un digne représentant de la communauté tolkiendillienne . Non et puis ça va, 2 500 vues, c'est tout à fait raisonnable, j'en demande pas plus (d'autant que le sujet est très spécialisé et touchera moins de monde ; de plus, comme peu de gens interviennent ou répondent, on peut considérer que ces 2 500 vues représentent un grand nombre de visiteurs différents et uniques, là où sur un sujet de mod ou d'aide un type ira voir une dizaine de fois si on lui a répondu, grand minimum ; et enfin le fait qu'on lise beaucoup, mais qu'on réponde rarement implique que je dis pas trop de conneries, non ?)

                                @ Bombur : Amon Hen, Amon Lhaw et les deux statues de rois, qui sont situés en haut des chutes, sont le centre du royaume númenoréen originel, celui d'Elendil (c'est dans les Contes et Légendes inachevées, deuxième Âge, ou bien dans les Annales du SdA), et plus tard sont la frontière nord de l'Anórien et du Gondor.

                                Ma citation de la Bouche de Sauron servait à démontrer le rôle de frontière capitale dans la Terre du Milieu, ce qui reste juste, non ? D'ailleurs, tout le monde est parfaitement conscient que les prétentions de Sauron sont largement plus ambitieuses qu'une simple reddition du Gondor et une saisie de terres qui lui appartiennent déjà de facto... Ce qui me semble important est que l'Anduin est, au Troisième Âge, LE point de référence lorsque l'on veut décrire la géographie de la Terre du Milieu, son milieu géographique et LA frontière stratégique et politique par excellence, plus que tout autre objet géographique.

                                J'avais pas pensé à Utumno. Mais on parle d'une forteresse en ruine avant déjà avant la mention même du Beleriand, qui n'apparaît pas sur la carte, qui a été détruite avant l'apparition des Hommes ou le Premier Âge tout court. Géographiquement, politiquement, stratégiquement, idéologiquement même, elle ne joue plus aucun rôle et n'est jamais mentionnée après l'apparition des Elfes. C'est une localité aussi passionnante que Tol Morwen ou les ruines d'Edhellond, en étant gentil...

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