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  • #16
    Bon j'aimerais être sur d'avoir compris

    1) La "république" (terme inexacte) n'a pas de constitution et change souvent ces manières de gouverner, elle suit Mos Maiorum "Coutume des ancêtres".

    2) Au temps des rois celui-ci avait tous les pouvoirs qu'il tenait de Jupiter et dont il n'avait de comptes à rendre qu'à lui. Après leur fuite les patriciens récupères leurs pouvoirs ce qui déplait aux plébéiens, se creuse alors un fossé culturel entre eux, ils ne vivent pas ensemble, ne prient pas les mêmes dieux et les plébéiens n'ont pas accès à certaines magistratures destinées aux patriciens. Pour s'opposer aux consuls patriciens les plébéiens élisent des tribuns de la plèbes qui n'ont autorité que sur eux. En conclusion ce conflit est une véritable déchirure, Rome se divise en deux cités et deux peuples.

    3) La politique romaine se divisent en deux "partie" les Optimates favorable aux patriciens et les Populares favorable aux plébéiens. Au départs il n'y a pas vraiment de d'idéaux politiques mais plutôt des luttent entre familles et clients. Cela changera au II° siècle avant J.C, en effet un appauvrissement des campagnes du aux campagnes d'Hannibal et l'accession à la citoyenneté romaine provoquera un exode rural vers Rome ce qui aura pour effet de grossir les rangs des plébéiens et donc d'augmenter le pouvoir des Populares et donc permettre à des gens parti de rien tel Caius Marius d'accéder à de très hauts postes comme celui de Consul.

    J'ai bien compris ?

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    • #17
      @Ugo : Merci d'avoir fait ce post ! Cela m'a permit de voir que j'ai oublié quelques précisions nécessaires.
      La "république" (terme inexacte) n'a pas de constitution et change souvent ces manières de gouverner, elle suit Mos Maiorum "Coutume des ancêtres".
      Le terme pour désigner la République, mais comme l'Etat, est souvent Res publica (la chose publique). Je trouve aussi libertas chez certains auteurs, en opposition au Principat. Le Mos Maiorum n'est qu'un argument politique des Optimates visant à diminuer voire à supprimer la puissance tribunicienne en posant une République idéale et imaginée dans le passé qui serait très aristocratique.

      Après leur fuite les patriciens récupères leurs pouvoirs ce qui déplait aux plébéiens, se creuse alors un fossé culturel entre eux, ils ne vivent pas ensemble, ne prient pas les mêmes dieux et les plébéiens n'ont pas accès à certaines magistratures destinées aux patriciens. Pour s'opposer aux consuls patriciens les plébéiens élisent des tribuns de la plèbes qui n'ont autorité que sur eux. En conclusion ce conflit est une véritable déchirure, Rome se divise en deux cités et deux peuples.
      Le distinction culturelle et religieuse entre plébéiens/patriciens existe déja au temps des rois. Elle devient un réel problème qu'après la chute des rois.
      La politique romaine se divisent en deux "partie" les Optimates favorable aux patriciens et les Populares favorable aux plébéiens.
      Nan pas du tout, car comme je l'ai dis, ces concepts là n'ont plus lieux aux IIème et Ier siècle avant notre ère. La cité patricienne et la cité plébéienne ont fusionnées au cours du IVème siècle. Les patriciens ont admis les plébéiens et toutes les magistratures leurs sont ouvertes (sauf l'édilité curule mais c'est pas très important) même choses pour le sacerdoce ; mais surtout les familles les plus importantes d'entre les plébéiens ont été admises " à la table du pouvoir", formant la nobilitas avec les vieilles familles patriciennes, cette "noblesse" qu'on étudiera dans deux semaines. J'expliquerais au prochain article, mais tu peux trouver des patriciens, comme le démagogue Clodius, dans le parti des Populares. Le vocabulaire peut par contre rester le même.
      ela changera au II° siècle avant J.C, en effet un appauvrissement des campagnes du aux campagnes d'Hannibal et l'accession à la citoyenneté romaine provoquera un exode rural vers Rome ce qui aura pour effet de grossir les rangs des plébéiens
      Pas vraiment, en fait si, tu as raison, mais c'est lié à cela, mais aussi à des réformes des assemblées romaines (Il faut descendre assez bas pour avoir la majorité dans les Comices centuriates (assemblée qui élit les magistrats à imperium) et les tribus cessent de devenir des "circonscriptions géographiques") qui deviennent plus "démocratiques", expliquant l'accession au pouvoir de C. Marius ou des frères Gracques. Mais dans l'ensemble, tu as assez bien compris !
      Dernière modification par Faras, 24-09-2012, 18h21.

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      • #18
        Ok merci pour les corrections et précisions, j'attends ton prochain texte.

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        • #19
          • Une mise au point nécessaire : la formation de la nobilitas

          Bon, j'ai remarqué que je ne m'attarde pas suffisamment sur la formation de la nobilitas, qu'on peut traduire improprement par « noblesse d’État ». A partir du IVème siècle, la cité patricienne et la cité plébéienne fusionne : les droits des tribuns de la plèbe sont reconnus et intégrés à la cité, ainsi les plébiscites ont désormais force de loi et il semblerait (mais cela est point sûr) que les patriciens ont pu participer aux conciles de la plèbe. Les magistratures, autrefois patriciennes ont été presque toutes ouvertes aux familles plébéiennes. On eut d'abord l'habitude d'élire un consul plébéien et un consul patricien, puis à partir de la seconde guerre punique, il ne fut pas rare de voir deux consuls plébéiens. En fait, les gentes patriciennes et les plus puissantes familles plébéiennes se sont alliées : elles se marient entre elles, formant la nobilitas, noblesse d’État, qui fournira la plupart des magistrats de la République. Au IIIème et au début du IIème siècle, la porte reste cependant grande ouverte aux Homines noui. Ces « Hommes nouveaux » sont ceux qui ne font pas partie de la nobilitas, mais qui parviennent cependant, par leurs soutiens, leur puissance, ou comme le dit C. Marius par leur « mérite », à devenir consul. Ils deviennent ensuite nobiles, ainsi que leur famille, s'intégrant dans cette noblesse. Mais au cours du IIème siècle, cette nobilitas patricio-plébéienne va se refermer sur elle-même, de telle sorte qu'elle former une véritable aristocratie qui s'accapare la plupart des magistratures avec la prétention de régenter la République. Nous verrons la semaine prochaine un peu plus en détail leurs prétentions idéologiques, mais je pense que cette mise au point est nécessaire.



          • Problèmes sémantiques


          Popularis est un adjectif dérivé de populus, qui signifie « qui est propre au peuple » dans sa définition large. Mais la signification de populus change à partir du IIème siècle avant notre ère : il a tendance à devenir synonyme de plebs et exclut la nobilitas et le Sénat en se posant comme leur adversaire. Je me permets d'approfondir un peu : Au départ, le mot plebs signifie plus prosaïquement « Ceux qui ne sont pas patriciens ». Ainsi une très riche famille plébéienne et consulaire fait partie de la plèbe. Mais au IIème siècle, ce mot change de sens en excluant de facto la nobilitas, et désigne donc cette masse de citoyens de richesse moyenne voire pauvre. Populus suit le même chemin, au départ le Populus c'est les patriciens et les plébéiens, puis le mot désignera lui-aussi la majorité des citoyens qui ne sont pas nobiles. En français, je remarque qu'on a gardé ce double sens : peuple peut désigner autant la totalité du peuple français, riches compris, mais dans un autre contexte il peut aussi désigner les classes populaires (Pour tous ces problèmes sémantiques, je renvoie l'ouvrage de Hellegouar'ch que j'ai cité plus haut). L'adjectif popularis suit donc le même glissement sémantique : il désigne un « parti », des hommes politiques qui s'efforcent de parvenir au pouvoir en s'appuyant sur le populus et les hommes politiques qui sont favorables à ce populus. C'est donc une double définition, et elle ne permet pas de voir les Populares uniquement comme des hommes s'appuyant sur des mesures démagogiques pour assouvir leurs ambitions : il y a des discours, des « programmes », des mesures, des idées, qui sont récurrentes dans la bouche des populares (Cl. Nicolet, Les Idées politiques à Rome). Il existe même des propositions populares comme la lutte contre la brigue et les lois tabellaires (votes secrets) qui ne s'accordent pas vraiment avec la conception d'un parti démagogique. Il faut comprendre que la réalité est bien plus difficile et compliquée à appréhender : chez Catilina, pourtant reconnu plus comme une sorte de « putschiste » à la fois par Cicéron et Salluste, on retrouve des thèmes populares.



          • L'épisode des Gracques : la « naissance » des idées populares



          Les premières mesures qu'on peut définir comme popularis sont les lois tabellaires de 139 et 137 avant J-C, par Aulus Gabinius et L. Cassius Longinus qui introduisent le vote secret pour les élections et les comices judiciaires, pour libérer les citoyens des pressions des nobles mais aussi des liens de clientèles au moment du vote (Cicéron, De legibus, III, XVI : Sunt enim quattuor leges tabellariae, quarum prima de magistratibus mandandis : ea est Gabinia, lata ab homine ignoto et sordido. Secuta biennio post Cassia est de populi iudiciis, a nobili homine lata L. Cassio, sed, pace familiae dixerim, dissidente a bonis atque omnis rumusculos populari ratione aucupante : « Il y a en effet quatre lois tabellaires, dont la première eut pour objet la désignation des magistratures. C'est la Loi Gabinia, portée par un individu obscur et méprisable. Suivit deux ans plus tard la loi Cassia, relative aux jugements prononcés par le peuple, portée par un noble, L. Cassius, mais (que sa famille me permette de le dire !) un noble qui était en conflit avec l'aristocratie et qui, dans son action politique, ne pensait qu'a capter toutes les sympathies démocratiques ». Je vais un peu revenir sur cette histoire de vote secret. A Rome, on votait, avant cette loi, en passant d'abord sur des passerelles, puis en annonçant son vote devant le magistrat qui s'occupait des élections. Il était donc possible de faire pression sur les électeurs en les apostrophant, et le magistrat pouvait même refuser le vote de l'électeur si cela ne lui convenait pas. L'introduction du vote secret permet de libérer, en partie j'en suis conscient, nombre de ces pressions. Mais ce n'est qu'avec l'élection au tribunat de la plèbe en 134 de T. Sempronius Gracchus qu'on peut véritablement parler de parti et de programme populares. Il propose une loi agraire pour agir sur l'ager publicus : ces terres publiques de l’État romain étaient occupées sans titres par de grandes propriétés privées. La loi prévoit une limite pour les tailles des propriétés sur les terres publiques (500 jachères), et le lotissement d'un grand nombre de citoyens romains sur les terres récupérées. L'application de cette loi est assurée par une commission de triumuirs (Appien, Guerres civiles, I, IX, 37). Cette loi n'est pas en soit une nouveauté (Il semblerait qu'une loi entre 202 et 167 avant notre ère portait sur des limites à la propriété sur les terres publiques selon Cl. Nicolet, Les Gracques, crise agraire et révolution à Rome) et n'est pas révolutionnaire : le but de cette mesure est surtout de reconstituer une classe de « paysans-soldats » pour enrayer la baisse drastique du recrutement militaire (par le cens). Mais le Sénat, composé en majorité de sénateurs étant ces grands propriétaires visés par la loi agraire, est farouchement opposé à cette proposition, et sollicite un tribun de la plèbe, M. Octavius, pour qu'il utilise son veto et ainsi empêcher le vote de cette loi. C'est à ce moment que le tribunat de Tibérius Sempronius Gracchus prend une tournure « révolutionnaire » : pour contourner le véto de M. Octavius, il le fait déposer par les comices populaires. Or, cette déposition est illégale (Plutarque, Vie de Tibérius Gracchus : Ὡς δ' οὐδὲν ἐπέραινεν ἡ βουλὴ συνελθοῦσα διὰ τοὺς πλουσίους ἰσχύοντας ἐν αὐτῇ, τρέπεται πρὸς ἔργον οὐ νόμιμον οὐδ' ἐπιεικές, ἀφελέσθαι τῆς ἀρχῆς τὸν Ὀκτάβιον, ἀμηχανῶν ἄλλως ἐπαγαγεῖν τῷ νόμῳ τὴν ψῆφον : « Le Sénat s'assembla donc, mais il n'aboutit à rien, parce que les riches étaient influents dans son sein. Alors Tiberius eut recours à un acte illégal et violent, qui consistait à déposer Octavius de sa charge, car il ne voyait plus d'autres moyen de faire voter la loi) et ne correspond pas à la tradition romaine, elle relève plus d'une conception grecque, voire athénienne, d'un mandat accordé par le peuple à un magistrat : en fait, T. Gracchus jette pour la première fois dans la société romaine « le problème de la souveraineté du peuple » (Cl. Nicolet, Les Gracques ect.). Ses propositions suivantes sont dans ce sens : il capte l'argent de l'héritage du royaume de Pergame pour asseoir sa loi agraire, et il exclut le Sénat des délibérations autour de cet héritage au profit des comices. Pour que ses mesures soient correctement appliquées, T. Sempronius Gracchus brigue illégalement un second tribunat : P. Cornelius Scipio Nasica Sarapio, grand pontife, déclare l'Etat en danger, et le tribun est assassiné sur le Capitole malgré sa sacro-sainteté. Dix ans plus tard, c'est le frère de Tiberius, Caius Sempronius Gracchus, qui reprend le flambeau. Au cours de ses deux tribunats (la réélection au tribunat est légalisée en 123), il propose un impressionnant corpus de lois qu'on peut qualifier de « programme » popularis, qu'il est possible de diviser en trois domaines : d'abord des lois agraires et frumentaires, pour soulager la plèbe et lutter contre la baisse du recrutement militaire, comme son frère. Mais au contraire de celui-ci, C. Gracchus accroît le rôle de l'ordre équestre, avec une loi qui confie les jurys dans les procès de concussion aux chevaliers, et la création de la ferme d'Asie pour les publicains (souvent chevaliers). Je reviens rapidement ici : L'ordre équestre (les chevaliers), sont un ordre censitaire romain, juste en dessous des Sénateurs : c'est d'ailleurs parmi eux que sont souvent recrutés les homines noui. Les publicains ou plutôt les sociétés de publicains sont des financiers qui avancent l'impôt à l’État romain, à charge d'imposer par la suite la population en dégageant en plus quelques profits. Enfin, un troisième ensemble de lois tend à abaisser la puissance sénatoriale au profit des comices populaires : le droit de prouocatio ad populum (Le droit d'appel devant le peuple contre toute action d'un magistrat) est confirmé, une loi chasse du Sénat tout magistrat déposé par le peuple, enfin il enlève l'attribution des provinces consulaires au Sénat pour les comices. On retrouve dans la rogatio sempronia (Salluste, Lettres à César, II) cette problématique de la souveraineté populaire appliquée aux comices centuriates car cette mesure, qui n'eut pas le temps d'être votée, prévoyait l'abolition de l'ordre par classes censitaires aux comices centuriates, en faveur d'un tirage au sort des centuries (Je vous renvoie au superbe ouvrage de Cl. Nicolet avec des tableaux exhaustifs du programme des deux frères Gracques). Cependant, C. Gracchus ne réussit pas à obtenir un troisième tribunat, et L. Opimius, élu consul, essaie d'abroger les lois de C. Gracchus avec le soutien du Sénat. Caius Gracchus tente alors de résister et rassemble ses partisans au Forum. En réaction, le Sénat vote le Senatus consultus ultimus : « Veillent les consuls, les préteurs, les tribuns de la plèbe et les proconsuls aux abords de la ville, à ce que la république ne subisse aucun dommage » (Formule qui nous est connue par César, au début de la Guerre civile) qui accorde les pleins pouvoirs aux consuls et permet de lever les garanties citoyennes (leges Porciae qui interdisent de mettre à mort un citoyen sans jugement du peuple Prouocatio ad populum, qui je le rappelle, permet à chaque citoyen de faire appel au peuple (prouoco) contre toute action d'un magistrat) : Caius Gracchus et ses partisans sont alors massacrés.



          • L'héritage controversé des Gracques



          L'épisode des Gracques permet d'identifier des thèmes et des mesures qui définissent les programmes populares : lois tabellaires, lois agraires et frumentaires, abaissement de la puissance du Sénat, souveraineté du populus, remise en cause de la légalité du Senatus consultus ultimus.
          Car en effet, le Senatus consultus ultimus est une nouveauté juridique : normalement, seul le dictateur a les pleins pouvoirs. Problème, depuis la seconde guerre punique, le dictateur ne peut être élu que par le peuple. On comprends pourquoi les Pères conscrits ont essayé un autre moyen, qui pour les Populares est illégal. Jusqu'en 101 avant notre ère, les Populares vont garder leur cohésion idéologique, ainsi en 104 avant J-C, la lex Cassia permet aux comices populaires de démettre des magistrats en cas de manquement grave. La volte-face de Marius en 101 contre Saturnius et Glaucia semble sonner la fin de cette cohésion : désormais, la plupart des lois agraires récompensent les vétérans des imperatores, et les idées populares semblent se transformer en tremplin des ambitions personnelles des démagogues comme P. Clodius Pulcher. Toutefois, il ne faut pas trop noircir le tableau, les idées des Gracques perdurent et restent solidement attachées au parti populares, par exemple, S. Sulpucius Rufus en pleine campagne électorale contre Catilina en 63, propose une loi pour « la confusion des suffrages, [...] l'égalité du crédit, de l'influence, des suffrages » (Cicéron, Pro L. Murena, XXIII, 47) sans doute une proposition similaire à la rogatio sempronia. En 67 avant notre ère, le tribun de la plèbe P. Cornelius fait passer des lois très dures sur la brigue, oblige les préteurs à consigner et à respecter leurs principes dans un édit, et refuse aux sénateurs le droit de statuer sur les problèmes que seuls les comices populaires peuvent résoudre (Dion Cassius, Histoire Romaine, XXVI, 36-38.). Certains estiment aussi que César resta fidèle à ces idées et appliqua un programme popularis jusqu’à sa mort dont Le Bohec dans son ouvrage sur César. Personnellement, je pense que la formule est un peu forte, mais il faut reconnaître que le fond du programme de César est popularis (tout en se gardant bien d'appliquer la rogatio sempronia, comme le suggérait pourtant Salluste).



          • L'importance des influences grecques


          On peut dire qu'il y a une activité inégalée de la vie intellectuelle romaine qui au dernier siècle avant notre ère cherche dans les idées grecques, des réponses aux problèmes politiques de la République ( Pour approfondir cet aspect, rien ne vaut l'imposant ouvrage de Rawson, Intellectual Life in the late roman republic). Cette hellénisation touche sans distinction les deux partis qui adaptent slogans, thèmes venant de la Grèce. Ainsi le terme ius aequum, employé par les Gracques (Florus, Oeuvres, ius libertatis aequandae : « Le droit à l'égalité et à la liberté ») rappelle le terme ἰσονομία. En plus d'être une traduction de mots grecs, les hommes politiques romains importent leur contenu idéologique : l'isonomie est le premier terme utilisé pour désigner le système politique athénien après les réformes de Clisthène ( Mossé, la Démocratie athénienne pour une bonne introduction à ce sujet), qui se traduit dans la société romaine par une revendication des populares pour une souveraineté du peuple et « l'égalité des droits, la justice » (Cl. Nicolet, Les Gracques ect). Au-delà de la reprise de thèmes helléniques, c'est la philosophie qui « inspire » les grands personnages de la fin de la République : la posture égalitaire des Gracques renvoie au stoïcisme de Blossius, les idées de Scipion-Émilien au stoïcisme panétien. Je m'explique : On dispose, grâce à Cicéron, De Officis, III, de quelques passages différenciant les deux stoïcismes. Je vais simplifier Cicéron pour que ça soit plus simple : Quand vous vendez un esclave, la loi vous oblige à énumérer des défauts bien précis. Imaginons que vous vendez un esclave qui a un gros défaut, disons que c'est un gros bavard incapable de garder quelque chose secret, mais ce défaut n'est pas prit en compte par loi. Diogène de Babylone (maître de Panétius) répond que tant qu'on respecte les lois, on agit favorablement envers la cité : rien ne nous oblige à révéler ce défaut. Antipater de Tarse (maître de Blossius) dit qu'on doit révéler ce défaut. Car au delà des lois de la cité, il faut agir pour le bien de la société dans son ensemble. Vous voyez qu'on a deux postures différentes : l'une qui favorise plutôt l'individu (mais on respecte les lois, attention !), et l'autre qui tend plutôt vers une justice « sociale » où la communauté vient avant tout. On sait d'ailleurs que Blossius eut quelques liens avec le terrible Aristonicos, neveu du Roi de Pergame, qui voulait construire une cité utopique sans esclave dans laquelle tout le monde serait égal en dignité, en richesse, en propriété, en espace, bref en tout (Bien entendu, les Romains lui défoncèrent la djeul, non mais oh). Il ne faut pas cependant faire des hommes politiques de ce temps des Grecs sous une toge romaine, et la question de leur rapport avec la philosophie reste très complexe, car les philosophies grecques changent, elles se romanisent, elles s'adaptent au public romain. Ainsi, plus qu'une hellénisation du débat politique romain, il faut parler d'une sorte « d'osmose » entre les idées grecques et la réalité romaine : par exemple la rogatio sempronia dissout le système par ordre censitaire mais non les centuries elles-mêmes ( Pour plus de précision, je renvoie à Ferrary, Philhellénisme et impérialisme ect.)



          Voilà, rendez-vous la semaine prochaine pour terminer toussa ! N'hésitez pas à poser des questions !

          Suite : http://www.mundusbellicus.fr/forum/s...ll=1#post99836
          Dernière modification par Faras, 07-12-2012, 18h47.

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          • #20
            A chaud:

            sollicite un tribun de la plèbe, M. Octavius, pour qu'il utilise son veto et ainsi empêcher le vote de cette loi
            Je sèche un peu la.
            Le sénat (composé de gros riches) "demande" à un tribun du petit peuple d'user de son véto sur cette loi. Mais Octavius, n'est'il pas au contraire largement en faveur de cette loi "sociale"? Pourquoi irait'il à l'encontre de cette loi?
            Pourquoi le sénat n'a pas choisit un tribun "patricien" (je ne sais pas si ça se dit) du même milieu social que les sénateurs pour remplir cet objectif?

            Et du coup: Pour s'assurer le bon fonctionnement de ses petites affaires, pourquoi être passé sur un système de vote secret?

            Ou alors c'est moi qui ai toujours rien compris?
            Dernière modification par Elanion, 29-09-2012, 22h21.

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            • #21
              Un tribun ne peut-être issu que de la plèbe mais peut favoriser les Optimates, donc les Sénateurs contre cette loi.

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              • #22
                Le sénat (composé de gros riches) "demande" à un tribun du petit peuple d'user de son véto sur cette loi. Mais Octavius, n'est'il pas au contraire largement en faveur de cette loi "sociale"? Pourquoi irait'il à l'encontre de cette loi?
                Pourquoi le sénat n'a pas choisit un tribun "patricien" (je ne sais pas si ça se dit) du même milieu social que les sénateurs pour remplir cet objectif?
                Non mais à cette époque la distinction patricien/plébéien n'est pas primordiale, je le répète, il y a une nobilitas, une noblesse d'Etat aussi bien plébéienne que patricienne. Or, pour le cursus honorum, il faut passer par le tribunat de la plèbe (puis l’édilité) pour les familles plébéiennes, même s'ils font partie de la noblesse, donc la plupart des tribuns de la plèbe sont du même milieu social que les sénateurs !
                De plus, étant donné que les tribuns sont élus par paquets de 10 et que le véto d'un seul suffit à bloquer l'opposition des autres, il est assez facile pour le Sénat de trouver un compère qui est prêt à sacrifier sa popularité en échange du soutien de la noblesse pour la suite de sa carrière politique.
                Pour te montrer que la distinction patricien/plébéien ne sert à pas grand-chose au niveau du positionnement politique, P. Clodius Pulcher, que j'ai cité comme un démagogue, est normalement issu de la grande gens patricienne Claudia. Mais c'est un popularis et avec le soutien de César, il "passa" dans la plèbe (c'est possible pour un patricien s'il se fait adopter par un plébéien), changea de nom pour une forme populaire (je m'explique, en latin, Claudius se dit cla-ou-di-ou-sse, Clodius :Clo-di-ou-sse, déjà à l'époque, en latin vulgaire le au se disait o), et réussit à se faire élire tribun de la plèbe. Mais lui c'est un popularis. César est aussi patricien et popularis. Vraiment ça ne compte plus vraiment à cette époque.

                Et du coup: Pour s'assurer le bon fonctionnement de ses petites affaires, pourquoi être passé sur un système de vote secret?
                Ah j'ai oublié de préciser, les lois tabellaires ne concernent que les élections aux assemblées, les décisions de justice et les plébiscites. Il y aura certaines tentatives pour l'introduire au Sénat, qui échoueront toutes.

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                • #23
                  Ok c'est tout de suite plus clair. Je suis trop resté dans une comparaison avec la politique actuelle pour comprendre!

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                  • #24
                    Toujours aussi intéressant.

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                    • #25
                      Allez, c'est parti pour le dernier article, cette fois-ci, on va parler des Optimates :


                      • Quelques problèmes sémantiques (pour changer!)

                      Le parti opposé sont les Optimates, terme qui signifie « qui appartient aux optimi ». On relie généralement optimus à opes, ce qui donne pour définition à optimus : « celui qui possède les opes », donc celui qui s'appuie sur les opes, sur leur influence, sur leur richesse. Cette définition montre clairement l'opposition idéologique aux populares qui eux, s'appuient sur le populus. Attention, le terme de «Optimates» se trouve la plupart du temps chez Tite-Live. Dans la bouche de Salluste, on trouve plutôt nobilitas qui désigne à la fois la noblesse de fonction, son sens premier, et au Ier siècle, ce terme sert aussi à désigner les Optimates. Ainsi Cicéron emploie nobilitas comme le nom du parti des nobles opposés à son ascension, mais il cesse d'utiliser ce terme après son consulat, c'est-à-dire quand il devient un membre de la nobilitas selon la première définition (je précise : on devient Nobilis après avoir exercé le consulat : la famille de Cicéron entre ensuite dans la nobilitas). César, qui appartient à une famille patricienne, préfère employer un autre terme aussi utilisé par Salluste : pauci (appellation péjorative désignant le faible nombre d'hommes qui s'appuient sur leur richesse et leur position sociale et non sur leur virtus pour exercer une domination excessive sur le peuple, si vous voulez une comparaison un peu anachronique mais pas forcément mauvaise, on dira «les 1%») cf. César, De Bello ciuili, I, XXII.

                      • Idéologies des Optimates



                      Les Optimates se réfèrent à la vieille conception italique du pouvoir : le vote des comices ne crée pas juridiquement les magistrats, c'est une loi curiate, votée par les curies (assemblées archaïques de Rome), et les auspices, c'est-à-dire Jupiter qui accordent l'imperium : le peuple en réalité, n'est pas souverain. La caractéristique religieuse des aupisceshéritée de l'époque royale est un aspect essentiel de la volonté d'accaparement des magistratures par les patriciens dans un premier temps, puis par la nobilitas patricio-plébéienne dans un deuxième temps ( je renvoie à Dumézil sur ce sujet). L'auctoritas du Sénat (qui s'oppose à la maiestas du populus pour les Populares) est une autre notion juridique teinté d'importance religieuse : c'est le poids moral et politique du Sénat dans la cité, constitué par cette assemblée glorieuse, avec tout l'éclat des charges et de la vieillesse, « une assemblée de roi » (Plutarque, Vie de Pyrrhus, 19, 6 ). Peu à peu, les familles nobles romaines qui fournissent la majorité des sénateurs réclament une sorte d'auctoritas, signifiant par cela leur volonté de peser sur les décisions de la cité. Cette auctoritas réclamée par ces grandes familles se traduit d'une manière obstentatoire lors des funérailles : les elogia louent la valeur et le mérite personnel du défunt, mais aussi de toute la famille, dont les imagines (masques funéraires romains, qui sont fait de cire)des illustres ancêtres forment un cortège funéraire impressionnant, qui frappe l'esprit de la foule devant cette affirmation de la prééminence de ces puissantes gentes. Ces funérailles sont d'une grande importance politique et il ne faut pas sous-estimer leur influence sur la plèbe : quand C. Marius défend les homines noui comme la véritable noblesse devant le peuple, il attaque violemment à plusieurs reprises cette aristocratie « riche en portraits d'ancêtres et pauvre en états de service ». Je me permets de citer à deux reprises l'excellent discours de C. Marius sur ce sujet, pour montrer à la fois l'importance de ces imagines mais aussi comment leur place est combattu par Marius avec une grande éloquence : Salluste, Bellum Iugurthinum, 85 : Quaeso, reputate cum animis uostris num id mutare melius sit, si quem ex illo globo nobilitatis ad hoc aut aliud tale negotium mittatis, hominem ueteris prosapiae ac multarum imaginum et nullius stipendi : « Considérez en vous-mêmes, je vous prie, s'il vaut mieux revenir sur ce choix, et envoyer pour cette besogne ou toute autre semblable quelqu'un pris dans ce bloc de la noblesse, un homme de vieille lignée, riche en portraits d'ancêtres et pauvre en états de service » ibid., 85 : Non possum fidei causa imagines neque triumphos aut consultatus maiorum meorum ostentare ; at, si res postulet, hastas, uexillum, phaleras, alia militaria dona, praeterea cicatrices aduorso corpore. Hae sunt meae imagines, haec nobilitas : « Je ne puis, pour inspirer confiance, exhiber les portraits ni les triomphes ou les consulats de mes ancêtres, mais, s'il en était besoin, des lances, un étendard, des phalères et autres récompenses militaires, sans parler de mes blessures, toutes reçues par devant. Voilà mes portraits, voilà ma noblesse ».

                      Il y aurait donc une sorte de « droit naturel » de la nobilitas à collecter les suffrages et à diriger la République par rapport à la plebs. Cette conception explique la diatribe véhémente des Optimates contre les lois tabellaires : « Qui donc ne se rend pas compte que toute l'autorité des nobles a été détruite par la loi des suffrages ? » (Cicéron, De legibus, III, XV, 34) dit Q. Tullius Cicero dans le De Legibus. Son frère explique plus loin comment les Optimates voudraient pouvoir interpeler les citoyens qui votent, regarder leur tablette, les questionner : Ibid., III, XVI, 38 : Quae lex hanc sententiam continet, ut omnes leges tollat, quae postea latae sunt, quae tegunt omni ratione suffragium, ne quis inspiciat tabellam, ne roget, ne appellet : « L'intention de cette loi est d'entraîner l'abolition de toutes les lois portées ultérieurement qui de toute sorte de manières assurent le secret de vote, en empêchant de regarder la tablette, de questionner, d'interpeller...» ; Cicéron, contrairement à son frère et à T. Pomponius Atticus, est d'avis de garder les lois tabellaires (avec quelques arrangements), car elles luttent contre la brigue et contribuent à la libertas du peuple, cf. Ibid., III, XVI, 39.. Au début, la lutte de la nobilitas se focalise donc contre les idées et les lois populares, cependant on ne peut dire que les Optimates ne sont qu'un groupe de familles nobles essayant de garder le plus de pouvoir possible face aux revendications des populares : ils ont un programme, des maximes, des idées, des slogans comme le parti opposé (André dans son livre sur l'otium a très montré l'utilisation de ce mot comme slogan par les Optimates, dont le fameux Otium, Pax, Composita (« Tranquillité, Paix, Ordre ») de Sylla. Par exemple, le Senatus consultus ultimus est une arme juridique nouvelle qui permet au Sénat de voter les pleins pouvoirs aux consuls et proconsuls pour faire face à un péril qui menacerait l'État et éviter de recourir à un dictateur, qui depuis 217 avant notre ère est nommé par les comices populaires. On comprend donc que les Populares ne cessent jamais de contester ce senatus-consulte, mais aussi que pour les Optimates, la souveraineté ne se situe pas dans le populus. Les idées des Optimates vont prendre forme dans un « programme » cohérent et structuré sous la dictature de Sylla.



                      • Sulla, monarque manqué ou réformateur optimas ?



                      P. Cornelius Sylla (ou Sulla, le y latin se prononçant comme le u français), homme d'une vieille famille patricienne tombée en désuétude (On trouve un portrait constrasté de Sulla dans Salluste, Bellum Iugurthinum, XCV), réussit à imposer son pouvoir à Rome, d'abord en 88-87 en marchant pour la première fois sur la Ville contre C. Marius, puis en 83 où il se fait attribuer la dictature par la lex Valeria, jusqu'à son abdication en 80 ou 79. Le personnage est très controversé dans l'historiographie : J. Carcopino a vu en sa dictature une « monarchie manquée » avec ses mesures le faisant précéder de vingt-quatre licteurs, le fait qu'il recula le pomerium, et l'attribution de la lectio senatus ( le droit de recruter et d'expulser les sénateurs) qui vont dans le sens d'une référence à la royauté romaine ( ce que souligne Appien : Guerres civiles, XCIX, 463 : Οὕτω μὲν δὴ Ῥωμαῖοι βασιλεῦσιν ὑπὲρ τὰς ἑξήκοντα ὀλυμπιάδας χρησάμενοι, ἐπὶ δ' ἐκείνοις δημοκρατίᾳ τε καὶ ὑπάτοις ἐτησίοις προστάταις ἐς ἄλλας ἑκατὸν ὀλυμπιάδας, αὖθις ἐπειρῶντο βασιλείας, ὀλυμπιάδων οὐσῶν ἐν Ἕλλησιν ἑκατὸν ἐβδομήκοντα πέντε : « Ce fut ainsi pour les Romains, qui avaient été gouvernés par des rois pendant plus de soixante olympiades, puis, après eux, avaient connu pendant cent nouvelles olympiades la démocratie avec des consuls annuels à la tête de l'Etat, firent de nouveau l'expérience de la royauté ». Cependant, on peut aussi voir dans Sylla un « réformateur modéré, aux méthodes autoritaires » (Wattel, la Politique ect.) qui aurait appliqué un « programme » optimus et qui se serait retiré du pouvoir une fois les lois appliquées (Plutarque, Vie de Sylla, 34, 6 souligne cet aspect : Οὕτω δὲ ἄρα οὐ ταῖς πράξεσιν ὡς τοῖς εὐτυχήμασιν ἐπίστευεν, ὥστε, παμπόλλων μὲν ἀνῃρημένων ὑπ’ αὐτοῦ, καινοτομίας δὲ γενομένης καὶ μεταβολῆς ἐν τῇ πόλει τοσαύτης, ἀποθέσθαι τὴν ἀρχὴν καὶ τὸν δῆμον ἀρχαιρεσιῶν ὑπατικῶν ποιῆσαι κύριον, αὐτὸς δὲ μὴ προσελθεῖν, ἀλλ’ ἐν ἀγορᾷ τὸ σῶμα παρέχων τοῖς βουλομένοις ὑπεύθυνον ὥσπερ ἰδιώτης ἀναστρέφεσθαι : « Il avait tellement plus confiance en sa chance qu'en son action après avoir fait périr tant de gens, introduit de telles nouveautés et opéré un si grand changement dans l'Etat, il déposa le pouvoir, rendit au peuple le droit de choisir ses consuls, et n'intervint pas dans les élections, mais il circulait sur le Forum en simple particulier, exposant sa personne à tous ceux qui voudraient lui demander des comptes » ). Sans rentrer dans ce débat, il s'agit pour nous d'étudier cette facette réformatrice de Sylla dictateur. Grâce à sa dictature legibus scribundis et reipublicae constituendae (« Pour écrire le droit et constituer la République », en langage juridique, « à pouvoir légiférant et constituant »), Sylla prend plusieurs lois, dont seulement certaines ont une portée politique ; on peut essayer de grouper ce corpus en deux ensembles :

                      • Restauration du pouvoir sénatorial et aristocratique : les chevaliers sont exclus des jurys au profit des sénateurs, la cooptation restaurée au lieu de l'élection pour plusieurs collèges, les préteurs et les questeurs doivent rester à Rome et sont de ce fait contrôlés par le Sénat. Le cursus honorum est soigneusement codifié en corrélation avec l'augmentation du nombre de questeurs, et Sylla peuple le Sénat de chevaliers pour décapiter l'ordre équestre tout en renouvelant naturellement l'ordre sénatorial.


                      • Diminution des pouvoirs des tribuns de la plèbe et des comices populaires : interdiction de proposer des lois aux comices, limitation du droit d'intercessio (droit des tribuns de la plèbe à s'opposer à toute action d'un magistrat, plus sommairement, un droit de veto), délai de dix ans avant de briguer une même magistrature (qui vise directement la loi de 123 avant notre ère qui concernait les tribuns de la plèbe, mais aussi pour éviter l'épisode de Marius, qui fut six fois élu au consulat), impossibilité de continuer le cursus honorum après le tribunat de la plèbe (Tite-Live, Periochae, LXXXIX) . A cet ensemble, on peut aussi ajouter que Sylla a restauré le système censitaire pour les comices centuriates, car P. Sulpicus Rufus semble avoir remis en cause ce système en 88 avant J-C, juste avant la marche sur Rome de P. Cornelius Sylla. Il est tentant de voir la rogatio sempronia derrière cette remise en cause, mais cela tient plus de l'hypothétique qu'autre chose.

                      On remarque donc la cohérence de ce corpus qui tend à exalter un système oligarchique et censitaire contre les propositions populares, mais qui va plus loin qu'une simple réaction, car les tribuns de la plèbe perdent presque tout pouvoir.


                      • Autres éléments sur ce parti : des Catons à l'hellénisation

                      Il y a donc de la « nouveauté » dans l'idéologie optimas, qu'on retrouve dans les Commentarii Serui Tulli regis, oeuvre attribuée à Servius Tullius, roi de Rome qui se répand dans la littérature romaine à partir du second siècle avant notre ère et qui exalte le système très censitaire et aristocratique qu'aurait imposé Servius Tullius. Un autre élément à prendre en compte est aussi l'accusation adfectatio regni qu'emploient les Optimates d'abord contre les Gracques, puis contre les populares, s'érigeant en défenseur de la République et de la libertas (le mot de libertas recouvre des réalités différentes selon les deux partis : il s'agit de la liberté « aristocratique » d'un coté qui s'oppose aux menées monarchistes des populares pour les uns, et d'une volonté d'égalité et de liberté face à la domination des optimates pour les autres) face à un possible retour de la monarchie. Enfin, il ne faut pas non plus prendre les Optimates comme les défenseurs d'une nobilitas renfermée sur elle-même : Caton l'Ancien, l'exemple même du romain traditionnel, est un homo nouus d'une famille plébéienne, et Caton d'Utique, défenseur de la cause sénatoriale par excellence, soutient de sévères lois sur la brigue et n'hésite pas à attaquer Licinius Murena (pourtant optimus !) pour fraude en pleine conjuration de Catilina (Cicéron prit la défense de Licinius Murena dans le Pro Murena.) Il est vrai que plus qu'une posture traditionnelle, c'est dans la dure morale stoïcienne qu'il faut chercher dans Caton le Jeune les raisons de ses postures politiques . Nous avons déja vu l'importance de cette hellénisation pour les Populares : elle n'en touche pas moins nos amis optimates. La Concordia prônée par les Optimates est une transposition de ὁμόνοια (Hellegouar'ch, le vocabulaire ect.) : L'ὁμόνοια (homonoia pour les barbares incapables de lire le grec : provocation est une idée grecque qu'on retrouve dès le Vème siècle à Athènes, mais qui ne se développe réellement qu'à l'époque hellénistique, époque où ce terme devient une sorte d'idéologie « officielle » des cités et des monarchies hellénistiques, pour appeler à la « concorde » entre les différences classes pour le bien de la Cité. Les philosophies deviennent très importantes dans les idées politiques de la fin de la République, je n'y reviendrais pas ici longuement, mais par exemple, la motivation d'un Caton d'Utique, sans doute un des hommes les plus justes et droits qu'il ait été dans toute l'histoire, c'est surtout le stoïcisme, avec cette volonté d'être plus qu'un homme, mais d'être l'Homme, le Sage par excellence. Souvenez-vous que quand Brutus se suicide, ces derniers mots sonnent terriblement « Vertu, tu n'es qu'un mot !» : rappel à la l'Académie que Brutus avait fait sienne.



                      • Quelques nuances à ce schéma : l'exemple de Cicéron

                      Là encore je ne vais pas m'étaler à expliquer la vie de Cicéron et ses motivations politiques, j'ai 15 pages sur le sujet, et je doute que ayez envie d'en lire autant. Je vais donc essayer de résumer pour vous montrer qu'il ne faut pas avoir une vision schématique de la vie politique romaine : si ces deux partis existent, il n'y a pas que cela, et il y a des nuances à apporter.
                      Cicéron, l'homme d'Arpinum, est un homo nouus comme nous l'avons dit : il fut le premier de sa famille à accéder au consulat. Cicéron étonne, car il un des rares hommes qui obtient la magistrature suprême sans appartenir explicitement aux deux partis : dans ses Catillinaires, il dit très bien qu'il a obtenu ses suffrages à la fois dans la nobilitas et dans le populus. Idéologiquement parlant, Cicéron fait l'impression d'être un « modéré ». Je donne deux exemples. Dans ses discours De Lege agraria (Sur la loi agraire), Cicéron dit très bien qu'il n'est pas opposé au principe de la loi agraire (ce qui est une posture popularis) mais qu'il s'oppose à celle-ci car elle est trop démesurée et qu'elle risque de déstabiliser la République. Plus haut, nous avons vu que les Optimates sont contre les lois tabellaires (votes secrets) : Cicéron est pour, mais avec quelques petits accommodements (comme la possibilité pour les «boni» de montrer à tous leurs votes). Dans ses projets politiques, qu'on retrouve dans le De republica et le De Legibus, il reprend à la fois des idées populares et optimi : Les tribuns de la plèbe gardent tout leur pouvoir mais les leges porciae sont annulées, les Sénatus-consultes ont force de loi mais de l'autre coté, plus personne ne peut être viré du Sénat pour ses idées politiques ect.

                      Mais plus qu'être un « modéré », Cicéron tente de construire des projets politiques, des « programmes » cohérents :
                      La Concordia Ordinum a pour but de réunir les franges modérées des deux partis, plus l'ordre équestre contre les extrêmes des deux partis afin d'imposer la concorde. S'il réussit à l'imposer à l'orée de son consulat, la concorde explosa deux ans plus tard, lorsque Caton d'Utique s'opposa à l'ordre équestre et aux Populares sur la révision de la ferme d'Asie. Caton d'Utique s'y opposait par pure rigueur, par pure droitesse morale, c'est là que Cicéron sortira ces mots terribles : «Caton d'Utique se croît être dans la cité idéale de Platon, sauf que nous sommes dans la cité fangeuse de Romulus » (Correspondances, mais j'ai la flemme de chercher la lettre).

                      Le consensus universorum bonorum (tiens comme ma signature !) est un autre de ses projets : il s'agit de réunir dans un consensus tous les boni viri. Les boni chez Cicéron est une définition assez large, puisqu'il inclut souvent des Césariens modérées : il faut entendre par là qu'il veut réunir, quelque soit leur appartenance politique, et même leur origine sociale (Cicéron cite les affranchis), dans un consensus, dans un accord commun. Cet accord doit transcender presque toute la société.


                      • Disgression, sur la nature du Principat

                      Mais Cicéron fait face à un problème : comment représenter le consensus ? Il résout ensuite le problème, le consensus s'incarnera dans un homme, le Princeps, le premier parmi les siens. C'est finalement cette voie, ce projet, qui gagnera à la fin, si je puis le dire, même si bien détourné. En effet, Auguste reprit le mot, Princeps, et finalement cette volonté d'incarner la paix, d'incarner le consensus «totae italiae» (de toute l'Italie), qui apaise cette société troublée. Mais le Princeps, chez Cicéron, n'est que le «premier parmi les siens, parmi ses pairs», cela veut dire qu'il existe d'autres principes, ce qui n'est pas vraiment le cas chez Auguste ! De plus, le Princeps n'a pas de pouvoir militaire pour Cicéron, c'est uniquement par la parole, par son éloquence, par sa vertu qu'il s'élève au dessus des autres : on est encore une fois assez loin du Principat d'Auguste. En fait, le Principat -L'Empire pour les néophytes- est une conception qui semble difficile à comprendre, surtout qu'elle varie dans le temps : peut t'on vraiment comparer les julio-claudiens aux libéraux antonins ?

                      Ce qui est certain, c'est que si, de façade, rien ne change dans les institutions, désormais, le centre de la société, et du pouvoir, est le Princeps. Celui-ci pèse, avec son auctoritas sur presque toute la société. Bien pires sont les menées monarchistes depuis Auguste, dès son règne il établit clairement un successeur, d'abord dans les enfants d'Agrippa, puis ceux de la première couche de Livie (Tibère). Rien de tout cela n'était réellement dans Cicéron ! La conception antonine, dans sa volonté de choisir son successeur non guère par le sang mais parmi les « meilleurs » est déja un peu plus fidèle au rêve cicéronien. Mais on a là, peut-être, sans doute, le problème du Principat : son flou absolument total : est-ce une monarchie ? Est-ce une République ? On peut avoir l'impression de vivre sous une République si Marc-Aurèle est prince, tout comme sous la pire des tyrannie quand son fils régna. Ce flou fit beaucoup de mal à l'Empire romain, car rien n'était vraiment établi pour la succession du prince.

                      Bon bref, je vais arrêter de faire des digressions : la bibliographie complète va bientôt arriver. Comme d'habitude, n'hésitez pas à poser des questions, surtout si vous ne comprenez pas.

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                      • #26
                        Même si personne ne m'a posé de questions sur les deux dernières parties ( ) Je pense qu'il est intéressant de voir comment César justifie le franchissement du Rubicon dans la Guerre civile, I, XXII : Cuius orationem Caesar interpellat: se non maleficii causa ex prouincia egressum, sed uti se a contumeliis inimicorum defenderet, ut tribunos plebis in ea re ex ciuitate expulsos in suam dignitatem restitueret, ut se et populum Romanum factione paucorum oppressum in libertatem uindicaret.

                        Traduction personnelle : César interrompt Lentulus Spinther : Il n'a point quitté sa province avec des mauvaises intentions, mais pour se défendre de ses ennemis, pour rétablir la dignité des tribuns de la plèbe qui furent chassés de la Ville, et pour que lui et le peuple romain retrouvent leur liberté face à l'oppression du parti des " oligarques ".

                        Alors un petit point : Paucorum/Pauci est l'un des mots les plus difficiles à traduire en latin, surtout quand il est employé dans un contexte politique. Annéfé : albanel : , Normalement Pauci, c'est "Peu", "pas beaucoup", mais vous comprenez que la phrase est incompréhensible avec ces définitions-là. En fait, il répond à la définition grecque de oligoi qui signifie aussi "Peu, pas beaucoup" en Grec, mais aussi les hommes qui exercent leur pouvoir au sein d'une oligarchie. Mais le Pauci latin ajoute aussi une dimension romaine : les Romains ne se sont jamais opposés à la domination de quelqu'uns s'ils sont des excellents hommes, mais cela devient grave s'ils ont la superbia et qu'il manquent de virtus. De ce fait, Pauci signifie "Le faible nombre d'hommes qui dominent injustement Rome alors qu'ils n'ont pas de virtus et de dignitas". Ce qui n'est pas vraiment possible à mettre dans une traduction. " Oligarque" étant tiré d'oligoi c'est donc, pour moi, le mot le plus proche de Pauci.

                        Comme vous voyez, contrairement à l'explication lambda qu'on nous sort " blablabla opposition entre généraux, César vs Pompée purement personnel ", la réalité est tout autre. César explique nettement ses intentions dans un vocabulaire popularis : il lutte pour la restauration des Tribuns de la Plèbe qui furent chassés de Rome par les Optimates et il désigne ses ennemis comme étant des oligarques, en se posant comme le défenseur du peuple (populus est sans doute à prendre dans son second sens, celui de la masse du peuple romain). Justement c'est ce dernier point qui est intéressant, si vous remarquez bien, César se lie avec le peuple romain : ut se et populum Romanum "lui et le peuple romain". On a ici le début, les prémisses, peut-être, de ce qu'on peut appeler le "césarisme", c'est-à-dire la construction d'un lien personnel entre le peuple romain et César. En fait, César se pose certes en défenseur du peuple, mais plus que ca, il fait corps avec lui : plus tard, César deviendra le peuple romain en lui-même.
                        Autre chose, comme vous le voyez, rien de Pompée là-dedans, rien qui signale une opposition "personnelle". Ce que César met en avant, c'est un affrontement idéologique : il se place comme le chef des Populares, comme le défenseur du peuple face à l'honteuse "oppression" des Optimates qu'il accuse d'être une oligarchie. La suite de sa carrière et sa dictature prouveront cette opposition idéologique : il abaissera la puissance sénatoriale et augmentera le pouvoir des comices populaires. C'est pour cela que je pense comme Yvan Le Bohec que jusqu'à son assassinat, César agit comme le chef de son parti, comme le digne descendant des Gracques et de C. Marius. Même si, certes, il avait des tendances un peu plus personnelles. Après la question de César Roi c'est tout autre chose !

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                        • #27
                          C'est bien comme ça que je voyais les choses.

                          Me trompe-je ? => l'impression qu'il me reste de mes lectures passées, c'est que dans la République Romaine il y a une opposition permanente entre d'un côté ceux qui veulent partager un peu mieux le patrimoine foncier, et ceux qui veulent en conserver le quasi-monopole ?

                          Avec chaques nouveaux territoires conquis, chaque fois la tension monte quant à savoir qui va se les approprier : les soldats qui ont versé leur sang, ou les "oligarques" (grands propriétaires terriens).

                          La pression était aussi accentuée par le fait que les paysans partant à la guerre ne pouvaient plus entretenir leurs terres, qui étaient rachetées par les plus fortunés. De ce fait, lorsque ces mêmes fortunés revendiquaient en plus les nouvelles terres conquises, les soldats se voyaient dépossédés de leurs anciennes terres et de celles nouvellement conquises. Tous les germes de la guerre civile étaient semés.
                          Dernière modification par ze-cid, 04-02-2013, 13h48.

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                          • #28
                            Tu as raison, mais faut pousser un peu plus loin encore. La question agraire dans les luttes civiles est bien entendu primordiale, c'est même le coeur du problème effectivement. Mais il n'y a pas que ca, c'est aussi une lutte idéologique : les Populares souhaitent augmenter le pouvoir des comices populaires (et les démocratiser encore plus, exemple : Les comices ont le droit de déposer tout magistrat en charge en 104, P. Cornelius fait passer un plébiscite interdisant au Sénat de débattre sur les domaines attribués aux comices) et abaisser ceux du Sénat. Pour les Optimates, ils souhaitent augmenter ceux du Sénat (exemple : que les Senatus-Consultes aient force de loi, ce qui permet de passer au dessus du vote du peuple) et abaisser les comices populaires et les rendre moins démocratique (Sylla annule les réformes de Rufus qui imposaient le tirage au sort des unités de votes et il détruit presque tout les pouvoirs des tribuns de la plèbe). Attention, je le répète, tu as raison, la question agraire est au centre. Pour préciser tes impressions, qui sont bonnes, tu peux relire les discours de Tibérius Gracchus dans Florus et dans Plutarque : c'est l'un des rares passages de l'Antiquité qui s'élève contre l'esclavage. Pas pour des questions morales, prudence, mais plutôt " civiques". En effet, les conquêtes amènent des grandes quantités d'esclaves en Italie, ils sont achetés par les nobles qui emploient ainsi une main d'oeuvre qui coute que dalle, ce qui permet de mieux faire fructifier la terre. Problème, les citoyens libres ne sont plus embauchés et de plus, les nobles se mettent à racheter les terres des moyens et petits propriétaires.
                            Tibérius Gracchus et les Populares ont très bien compris les problèmes économiques, et ils luttent contre l'esclavage de masse : je crois que c'est Caius Marius qui fera passer par plebiscite une loi obligeant les grands propriétaires à embaucher au moins 1/3 de travailleurs libres. Mais au-delà de ces problèmes économiques et agraires, très importants, existent aussi une opposition idéologique, comme vu plus haut.

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                            • #29
                              Mais idéologie et économie ne vont jamais l'un sans l'autre, chaque camp cherche à utiliser les institutions politiques et à les réformer à son avantage dans cette lutte pour l'accaparement du patrimoine foncier (c'est mon avis perso avec une vue marxisante de l'histoire cad une lutte d'intérêts de "classes").

                              Les grands propriétaires achètent les terres, les rachètent, utilisent des esclaves, tandis que les anciens propriétaires et ouvriers agricoles libres vont remplir les villes et se retrouvent oisifs et humiliés ; de facto on se retrouve dans une situation explosive résultant de la cupidité de quelques-uns. Là où je ne comprend pas, c'est qu'ils ne voyaient pas l'instabilité (politique, sociale, économique) créée par cette situation ? j'en doute. Ils n'étaient pas stupides. Ils devaient bien se douter que pour garder le quasi monopole du foncier, le sang romain devrait couler abondamment.
                              Dernière modification par ze-cid, 05-02-2013, 21h48.

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                              • #30
                                Alors il faut faire attention à la vue marxisante de l'histoire. Si elle marche très bien pour le 19ème siècle (et moi j'estime qu'elle marche encore très bien de nos jours...), franchement elle n'est pas de mise pour les périodes plus anciennes. Parce que tout simplement, il n'y a pas de classes, ni de front de classe comme Marx l'a très bien décrit pour le 19ème siècle. La nobilitas est divisée et ne s'appuie pas sur une définition censitaire (Sylla a grandit dans une arrière-boutique), l'ordre équestre peut parfois agit comme une "classe" (comme lors de la conjuration de Catilina) mais parfois ils sont très divisés entre les deux camps (la guerre civile entre César et les Optimates), la plèbe est encore plus divisée, entre plèbe rurale moyenne, plèbe rurale pauvre, plèbe urbaine moyenne, plèbe urbaine pauvre(= le prolétariat au sens antique). Le gros problème de l'Antiquité c'est que Marx a rempompé pas mal de son vocabulaire, mais aussi de ses idées de cette époque, ce qui fait qu'on emploie parfois les mêmes termes (prolétariat) alors que cela signifie des choses différentes (prolétariat à Rome = ceux qui sont tellement pauvres que leur seule richesse c'est leur progéniture). Et encore, la-dedans, y'a des divisions. La plèbe urbaine, par exemple, a toujours très bien aimé Caton d'Utique parce qu'il avait une moralité et une virtus sans faille. Virtus, le mot est donné. Le problème c'est que la politique à Rome ne se structure pas que sur des problèmes agraires ou sociaux, qui existent, mais sur des conceptions proprement romaine : la virtus, la dignitas, honor, auctoritas ect. Marx se casse les dents dessus.
                                De plus, aucune source ne nous indique cette explication-là, enfin, sauf une. Et c'est une sacrée exception qui, je l'avoue, cause un peu problème à nous historiens, c'est le discours de Lucius Sergius Catilina :
                                Si je ne connaissais bien votre courage et votre attachement, c'est en vain que les circonstances actuelles seraient favorables; nous aurions en vain devant nous et de grandes espérances et le pouvoir; si je ne devais compter que sur la lâcheté et l'inconsistance, je ne lâcherais pas le certain pour l'incertain.
                                Mais dans beaucoup d'occasions graves, j'ai éprouvé votre courage et votre fidélité, et c'est ce qui me donne le cœur de ne pas reculer devant la plus grande et la plus belle des entreprises. J'ai compris aussi que maux et biens sont pour vous ce qu'ils sont pour moi; car avoir les mêmes désirs et les mêmes répugnances, c'est là en somme l'amitié dans toute sa force.
                                Mes projets, je les ai déjà fait connaître à chacun de vous séparément. Mais je sens mon cœur s'enflammer chaque jour davantage, quand je considère ce que sera notre vie dans l'avenir, si nous ne travaillons pas nous-mêmes à conquérir notre liberté. Depuis que la république est devenue la possession, la chose de quelques grands personnages, invariablement c'est à eux que rois et tétrarques ont versé les impôts, que peuples et nations ont payé les tributs; nous autres, les braves et les énergiques, nobles ou plébéiens, nous sommes la racaille, sans crédit, sacs influence, esclaves de gens dont nous nous ferions craindre, si tout marchait bien. Crédit, pouvoir, honneurs, argent, tout est à eux ou à leurs amis; à nous ils laissent les échecs, les dangers, les condamnations, la misère. Jusques à quand le permettrez-vous, hommes sans peur? Une mort que notre courage rendra honorable n'est-elle pas préférable à une vie misérable, sans pouvoir, que nous perdrons dans le déshonneur, après avoir servi de jouet à la tyrannie d'autrui? Ah ! je prends à témoin les dieux et les hommes, la victoire est là, dans notre main. Nous sommes jeunes, énergiques; d'eux au contraire, le temps et la richesse ont fait des vieillards. Nous n'avons qu'à commencer; pour le reste, nous verrons bien. Peut-on, si l'on a du cœur, peut-on tolérer ces énormes fortunes, qu'ils gaspillent à bâtir sur la mer, à niveler les montagnes, pendant que nous n'avons pas d'argent même pour le nécessaire? peut-on leur laisser édifier deux ou trois maisons à côté l'une de l'autre, tandis que nous n'avons nulle part un foyer bien à nous? Ils achètent des tableaux, des statues, des objets d'art, font démolir une maison qu'ils viennent de construire pour en bâtir une autre, bref imaginent cent moyens de dissiper et de gaspiller leur argent, sans que par leurs folies ils puissent jamais en venir à bout. Et pendant ce temps, c'est chez nous l'indigence, au dehors les dettes, un présent sinistre, un avenir encore plus sombre; en un mot, une seule chose nous reste, l'air que nous respirons pour notre malheur. Réveillez-vous donc ! elle est là, oui, elle est là, cette liberté que vous avez toujours désirée, et avec elle, la richesse, l'honneur, la gloire sont là, devant vous; toutes ces récompenses, la fortune les donne au vainqueur. La situation, les circonstances, les dangers à courir, votre misère, le riche butin de la guerre, tout, mieux que mes paroles, vous pousse à l'action. Pour moi, usez de moi comme chef ou comme soldat; ni mon intelligence, ni mes forces ne vous feront défaut. Voilà, je l'espère, ce que je ferai avec vous, si je suis consul, à moins que je ne me trompe et que vous ne soyez plus disposés à rester des esclaves, qu'à devenir les maîtres.


                                Je ferais une analyse poussée de ce discours quand j'aurais la version latine entre mes mains. C'est un des rares discours de l'Antiquité ou on voit une opposition terrible entre riches et pauvres, avec l'appel de Catilina d'un partage des richesses des riches pour les pauvres (Oui Catilina est un type odieux doublé d'un putchiste ravagé par l'ambition, mais c'est aussi une sorte de " révolutionnaire" les deux catilinas peuvent co-exister à la fois). Après ce discours de Catilina, qui pourrait justifier une explication marxiste est plus l'exception que la règle, c'est pour cela qu'il faut faire attention. Il faut se souvenir que Crassus fut pendant longtemps un chef des Populares et il fut extrêmement riche et ne fut pas opposé aux lois agraires.

                                Là où je ne comprend pas, c'est qu'ils ne voyaient pas l'instabilité (politique, sociale, économique) créée par cette situation ? j'en doute. Ils n'étaient pas stupides. Ils devaient bien se douter que pour garder le quasi monopole du foncier, le sang romain devrait couler abondamment.
                                Oh ils ne sont pas bêtes, ils ont même trouvés une solution qui a très bien marché sous l'Empire : Panem et Circenses. Du pain et des jeux. Le tribun de la plèbe Licinius Macer a dénoncé d'ailleurs avec violence les tentatives de maintenir dans une relative pauvreté la plèbe tout en l'abreuvant de blé gratos et de jeux, c'est ce qu'il a appelé "otium cum seruitudo" qu'on pourrait traduire par " l'oisiveté/tranquillité dans la servitude". Les Populares ont essayés de lutter contre ca, surtout qu'en plus les premières lois frumentaires ont été faites par eux pour que le prolétariat urbain ne crève pas de faim, finalement on se retrouve à un César qui lutte contre l'extension démesurée de ces aides de l'Etat (en échange de "remettre la plèbe au travail" dans les lopins taillées dans les grandes propriétés, et c'est pas moi qui le dit, mais Salluste) et un Caton qui veut les augmenter

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