X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Campagne d'Angleterre

    Copier/coller de mon récit sur l'ancien fofo.

    Nous somme donc en 1805 et Louis XVI est un monarque absolu dans le plus grand style Louis XIV.
    La révolution française quant à elle, a été matée au canon.


    Le 16 mai 1805,

    Le vent du sud-ouest nous est favorable depuis le début du voyage, et ce matin la pale clarté de l'aube nous fait deviner petit à petit les côtes anglaises noyées dans la brume.

    Enfin nous y sommes. L'Angleterre, le cœur de l’empire Britannique, cet ennemi qui depuis maintenant 10 ans envahi l'Europe incidieusement, ses flottes bombardant les côtes et pillant les convois, ses armées envahissent les pays les plus faibles, et son or achête le cœur rois les plus corrompus.
    Mais un rempart c’est dressé pour protéger l’Europe. La France, le plus noble pays du monde, alliée aux Russes et aux Autrichiens ont vaincu les armées Anglo-Prussiennes et la flotte française a envoyé aux abysses l’armada anglaise.

    Maintenant l’ennemi est là, terré dans son île, il attend le coup de grâce. C’est un honneur de faire parti de l’armée qui va achever l’ennemi et une chance pour moi de m’illustrer comme mes ancêtres l’ont fait jadis en partant en croisade contre les maures.

    Je contemple ainsi le paysage depuis le gaillard avant aussi sereinement que si j’étais encore en train de me promener dans Versailles. Soudain, un coup de canon retentit et me sort de ma méditation. Le navire amiral vient de signaler le levé du soleil, et le début de ce qui sera sans doute ma dernière journée en mer avant quelques temps.

    Je me lève et prend la direction des appartements des officiers où le capitaine du navire va donner ses instructions. Je suis un officier de l’armée de terre, et traverser le navire dans la longueur sans tomber ni laisser mon bicorne s’envoler avec le vent constitue déjà une épreuve qui me laisse échapper quelques jurons. Vivement la terre ferme !

    Enfin j’arrive intacte et avec mon chapeau à l’intérieure, le capitaine est déjà là ainsi que la plupart des officiers. Je salue rapidement et m’installe à ma place.
    Nous attendons les quelques retardataires, j’en profite pour examiner une nouvelle fois le capitaine du navire. C’est un homme taillé dans le même bois que son navire, il est solide et n’aime pas les beaux parleurs. Si les nobles lui reproche sa petite naissance, il est respecté par ses hommes d’équipages, preuve à mon sens d’un bon meneur d’homme.
    Quelques minutes plus tard, nous sommes au complet et le capitaine commence :

    " Messieurs, nous approchons des côtes anglaises. L’amiral a fait passer ses ordres, nous allons faire débarquer l’infanterie aux abords de Portsmouth afin de prendre la ville, et surtout le port. La Royale suivra les mouvements de l’armée de terre afin de fournir la puissance de feu. Des questions ? "
    Un colonel de l’armée de terre tousse pour s'éclaircir la voix avant de parler :
    " On a une idée de l’opposition qui nous attend ?
    - Nos informateurs nous ont dit qu’il y a deux régiments de fusiliers pour garder la ville, à ceux-là il faut rajouter tous les fusiliers de marine qui sont au port, faute de navire en mer. Soit environ cinq mille fusils, et comme toute ville portuaire Portsmouth doit avoir son contingent d’artillerie. "
    Une vraie partie de plaisir…
    La réunion dura un peu plus d’une heure pour fixer les détails. Dès qu’elle fût finie je couru vers la porte, et l’air frais. Je ne suis pas marin et une heure à regarder la table à carte alors que le bateau gîte m’avait donné une teinte gris/vert.
    Je restai quelques minutes dehors avant de plonger dans les ponts inférieurs voir mes hommes, heureusement mes officiers vinrent me voir d’eux même.
    " Alors monsieur le marquis, avons-nous des instructions ?
    - Oui, dit aux hommes de se préparer, d’ici quelques heures nous allons débarquer et nous serons enfin sur la terre ferme. "
    Le vieux grenadier me regardait amusé, je devais être encore gris.
    " Bien monsieur, je vais transmettre vos ordres. "
    Mes hommes s’éloignaient et au bout de quelques pas ils riaient entre eux. A chaque fois que j’étais avec mon régiment c’était la même chose, je regrettais d’être de sang bleu et d’être maintenu à l’écart. Mon voyage en Amérique du sud pour soutenir la révolte des colonies espagnoles m’avait montré qu’on peut être respecté des hommes pour autre chose qu’une particule.

    En quelques heures les derniers miles nous séparant de la côte furent franchis. Et c’est sous la pluie que je posais le pied sur le sol anglais.
    Les navires de transport se vidèrent des hommes qui vivaient en leur sein depuis une dizaine de jours, et je retrouvais sur cette plage la même armée que celle qui avait paradé dans Brest il n’y avait pas si longtemps.
    Un poste de commandement fût improvisé dans une ferme avoisinante, et après avoir donné des ordres à mes subordonnés j’y rejoignais l’état major.

    Tous les ducs, marquis, comtes, ainsi que les principaux aides de camps étaient entassés dans la seule pièce de la chaumière. Un feu ronflait dans la cheminer pour chasser l’humidité tandis qu’une carte du sud de l’Angleterre trônait sur la table au centre. J’aime ces moments, où les nobles se débarrassent de leur luxe et de leur confort pour redevenir les seigneurs de guerres qu’étaient leurs ancêtres. Les sabres et les pistolets ont remplacé l’épée et la lance, mais nous sommes toujours les mêmes.
    Cette pensée me réconfortait et c’est avec assurance que je rejoignais les autres pour examiner la carte.
    Le duc d’Orléans, maréchal de France et responsable de la campagne d’Angleterre s’adressa à nous :
    " Messieurs, nous sommes ici à environ deux lieues à l’est de Portsmouth. Nous allons nous mettre en marche dès que nous aurons fini de débarquer notre artillerie. Nous devrions être aux portes de la ville en début de soirée
    - Nous débarquons déjà les canons? Demanda un peu vite un comte à côté de moi.
    Regard glacial du Duc d’Orléans, suivit d’une réponse sur un ton tout aussi froid :
    - Oui, l’amiral m’a informé que les navires de ligne ne peuvent pas remonter vers la ville, et l’appui des seules frégates est insuffisant, c’est pourquoi nous débarquons une grande partie de notre artillerie directement sur la plage. D’autres questions ?
    Un autre officier prend timidement la parole :
    - Des informations sur les mouvements ennemis ?
    - J’allais y venir, les anglais ont naturellement vu nos bâtiments passer à côté de l’île de White. Nos espions nous ont rapporté que les anglais ont cantonnés quatre mille hommes aux abords de la ville. Ils doivent être en train de se retrancher à l’heure qu’il est. Mais ce n’est pas quelques mottes de terre qui arrêterons notre corps d'armée cinq fois plus nombreux.
    Je n’avais pas aimé le ton arrogant sur lequel le maréchal venait de parler. Il voyait ses soldats comme des pions à placer et non comme des hommes. Il avait été surnommé le boucher de Rhénanie tellement il avait perdu d’hommes là-bas contre les prussiens.
    Enfin, il est duc, cela suffit.

    La réunion ne dura pas plus longtemps, on resta déjeuner à l’intérieur puis je rejoignis ma division. Je montais à cheval tandis que mes grenadiers se plaçaient dans l’immense colonne que formait l’armée un peu après le corps d’artillerie. Il ne pleuvait plus mais le brouillard cachait le soleil ainsi que le début et la fin de la colonne.
    Puis l’armée se mit en marche, vers Portsmouth et l’enfer des canonnades.
    Dernière modification par Zaariel, 13-01-2011, 15h41.

  • #2
    Ecrit par Zaariel, corrigé par Le-Nain.

    Le vent commençait à se lever sans pour autant chasser le brouillard. Nous n'étions plus qu'à une heure de marche de notre cible et les hommes commençaient déjà à grogner. Ils avaient froid, leurs vêtements trempés ce matin n'avaient toujours pas séché.
    La route était boueuse et se glissait à travers les collines, j'étais inquiet. Les canons avaient causé déjà leur lot de soucis en s'embourbant dans les ornières et ralentissaient un peu plus la marche.

    Le maréchal ne tenait pas compte des messagers qui demandaient à ce qu'on ralentisse l'allure, et la première partie de l'armée, devant le corps d'artillerie, s'éloignait dans la brume.
    En contournant une énième colline, un canon de plus chuta dans la pente, une de ses roues se brisa sous le poids du tube de fonte porteur de mort.
    La colonne s'immobilisa derrière les servants des pièces qui s'occupaient de changer la roue, et les derniers soldats du corps de fusiliers qui précédait le contingent d'artillerie disparurent définitivement dans le brouillard.

    Soucieux de protéger les canons, j'appelle un messager :
    - Mathieu, va voir l'officier qui commande le groupe de fusiliers derrière, dit-lui qu'il doit se déployer de chaque côté des pièces d'artillerie. Avec mes grenadiers nous couvrirons l'avant de la route.
    Le cavalier part au galop vers l'arrière tandis que je redirige mon regard vers les alentours. La guerre d'embuscade en Amérique du sud m'a apprit à me méfier des déplacements.
    Mes grenadiers se sont mit en marche tout seul, mes sous officiers ne sont pas sourds et ils ont compris ce que j'attends d'eux. J'aime ces vétérans, ils ne font rien d'inutile, ils ne paniquent pas, ils comprennent les ordres à demi-mot. C'est avec des hommes comme ça qu'on gagne des batailles.

    Enfin les pièces d'artillerie peuvent de nouveau rouler, et ma colonne se remet doucement en marche. Soudain, des coups de feu éclatent vers l'avant ! Impossible de voir ce qu'il se passe mais les cris ne présagent rien de bon. Je hurle à mes hommes :
    - Maintenez la position, sécurisez les canons !
    Puis à mon messager habituel :
    - Mathieu, va prévenir les cavaliers de l'arrière garde, qu'ils viennent en renfort !
    Mes grenadiers tiennent la position, formant un carré plutôt rectangulaire autour de mon cheval pour prévenir toute attaque tandis que les fusiliers peinent à former des lignes convenables pour protéger les pièces de 6.
    Les coups de feu continuent à résonner dans les collines, disparates, puis surgit la voix d'un général français. Je ne le connais pas mais rien qu'à ses ordres on sent qu'il ne panique pas :
    - Formez la ligne soldats, rechargez vos fusils !
    D'autres coups de feu sonnent devant tandis que les quelques cavaliers de l'arrière garde au galop commencent à se faire entendre à l'arrière.
    - En joue. Feu !
    Un éclair transperce le brouillard au loin, et le bruit qui le suit est accompagné de cris de douleur et de panique.
    Les hussards passent devant mes troupes au triple galop, le clairon sonne la charge et ils disparaissent rapidement dans le brouillard.

    J’attends une minute, deux, silence, je donne l'ordre à mes hommes d'avancer pour effectuer la jonction avec le reste de l'armée. La colonne s'ébranle doucement, prudemment, les fusiliers sont fébriles derrière.

    Nous rejoignons le reste de l'armée tandis que les hussards reviennent de la poursuite des fuyards. Il y a une trentaine de français allongés dans la boue, ceux-ci ne se relèveront pas.
    En contrebas de la route des soldats inspectent les cadavres ennemis. Je m'approche du seul officier parmi eux:
    - Alors lieutenant, quel est le bilan ?
    - C'était des tirailleurs écossais, on en a eu une douzaine, et les hussards en ont tué quelques autres.
    Le bilan n'appelait aucun commentaire, même moi je pouvais deviner le pays d'origine de ces malheureux à leur kilt traditionnel. L'Angleterre était en train d'agoniser mais elle avait encore des ressources, et la route vers Londres promettait son lot de souffrances.

    Nous sommes de bons catholiques soucieux de la tradition et nous enterrâmes les corps des soldats français tombés. Après une courte prière les troupes reprirent la route pour finir le peu de trajet encore à faire.

    Le brouillard se leva enfin vers 17 heures, juste pour nous rendre visible aux défenseurs de Portsmouth. La ville était en vue et nos hommes établissaient le campement à une distance respectable pour éviter les tirs des canons anglais.

    N'ayant rien à faire pour quelques temps, j'inspectais les murs de la ville à distance.
    Ils étaient copiés sur les fortifications à la française, décidément les travaux de Vauban avaient eu du succès en Europe. La prise de la ville n'allait pas être une chose facile.

    Alors que je réfléchissait à la meilleure manière d'attaquer la ville, un aide de camps vint me voir : le commandement se réunissait à l'instant.
    Je marchais donc vers la seule tente déjà montée, d'un pas lourd, l'idée qu'un homme surnommé « Le Boucher » commande l'assaut ne présageait rien de bon.
    Dernière modification par Zaariel, 22-02-2011, 00h29.

    Commentaire


    • #3
      Dans la tente de commandement une table de camp avait été installée au milieu du même état major que ce matin. La carte était cette fois-ci un croquis des défenses de Portsmouth, sans doute le travail d’un de nos espions.
      Le duc d’Orléans prit la parole :
      - Messieurs nous sommes aux portes de la ville, les anglais ne comptent pas se rendre et nous allons devoir prendre la place par la force.
      Jusqu’ici, rien de bien nouveau.
      - Le duc d’Alençon ici présent placera ses canons en batterie la nuit tombée. Nous ouvrirons le feu dès que nous serons à portée efficace.
      Le duc d’Alençon, un jeune homme de vingt ans qui avait sa place dans tous les salons de Paris et Versailles, mais certainement pas sur un champ de bataille. Il était ici uniquement parce que la femme qu’il courtise avait laissé entendre qu’elle aimait les beaux officiers en uniforme. Etre le neveu du roi permet beaucoup de chose, y comprit de partir pour une campagne militaire au grade de général sans jamais avoir tiré au pistolet.
      Et le duc continuait sa description :
      - Dès que nous aurons percé deux brèches dans les murs, nous enverrons respectivement le 4ème et le 5ème régiment de grenadiers à l’assaut des fortifications.
      Au moins mon régiment, le 8ème, était épargné, pour l’instant.
      La réunion continua pendant près d’une demi-heure sur les détails, n’ayant pas à combattre cette nuit je n’écoutais que vaguement. Apparemment le duc d’Alençon s’ennuyait aussi de ces détails techniques, je l’entendis dire à son capitaine d’artillerie :
      - Buonaparte, je vous charge du détail des opérations, je veux des résultats le plus vite possible, le duc d’Orléans doit savoir qu’il peut compter sur moi.
      L’officier Corse dévisagea un instant son supérieur, puis fit un signe de la tête. Le duc, satisfait, sorti de la tente. Si c’était un incapable, il avait, semble-t-il, la chance d’avoir sous ses ordres de bons officiers.

      Après la réunion je rejoignais mon régiment, dont les tentes étaient au sud du campement.
      Pendant le trajet je fût saisi par le calme qui régnait, on aurait dit un cimetière. A cette idée un frisson me parcouru le dos, ce calme risquait de revenir au milieu des croix après la bataille.
      Je dînais avec mes soldats et profitait des quelques heures qui allaient être calme pour dormir un peu.

      Je fus réveillé par le tonnerre des canons vers une heure du matin. Il n’y avait pas matière à s’inquiéter mais le bruit m’empêchait tout simplement de dormir, aussi je m’habillais pour aller marcher. La lune était là mais les nuages cachaient sa lumière diffuse. Ma tente était sur une petite colline et le spectacle depuis cette position était magnifique. On voyait les positions des canons français signalés par les torches qui éclairaient les artilleurs, tandis que les murs anglais s’étaient eux aussi illuminés. Ils devaient probablement placer leurs canons pour riposter. Entre ces deux lignes de lumière les boulets de canons volaient, fournissant le son qui achevait le spectacle. Je restais ainsi une demi-heure à regarder nos pièces tenter d’ébranler les murs. Les anglais avaient placé une batterie sur les murs mais nos canons étaient à l’abri dans des tranchées et les boulets volaient au dessus sans les atteindre.
      Finalement je me lassais du spectacle et fit une inspection des sentinelles avant de retourner me coucher.

      Un de mes aides de camps me réveilla vers 8 heures, je n’avais pas beaucoup dormi et c’est de mauvaise humeur que je sortais de ma tente se matin. Pour couronner le tout la pluie avait fait son retour. La boue recouvrait le camp. J’inspectais le champ de tir de la veille depuis le même poste d’observation, la lumière du jour en plus.
      Les murs anglais étaient éventrés en deux endroits. Le capitaine corse avait pilonné une section des murs proche d’un bastion qui gardait le port contre les attaques venues de la mer, tandis que l’autre percée était au milieu des murs, pour investir la ville.

      Prendre ces deux positions n’allait pas être chose facile, les soldats devaient traverser un champ à découvert d’environ un kilomètre avant d’arriver aux murs. Et pourtant dans le camp je pouvais voir les grenadiers des 4ème et 5ème régiment se placer en colonne, précédés de deux détachements de tirailleurs et suivis de deux régiments de fusiliers.
      J’estimais à 4300 le nombre de soldats qui partaient pour cet assaut. Et ils se mirent en marche.

      Les batteries continuaient à tirer des salves pour couvrir l’avancée des fantassins. Les tirailleurs s’étaient mit en formation très espacée pour courir vers les murs, tandis que les colonnes de grenadiers et fusiliers avançaient groupé et au pas cadencé.
      Malgré nos canons les anglais se placèrent sur les remparts, nos tirailleurs furent reçu par des salves et tombèrent rapidement, les soldats n’ayant rien pour se protéger se servaient de leurs camarades déjà tombés ou blessés pour se couvrir.
      Pendant ce temps les colonnes n’avançaient pas dans la boue anglaise, et lorsque des boulets anglais firent mouchent, ils massacrèrent des dizaines d’hommes, fauchant bras, jambes, têtes et bassins. Les grenadiers avançaient lentement, formant les rangs courageusement, tandis que les fusiliers s’éparpillaient, paniqués. Et leurs capitaines eurent bien du mal à les rallier.
      Une fois arrivé à proximité des brèches, pensant être à l’abri des canons, les hommes lâchèrent leurs fusils pour allumer les grenades. Mais des howitzer anglais dissimulés derrière les remparts ouvrirent le feu, et les boites de mitraille vinrent éclater au dessus des français à l’assaut.
      C’était un massacre, il fallait battre en retraite, mais les trompettes à côté de la tente de l’état major ne donnaient aucun signe de vie. Le duc d’Orléans méritait décidément bien son surnom.

      Les fusiliers et les tirailleurs sont en déroute et commencent déjà à courir vers le camp français. Mais les grenadiers tiennent bon, ils lancent leurs grenades et chargent baïonnette au canon à travers la fumée. Depuis le camp il est impossible de distinguer quelque chose, les grenadiers progressent apparemment et des estafettes circulent à travers le campement, le boucher veut envoyer des renforts ? Il ne voit donc pas que nos hommes vont être repoussés ?

      La bataille reste floue pendant dix minutes, deux nouveaux régiments commencent à marcher vers les zones de combat. Puis le 4ème continue de progresser, on voit l’étendard du régiment se hisser sur le mur à côté de la brèche, mais de l’autre côté les grenadiers du 5ème lâchent prise, ils sont repoussés hors de la brèche et leurs musiciens sonnent la retraite, ils reviennent vers le camp en ordre, entourant leur étendard criblé de trous et noirci par les combats.

      Il ne reste que le 4ème au contacte de l’ennemi. Et alors que les renforts ne sont plus loin, le tonnerre des canons se fait entendre, suivit de cris de douleurs qui parviennent jusqu’au campement. Et l’étendard chute dans la boue. Les grenadiers rompent les rangs et s’enfuient.

      Les anglais ont repoussé nos hommes et capturé un drapeau. C’est une défaite.
      Je rejoins l’état major pour avoir mes instructions, je sens que d’autres assauts vont bientôt suivre.
      Dans la tente de commandement le maréchal est plutôt calme, il attend le bilan de l’opération. Le silence règne, les officiers sont perplexes et attendent prudemment la réaction du maréchal.
      Au bout d’une demi-heure, un capitaine recouvert de boue et de sang se présente à la tente, il entre et donne ses commentaires d’une voie fatiguée :
      - Sire, nos premières estimations sont de l’ordre de 500 morts et 800 blessés.
      Le maréchal le coupe :
      - Qu’importe les chiffres, on tenait cette brèche, pourquoi nos troupes ont reculé ?
      - Monsieur, les anglais ont tiré à la mitraille à travers la brèche, à travers leurs propres hommes. Tous ceux qui étaient dans le feu des canons sont morts ou en train d’agoniser.
      Nous avons dû reculer.
      Visiblement le maréchal restait insensible aux hommes, comme toujours.
      - Qu’importe messieurs, nous relancerons l’assaut ce soir ou dans la nuit, pendant ce temps que les canons continuent de tirer. D ‘ailleurs, (il se tourna vers le seul officier de la marine ayant débarqué, chargé de la communication), où se trouvent les frégates qui étaient sensées nous procurer un appui ?
      - Euh… les vents contraires les retardent monsieur.
      - Décidément c’est toujours à nous de tout faire dans cette guerre. Rompez messieurs.
      Dernière modification par Zaariel, 22-02-2011, 21h10.

      Commentaire


      • #4
        Les canons continuèrent à tirer toute la journée pour élargir les brèches et en créer de nouvelles jusqu’à épuisement de leurs munitions. Et au crépuscule les murs étaient en ruine alors que le soleil rougeoyant donnait l’impression que la ville était en feu.

        Les ordres étaient arrivés par messager à ma tente, l’assaut général serait lancé une heure après la tombée de la nuit, et mon régiment devait prendre le bastion le plus à gauche, celui qui gardait le port. Nous allions charger par la même brèche où le 4ème des grenadiers avait échoué ce matin. J’ai horreur de ces moments d’attente, où on ne peut rien faire, si ce n’est observer le soleil pour qu’il nous montre que le temps passe. Les derniers rayons disparaissent derrière les toits de la ville. Bientôt l’assaut.

        A ce moment, comme à un signal donné, l’activité s’empare du camp. Tous les hommes marchent vers leur régiment, reçoivent les ordres, forment les colonnes, vérifient fusils et baïonnettes. Cette heure dans l’obscurité passe en une seconde alors que la journée semblait durer des siècles. J’ai à peine le temps de mettre mon bicorne, vérifier que mon pistolet est chargé et que mon sabre glisse bien dans son fourreau, et déjà je dois prendre le commandement de mes hommes. Ils sont en position. J’inspecte les rangs et glisse mes dernières consignes aux sous officiers. Enfin je rejoins la tête de colonne avec le tambour et le drapeau blanc aux fleurs de lys. Cette vue me rappelle que je me bas pour la France, et qu’il n’y a pas de plus grand honneur pour un homme dont les ancêtres ont chargé à Azincourt. Aujourd’hui mes aïeux seront vengés. L’affront sera lavé dans le sang des anglais !

        Les trompettes de l’état-major sonnent enfin le début de l’assaut, 13000 français se dirigent au pas de marche vers 5 brèches des murs anglais. On ne voit que des ombres et des silhouettes sous la lune incomplète, mais les sabres et les baïonnettes reflètent cette pâle lumière dont la blancheur fait déjà penser à la mort qui rôde sur ce champ de bataille. Telle un fantôme traquant les âmes.

        Le bruit des canons me sort de mes rêveries poétiques et me ramène à la dure réalité. Les murs sont encore loin et déjà les anglais sont en position, ils font feu. Je dis au musicien d’accélérer la cadence et je passe devant mes hommes pour les inciter à hâter le pas. Plus vite on sera au corps à corps moins les canons pourront nous bombarder. Le régiment progresse, tête baissée et au pas de course, les boulets rebondissent à droite, à gauche, certains passent juste au dessus de ma tête et des hurlements m’indique que d’autres sont moins chanceux que moi. On progresse ainsi à travers le « no man’s land » comme disent les rosbifs, je regarde à droite, les autres régiments sont un peu en retard sur nous mais rien de grave. J’attends mes hommes hors de portée des fusils anglais que je devine pointés sur moi. Le régiment n’a pas trop souffert des canons mais il est complètement désordonné. Je hurle à mes hommes par-dessus le tonnerre des batteries :
        - Grenadiers, reformez la colonne, le troisième détachement, préparer vos grenades ! Tambour, au pas de charge !
        Mes hommes se remettent en position, et courent courageusement vers la brèche. J’ai pris place au milieu du 5ème rang. Les anglais nous reçoivent avec une salve, seulement quelques hommes tombent, les fusiliers n’ont pas assez attendu. C’est bon signe.
        Au pied des murs mes hommes s’arrêtent, La brèche est défendue, on peut voir le drapeau d’un régiment gallois dépasser des gravas. Quelques ennemis sont visibles en train de se replier.
        Je hurle à mes hommes :
        - Baïonnettes aux canons ! Le troisième, lancez vos grenades !
        Mes hommes fixent les baïonnettes au bout des fusils tandis qu’un groupe se rapproche des murs, grenade à la main et les allumettes en feu. Ils lancent leurs projectiles meurtriers tandis qu’un coup de canon retentit derrière les murs. Un grenadier se jette à terre en criant :
        - Howitzer !
        Le vétéran ne s’était pas trompé, la boite de mitraille éclatent au dessus de nous, un peu trop sur la droite. J’étais resté debout tandis que mes hommes s’étaient protégés, des éclats volent dans tous les sens. Ne tuant que les quelques grenadiers qui étaient juste en dessous. Je me sens calme. Je dis à mes hommes :
        - Continuez l’assaut, chargez les anglais !
        Mes grenadiers reforment les rangs et chargent à travers le mur. Un de mes officiers vient me voir :
        - Seigneur, vous être blessé, il faut vous retirer.
        - Quoi ! Abandonner l’assaut ? Pas question !
        - Mais sire, votre bras.
        Je suis son regard qui m’amène tout droit sur mon bras droit en sang, la douleur me parvient, atroce, j’ai été touché par une dizaine d’éclat.
        J’ordonne au lieutenant qui me fait face :
        - Met moi le bras en écharpe, il faut que je dirige l’assaut !
        - Mais, sire…
        - Exécution ! ?
        L’homme se charge de couper ma veste avec son sabre tandis que mon regard se porte vers la brèche, mes hommes se battent comme des forcenés et progressent : l’étendard gallois a disparu de ma vue.
        Deux minutes plus tard je gravis les décombres et les cadavres jonchant la brèche avec la suite de mes hommes. De cette position surélevée j’observe la scène :
        Les fusiliers gallois forment un mince mur de baïonnettes qui recule doucement, enfoncé par la masse des grenadiers français tandis que les détachements anglais se retirent dans le bastion sur la gauche, mon objectif de ce soir. Ils se retranchent, c’est bien, ils n’attendent donc pas de renforts.

        Je me concentre vers le combat immédiat : les gallois. Les grenadiers français progressent sur les cadavres ennemis la lutte est inégale et ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils craquent. Soudain un détail m’inquiète, j’aperçoit des artilleurs mettre en place des pièces derrière leurs hommes. Je me souviens alors avec horreur que les anglais avaient déjà tiré à travers leurs propres hommes !
        J’ordonne aux hommes à côté de moi toujours sur la brèche en montrant le danger avec mon sabre :
        - Soldats, visez ces canonniers.
        Mes hommes chargent leurs fusils. Ils vont vite, mais pas assez…
        Quelques coups de feu éclatent, un artilleur tombe, mais c’est insuffisant, j’aperçois déjà la torche qui met le feu à la mèche d’un des canons.
        L’explosion est si violente qu’elle fait trembler le sol et me projette à terre, elle est suivie de deux autres détonations porteuses de mort. La fumée et la nuit recouvrent le carnage et je tente de me relever tant bien que mal avec mon unique bras. Mes hommes sont aussi choqués que moi, et je tente de les rallier :
        - Soldats… La poussière me fait tousser. Reprenez le combat. Chargez l’ennemi !
        L’ennemi… Des gallois il ne reste que de la poussière et du sang. Les quelques fusiliers survivants et les artilleurs fuient vers le port. Mes hommes sortent prudemment du nuage de poussière et un officier ramasse notre drapeau. Le blanc royal est devenu rose, teinté par le sang de nos hommes.

        Le bastion se dresse à 100 mètres sur notre gauche, l’objectif n’est plus loin. Mais parait tellement imposant et imprenable. C’est un carré d’environ 50m de côté, on accède à l’intérieure par un escalier qui longe le mur pour monter au premier étage. Les deux niveaux sont percés de trous pour les canons et l’Union Jack flotte fièrement au dessus des remparts.
        Mes hommes se rassemblent, je peine à trouver une solution pour que l’assaut ne soit pas trop meurtrier.

        Mais un battement de tambour se fait entendre. Il vient de la ville. Et rapidement une colonne rouge se montre au détour d’une rue. Pendant ce temps les portes de la citadelle s’ouvre, les soldats font une sortie, nous allons être prit entre deux feu.
        Une perle de sueur se met à couler sur ma tempe. Il faut faire face. Je crie à mes hommes :
        - Soldats, formez deux lignes, il faut faire front !
        Mes hommes se mettent en position entre les murs et les habitations couvrant les deux côtés de la brèche où les derniers hommes du régiment arrivent encore. Je me place dans la première ligne côté bastion, laissant le commandement à un de mes officiers côté ville.
        - Soldats, retirez les baïonnettes, chargez les fusils !
        Mes hommes s’exécutent, les anglais se rapprochent en rang compact.
        Je lève mon sabre de la main gauche :
        - En joue !
        Les anglais se rapprochent encore, et j’abaisse mon sabre d’un coup sec :
        - Feu !
        La première ligne anglaise disparaît sous la déflagration. Mais les ennemis se mettent en place pour riposter.
        - Grenadiers ! A vos baïonnettes !
        J’entends l’officier anglais hurler :
        - Fire !
        Mes hommes tombent sous les balles, j’observe mes rangs, les troupes sont fatiguées mais les baïonnettes sont en place, j’ordonne la charge et accompagne mes hommes au corps à corps.
        Le choc est terrible pour les anglais, ils n’ont pas eu le temps de se préparer et combattent avec la crosse de leurs fusils.
        L’officier anglais m’a vu et me charge au sabre. Je subis ses assauts, je n’ai jamais été un excellent escrimeur, et combattre de la main gauche n’arrange pas les choses.
        Ses coups répétés me font reculer jusqu’à mes hommes qui ne sont pas encore engagés au combat. Le capitaine anglais se retrouve alors menacé par les baïonnettes et est obligé de reculer. Je profite de cet instant pour lâcher mon sabre, me saisir de mon pistolet, et l’abattre d’une balle en pleine poitrine! Je lis dans ses yeux la haine d’un homme trahi, mais on est à la guerre et pas dans un duel de cour !

        Rapidement les anglais reculent et retourne derrière leurs murs. De l’autre côté ils ont également lâché prise. Je me retrouve dans la même situation que quelques temps plutôt. Les anglais ont diminué en nombre mais j’ai également subis des pertes.

        Puis on entend des coups de canon. Ils viennent de loin, mais les bruits d’éclat ne laissent aucun doute, ils prennent pour cible le bastion. Puis ce ne sont plus des coups séparés mais des bordées entières qui résonnent, les frégates ont dû enfin arriver, et le drapeau blanc ne tarde pas à apparaître en haut des murs !
        Dernière modification par Zaariel, 22-02-2011, 21h11.

        Commentaire


        • #5
          Des bruits de pas sur un plancher… Des hommes qui parlent :

          - Ah, monsieur le chirurgien, comment se porte votre patient ?
          - Il ne s’est toujours pas réveillé, mais les fièvres qui le tenaient se sont dissipées, il a repris des couleurs.
          - Et… Et son bras ?
          - Il va mieux, je n’ai pas eu besoin de l’amputer et il cicatrise. C’est un miracle de Dieu que la gangrène ne l’ait pas atteint. Il pourra sans doute s’en resservir mais son bras le fera souffrir encore longtemps.
          - Bien, je suis heureux de l’apprendre.

          De nouveau des bruits de pas…
          J’essaie de comprendre le sens de la discussion que je viens d’entendre. Soudain la compréhension me vient en même temps que la douleur qui s’empare de mon bras droit :
          C’était de moi qu’on parlait, je suis dans un lit et en convalescence.
          J’attends un moment que la douleur s’estompe, puis j’ouvre les yeux.
          La lumière du jour passe faiblement à travers des rideaux, d’après la décoration je suis dans un palais récent. Les bruits du dehors me parviennent d’une fenêtre entrouverte, les ordres en français et les marches au pas couvrent tous les autres bruits.

          Me sentant réveillé j’ose appeler :
          - Valet ? Garde ? Serviteur ?
          Un soldat du 3ème de Versailles, un régiment d’élite, ouvre la porte :
          - Vous avez appelé monsieur le marquis ?
          - Oui, fait demander un valet, non deux.
          - Bien monsieur.
          La porte se referme, encore des bruits de pas, quelques instants plus tard une paire de valets arrive :
          - Monsieur désire ?
          - Toi aide-moi à m’habiller, toi va me cherche à manger, j’ai faim !
          L’un s’en va vers les cuisines tandis que l’autre s’approche, m’aide à me lever et à faire une toilette sommaire avant de m’habiller d’un nouvel uniforme. Mon bras me fait encore souffrir, donc j’envoie ce valet me chercher de quoi me faire une écharpe tandis que son homologue arrive suivit d’un troisième serviteur avec des pièces de volaille et du vin.

          Après un repas sur le pouce j’installe mon bras droit dans une écharpe en soie blanche fleurdelisée et sors enfin de ma chambre pour aller aux nouvelles.
          Ma chambre était située dans l’aile droite d’un château au milieu de la ville, sans doute l’ancienne demeure du gouverneur… Je pris par les jardins situés au milieu pour profiter d’un peu de soleil d’un début d’après-midi mitigé avant de rentrer dans le corps de la maison par l’entrée principale.

          Le salon de réception était transformé en quartier général, les tables ornées étaient recouvertes de cartes et de lettres tandis que chaque pilier de marbre s’était vu attribué un double du soldat qui avait gardé ma chambre…
          Il n’y avait ici que des officiers secondaires, les nobles devaient encore être à table. Aussi je me dirigeais vers un aide de camps assis à une table en chêne recouverte de feuilles volantes.
          - Dites-moi officier, j’aimerai savoir où en est le 8ème des grenadiers de Paris.
          - Il faut vous adressez au lieutenant là-bas.
          Il accompagna sa phrase d’un geste m’indiquant la direction. Apparemment il n’avait pas fait attention à qui il s’adressait. Aussi je haussais un peu le ton :
          - Et bien qu’attendez-vous pour aller le chercher ! Vous n’allez pas faire déplacer un marquis !
          L’officier réalisa son erreur :
          - J’y vais monsieur le marquis… Prenez place, je vais le chercher…
          Je m’asseyais tranquillement dans un bon fauteuil tandis qu’un lieutenant s’approchait déjà avec des feuilles :
          - Le 8ème de Paris monsieur est stationné dans le camps en dehors de la ville.
          - Quel est le compte rendu des pertes ?
          - 168 hommes sont tombés durant la prise de la ville, 32 autres ont péri de leurs blessures, 27 sont déclarés invalides et il y a eu 187 blessés qui sont de nouveau opérationnels. 586 hommes n’ont pas été touchés. Parmi les officiers 3 lieutenants sont morts, 2 sont blessés, les 5 autres et les 2 capitaines sont disponibles. Le général est blessé au bras et son état est incertain.
          - Le général va mieux et il s’en remet déjà, merci vous pouvez disposer.
          L’officier mit à jour son calepin avec un sourire, salua, et partit s’occuper d’autres papiers.

          Je flânais tranquillement quand les officiers apparurent en haut d’un escalier, les ducs marchaient en tête et étaient entourés de flatteurs qui avaient fait le voyage depuis Versailles pour s’attirer les faveurs du Duc d’Orléans, qu’ils appelaient déjà la terreur des anglais.
          Je ne pouvais m’empêcher de penser à son titre de boucher qui lui allait si bien.
          Les nobles s’éparpillèrent au bas de l’escalier, un bon nombre se dirigeait vers la ville. Il est vrai que je n’avais aucune idée des dernières nouvelles. J’allais à la rencontre de barons que je connaissais de vue, quand une main m’attrapa l’épaule gauche :
          - Ben alors, on salue plus son cousin ?
          Effectivement, le Marquis de Rochefort me faisais face avec un grand sourire. Mon cousin était également un de mes meilleurs amis, il avait fait le voyage avec moi en Amérique du Sud :
          - Bonjour mon ami, alors, que fais-tu ici ?
          - Comment ça, qu’est-ce que je fais ici ? Mais je viens te piquer la gloire ! J’ai débarqué hier avec le 5ème détachement de lanciers. On m’a dit que t’étais blessé mais apparemment ça va mieux !
          - Ouais, je suis de nouveau prêt. D’ailleurs c’est quoi les ordres ?
          - T’es pas au courant, dans trois jours on aura fini de débarquer les troupes, et on va marcher sur Londres !
          La nouvelle me fît un choc, je m’attendais à ce qu’on lance une campagne à l’intérieur des terres, mais l’assaut de la capitale anglaise me paraissait un peu prématuré. Nous n’avions aucun moyen d’assurer nos lignes de ravitaillement, et des milliers de soldats anglais nous séparaient de l’objectif.

          Enfin, quatre jours en compagnie de mon cousin et quelques femmes passèrent bien vite. Et je ne me souciais de la guerre seulement le matin du départ.
          Mon régiment complété par des fusiliers d’expérience se mit en marche dans l’armée sans soucis.
          Mais les nuages à l’horizon me rappelèrent que la guerre n’était pas gagnée, et qu’elle prélèverait encore un lourd tribut à nos hommes. Mon esprit devint sombre tandis que mon cheval se mit au pas sur la route de Londres, sur la route des batailles et du sang.
          Dernière modification par Zaariel, 23-02-2011, 11h11.

          Commentaire


          • #6
            Le campement s’installe une nouvelle fois sous la pluie au milieu de la campagne anglaise.
            L’armée française monte les tentes en lignes, les étendards sont plantés tant bien que mal dans la boue devant les tentes des officiers, et la fumée de quelques feux commence déjà à s’élever dans le ciel lourd et orageux d’Angleterre.

            On dit que l’armée française est la meilleure du monde parce qu’elle est l’armée de Dieu.
            Et pourtant ce soir Dieu semble être en colère contre nous. Nous combattons les infidèles, les anglicans qui ont choisi de vénérer leur roi maudit. Et pourtant, les signes ne sont pas là.
            Dieu a-t-il changé d’avis ?
            En tout cas mes hommes commencent à le penser.

            C’est le coeur lourd que je rejoins la ferme qui est au centre du campement. L’état major s’y rassemble comme tous les jours.
            Je rentre dans le bâtiment principal, le seul en pierre, le rez-de-chaussée est vaste mais vide, les murs en pierre noire ne sont ornés que d’une cheminée grossièrement taillée et de deux fenêtres de chaque côté, une porte sur le côté indique une autre pièce. Seule une grande table en chêne avec quelques chaises signale que c’est un lieu de vie. Le vent entre par la cheminée en sifflant et les aides de camps peinent à démarrer un feu.

            J’attends une demi-heure que tout l’état major soit au complet, le feu est enfin là mais il ne réussit pas à chasser l’humidité. Le Duc d’Orléans prend la parole devant un auditoire transit de froid :
            - Messieurs, nous avons eu des nouvelles de nos amis anglais. Nos éclaireurs ont confirmé les rapports de nos espions : l’ennemi s’est mis en marche et il sera sur nous demain.
            Un murmure s’élève dans la salle et retombe sitôt que le maréchal reprend la parole :
            - Nos espions ont fait une estimation de leur armée. Il faut nous attendre à pas moins de 55.000 fantassins, 10.500 cavaliers et 120 canons. De plus les espions nous ont signalés que des serfs anglais ont pris les armes pour soutenir les troupes régulières, il faudrait en compter entre dix et vingt milles.

            Un murmure s’éleva dans les rangs, tout le monde connaissait la taille de notre armée :
            52.000 fantassins dont 18.000 grenadiers et 2.000 gardes du roy, l’élite de l’armée française, à cela on pouvait rajouter 8.400 cavaliers et 156 canons.

            Le Duc continua :
            - L’ennemi aura sans aucun doute le nombre, mais pas la qualité, nos hommes sont tous des vétérans des campagnes de Suisse, de Hanovre, d’Afrique ou encore d’Amérique. Nous bousculerons sans aucun souci leurs rangs.
            Il marqua une pause oratoire :
            - Les seuls soldats bien entraînés en face seront les hommes de la « King German Legion », des troupes de Hanovre qui se battent pour l’Angleterre et qui ont déjà vu le feu en Europe, la Garde Royale Anglaise, et enfin les régiments d’Ecossais des Indes, qui sont revenus d’urgence des colonies anglaises. Soit un peu plus de huit milles hommes qu’il faudra repérer et pilonner à grand renfort de canons.

            Le Duc d’Orléans était peut-être un boucher impitoyable mais il connaissait l’art de la guerre, aucun doute là-dessus.
            Il laissa de nouveau quelques secondes de pause pour que tout le monde puisse mémoriser les chiffres, puis il reprit :
            - Demain le combat aura lieu, l’ennemi nous attaque, nous avons donc le loisir de choisir notre position.
            Il fît un signe et deux aides de camps vinrent déplier une carte sur la table au centre de la pièce.
            - Voyez la carte, les anglais sont au Nord-Est de notre position, ils viendront à nous par ces deux routes, les collines les empêchent de se déployer convenablement ailleurs. Nous, nous nous déploierons d’ici à ici. Nos canons seront en place sur ces trois collines, notre flanc droit sera couvert par cette ferme ici, j’ai déjà envoyé le 6ème des tirailleurs consolider la position. A gauche, les bois offriront un beau couvert à nos troupes légères et cacheront nos mouvements. La cavalerie et les réserves seront disposées ici, ici, et là. Vous avez compris, nous manoeuvreront par la gauche. L’artillerie devra viser principalement le centre et la gauche de l’armée ennemie. Si on arrive à identifier les régiments d’élite ennemie, il faut concentrer le feu dessus.
            Le plan de bataille semblait clair, il n’y avait rien à redire, il avait de bonnes chances de marcher. Le flanc droit ennemi n’avait rien pour se protéger et l’ennemi ne s’attendrait probablement pas à nous voir attaquer alors qu’on avait moins de cavalerie et plus de canons.

            Une voix se leva timidement dans l’assemblée :
            - Monsieur, qui sera notre ennemi demain ?
            Le Duc d’Orléans était de bonne humeur, il répondit naturellement :
            - Un irlandais, titré récemment Duc de Wellington après sa victoire lors de l’attaque d’Hanovre. Un bon général mais sans réel talent.

            Quelques détails à régler prirent une heure, puis l’air fût enfin un peu réchauffé dans la pièce et on s’installa pour dîner. L’humeur était bonne et on finit par un porter toast en l’honneur de Wellington, le vaincu de demain.

            C’est quand je retournai vers mes hommes que mes doutes revinrent, mes soldats étaient maussades. Je m’installai parmi les officiers autour d’un feu et d’une bouteille de vin. On resta quelques minutes à boire en silence, puis la question vint :
            - Alors monsieur, on se bat demain ?
            La question était une introduction formelle, toute l’armée était déjà au courant.
            - Oui, les anglais sont sur nous.
            - On a nos chances ?
            - Evidement, sinon on serait déjà reparti.
            - Ben oui, mais avec tout ce mauvais temps, les hommes commencent à penser que Dieu n’est pas d’accord.
            La vraie question était là, je devais y répondre, alors que j’étais aussi en proie au doute.
            - Dieu… Dieu nous éprouve, il nous met à l’épreuve pour nous préparer à demain. En fait je crois qu’il fait ça pour qu’on soit conscient de la tâche qu’on a à accomplir. Pour qu’on se rappelle que la route du paradis est jonchée de pièges.
            Je n’en croyais pas un mot, en fait je ne croyais rien, mais il fallait répondre, il fallait donner confiance aux hommes. Les officiers semblèrent rassurés, quelques-uns se levèrent pour porter aux soldats mes propos.

            Rapidement je me retrouvais seul. La nuit tombait tandis que j’allais finalement me coucher en même temps que le soleil. Pourtant je vis les étoiles à travers l’entrée de ma tente. Mentir aux hommes était nécessaire mais ça m’empêchait de trouver le sommeil…
            Dernière modification par Zaariel, 23-02-2011, 18h43.

            Commentaire


            • #7
              - Monsieur, monsieur, réveillez-vous!
              - Mmmh, quoi ?
              - C'est l'heure.
              - Hein... D'accord, j'arrive, j'arrive.

              L'aube se lève doucement sur la campagne anglaise, l'absence de nuages annonce une belle journée et une brise légère souffle sur le camp. Celui-ci grouille d'activité, les hommes se préparent, cours dans tout les sens, les ordres des officiers résonnent à travers les rangées de tentes. Ce chaos est toujours présent avant chaque bataille, il est bénéfique, tant que les hommes sont occupés, ils ne pensent pas à l'horreur du champ de bataille.
              Doucement l'heure avance et les hommes se préparent et les corps d'armée se forment. Les soldats s'alignent, et l'éclat du soleil se reflète sur le métal des rangées de fusils parfaitement alignés.

              Mon régiment a fini de se mettre en ordre à côté de moi tandis qu'un courrier m'apporte les dernières précisions. Je lis le document avant de donner l'ordre de marche. La colonne se met en mouvement tandis que mon aide de camps m'apporte un superbe cheval blanc qui, je l'espère, survivra à la journée.

              Toute l'armée qui le camp et avance à travers la campagne anglaise puis se met en ordre de bataille, sublime ballet ou chaque régiment est en mouvement synchronisé avec ceux d'à côté. Les treize batteries de canons se mettent en place au centre sur une courbe épousant les sommets des collines et derrière chaque batterie, un détachement de cavalerie ainsi qu’un régiment d'infanterie attendent au bas de la colline, à couvert, que l'ennemi s'avance pour sortir et former la ligne.

              Sur le flanc gauche j'aperçois les bois où les chasseurs se sont mis en position, derrière eux, à l'abri des regards anglais, près de 5,000 cavaliers et 8,000 grenadiers sont en place, prêt à lancer la charge vers le flanc droit ennemi dès qu'il aura été suffisamment pilonné par nos batteries.

              Sur le flanc droit, le centre est protégé par la ferme que les tirailleurs du 6ème ont fortifiée.
              Cette ferme représente le bout de notre ligne.
              J'étais le général qui dirigeait les réserves du flanc droit, j'étais donc en charge, outre mon régiment de grenadiers, deux régiments de 1500 fusiliers chacun et 500 lanciers marocains.
              Je doutais sévèrement de la discipline de ces étrangers, mais mon cousin m'avait assuré qu'ils avaient fidèlement servi le Roi lors de la libération du Portugal.

              Mon rôle consistait à soutenir la ferme fortifiée et éventuellement le centre si nécessaire.
              Je trouvais que j'avais bien peu d'hommes pour défendre un flanc entier sur lequel l'anglais pouvait décider d'envoyer des milliers de cavaliers, enfin, à la guerre aucune tactique n'est parfaite, et il fallait bien faire un choix.
              Je plaçais donc mes troupes en retrait et à gauche de la ferme, dans un léger renfoncement du terrain pour éviter qu'elles soient trop exposées aux canons ennemis. Tandis qu'avec mes officiers et aide de camps, j'allais à cheval au sommet d'une petite colline juste derrière mes troupes pour avoir une vue dégagée. De là je pouvais observer une partie du centre, et j'avais une vue parfaite sur l'aile droite.

              Maintenant, il ne reste plus qu'à attendre l'ennemi. Le silence se fait sur la plaine, et seul le souffle du vent se fait entendre...
              C'est ces moments là que je déteste,
              Quand on sent l'ombre de la mort passer au dessus des troupes pour choisir ses victimes,
              Quand les hommes, si courageux face à l'adversité, se mettent à douter dans l'attente.
              Quand on sait qu'on ne peut rien changer et qu'on se met à penser :
              Et si... ?
              C'est dans ces moments là où le moral de l'armée subit les premiers assauts.

              Finalement, après ces minutes qui semblaient des siècles, un premier son est porté par les rafales du vent :
              Le son des cornemuses écossaises.
              Ce son tant attendu qui annonce enfin le début de la bataille :
              Les ennemis sont enfin là, présents au rendez-vous. Et une minute plus tard le sommet des collines face à nos lignes se couvre de rouge.

              Et l'enfer commence...
              Le tonnerre de nos canons roule à travers la plaine, et la foudre tombe sur les rangs anglais, les formations ennemies sont tellement compactes que tous les tirs touchent au but.
              Néanmoins les anglais tiennent bon, les lignes se reforment et continuent à avancer tandis que les pièces ennemies se mettent en place sur les collines d'en face.
              Les artilleries continuent à tirer, à chaque salve des canons français les artilleurs anglais se font un honneur de répondre. Et bientôt le champ de bataille est noyé sous le vacarme des canonnades et la fumée de la poudre.

              De ma position je ne vois pas tout le centre, néanmoins il est évident que l'échange des tirs est à notre avantage, nos pièces massacrent l'infanterie ennemie qui progresse vers nos lignes, creusant des sillons sanglants dans les fusiliers anglais. Tandis que les canons anglais n'ont pour cible que nos batteries et des régiments partiellement à couvert.

              Puis une clameur se fait entendre, j'aperçois les artilleurs français courir vers les régiments postés derrières eux, la cause ne tarde pas à devenir visible: des petits détachements de hussards anglais ont chargé chacune de nos batteries, la cavalerie française en réserve les charge à son tour, et rapidement les cavaliers entament de furieux corps à corps. Les anglais tiennent une minute, puis craquent sous le nombre, et s'enfuient vers leurs lignes.
              Nos artilleurs courent alors rejoindre leurs canons pour recommencer à tirer, et à nouveau des cavaliers anglais les chargent. Alors nos hommes repartent à l'abri dans l'infanterie et nos cavaliers chargent de nouveau. L'opération se répète plusieurs fois.
              Les anglais veulent forcer nos hommes à sortir à découvert pour protéger nos canons. Et finalement, ils y arrivent, une partie de notre infanterie monte au sommet des collines, nos canons se remettent à tirer, et ceux des anglais commencent enfin à faire mouche.

              L'armée anglaise se rapproche des nos lignes, elle n'est plus très loin de nos canons tandis que la totalité de nos premières lignes se mettent en place pour les recevoir. Les réserves s'approchent de la ligne de front et je suis inquiet, aucune nouvelle de la cavalerie ennemie.

              Des cris se font entendre depuis la ferme, les anglais ont lancé l'assaut sur ce fort improvisé et les français défendent leur position avec acharnement. J'envoie un officier soutenir les tirailleurs avec 500 fusiliers, cette ferme est une excellente position pour nous protéger de la cavalerie, il est indispensable qu'elle tienne.
              Pendant ce temps, au centre, le roulement des salves et les cris des blessés indiquent que l’infanterie anglaise est arrivée à portée de fusil. Les anglais sont en surnombres mais la discipline des français et le soutient des canons qui tirent de la mitraille leur permettent de compenser ce déficit. Aux tirs incertains des anglais répondent les salves parfaitement ordonnées des français, néanmoins ils sont moins nombreux à répondre à chaque salve.
              A la ferme, les soldats en sont arrivés au corps à corps, les soldats se massacrent à coup de crosse, baïonnettes, sabres, haches et pistolets, et malgré leur bravoure, les défenseurs sont submergés par un flot incessant d'ennemis.
              La situation est délicate, les soldats français tiennent mais les anglais les usent en les écrasant sous le nombre, les minutes passent lentement et la situation est de plus en plus critique, des sueurs froides se mettent à perler sur mon front. Des estafettes de mes officiers me parviennent, ils veulent du renfort.
              J'hésitais à lancer les grenadiers au soutient de la ferme, quand le plan de l'anglais se dévoila :
              L'infanterie à gauche de la ferme, déjà bien diminuée, se fait charger par des grenadiers de la KGL, à droite, des milliers de cavaliers anglais surgissent pour enfoncer notre aile.

              Aussitôt je donne les ordres, les officiers courent vers les troupes en réserve et je rejoins mes grenadiers.
              Les lanciers marocains, soutenus par 500 fusiliers chargent la ferme pour repousser les anglais, le reste des fusiliers, soit 2,000 hommes au total forment quatre carrés pour recevoir la cavalerie anglaise et couvrir notre flanc, tandis que je rejoins mes grenadiers, et je leur hurle en tendant mon sabre vers l'infanterie en difficulté face aux grenadiers ennemis :
              - Soldat, à l'assaut, pour la France et le Roy !
              Les grenadiers remontent au pas de course la pente vers le lieu du combat, les anglais ont engagé le corps à corps et ont dû, pour cela, exposer leur flanc à mes grenadiers.

              Les officiers ennemis s'aperçoivent du danger trop tard, et alors qu'ils tentent de faire former une ligne pour nous attendre, mes hommes fusillent les Hanovriens à bout portant, avant de charger dans la mêlée. Les ennemis reculent sous le poids de la charge, néanmoins ils tiennent. Ce sont des volontaires qui haïssent la France et ils se battent comme des fous furieux. Et malgré la bravoure et la détermination de mes grenadiers ils refusent de céder un pouce de terrain. Le combat reste figé pendant plusieurs minutes, elles me semblent tellement longues...

              Mon regard se porte un instant sur l'aile droite, les lanciers ont mis en déroute les anglais qui assaillaient la ferme et leur capitaine les redirige vers nous. En contrebas, les fusiliers ont formé les carrés pour recevoir la cavalerie anglaise qui s'apprête à charger.

              Mes grenadiers continuent le combat, les corps jonchent le sol et mes troupes progressent enfin, avec difficulté. Les ennemis tiennent encore bon, ils forment tant bien que mal une ligne pour repousser nos hommes mais se battent avec une colère aveugle, ne craignant ni les blessures ni la fatigue. Il faut terrasser chaque homme pour qu'il s'arrête de combattre. Puis les lanciers marocains chargent, hurlant comme des forcenés. Tel une vague ouvrant une brèche dans une digue, ils disloquent la formation ennemie et les Hanovriens, dispersés, partent en déroute.

              A droite, le résultat est moins reluisant, les cavaliers anglais ont annihilé un carré en moins d'une minute, un autre est en déroute tandis qu'un troisième est sérieusement malmené.

              Je réunis tant bien que mal mes hommes. Avec mes grenadiers et le reste des fusiliers que j'ai sous la main je fais former deux carrés au sommet de la colline au milieu desquels je place des pièces d'artilleries et le reste de la cavalerie marocaine. Mes troupes sont exténuées et l'ennemi s'apprête déjà à foncer sur nous.

              Mon regard se porte obstinément vers l'aile gauche, si des renforts viennent, ils viendront de là-bas, La fureur des combats au centre m’empêche de voir si oui ou non la cavalerie a déjà chargé. Mais je ne peux m'empêcher d'espérer apercevoir un drapeau français ou d'entendre une trompette sonner la charge.

              Finalement le bruit des sabots me fait tourner la tête vers le combat, des quatre carrés qui s'étaient formés, il n'en reste plus qu'un seul, et la cavalerie anglaise se dirige vers nous.
              Des milliers de cavaliers chargent en remontant la pente, mes soldats sont fatigués et la marée de cavalerie qui se dirige vers nous met leurs nerfs à l'épreuve. Je hurle alors :
              - Attendez soldats...
              La cavalerie ennemi se rapproche, les canons ont fini d'être chargés.
              - Préparez-vous !
              L'ennemi est enfin à bonne portée
              - Feu !
              Les soldats tirent une salve dévastatrice puis ouvrent les carrés, les canons placés à l'intérieur tirent, la mitraille fauche les hussards anglais comme du blé, et ils s'écroulent dans des gerbes de sang sous les nuages de plomb.
              Seuls quelques cavaliers arrivent au contacte, la première charge est stoppée.
              Mais une nouvelle vague s'approche, les fusils n'ont pas eu le temps d'être rechargés, les hommes dressent leurs baïonnettes vers l'ennemi, formant un mur hérissé d'acier pour stopper les chevaux lancés au galop. Le choc est terrible, de nombreux soldats meurent sous le seul poids des chevaux, les carrés sont mis à mal et l'ennemi exploite des brèches percées dans le sang, je fais alors sonner les marocains. Ils chargent à un contre dix mais ils ne fuient pas et provoquent de lourdes pertes chez les anglais. Mes hommes profitent de ce répit et resserrent alors les carrés. Les canons sont de nouveau chargés.
              La troisième charge arrive, puis une autre, et encore une autre...
              A chaque fois, les hommes tirent, les canons fauchent les chevaux ennemis qui s'écroulent en emportant leur cavalier. A chaque fois l'assaut est plus violent, à chaque fois mes hommes resserrent les rangs et attendent de nouveau l'ennemi, baïonnette au canon. Les hommes continuent de tenir la position, derrière un mur de cadavres. Les anglais continuent inlassablement leurs assauts qui chaque fois sont plus près de faire tomber ces carrés, comme un bélier défonce les murs d'un château. Oui mais mes hommes sont des grenadiers français, l'élite de la meilleure armée du monde, et malgré la fatigue, la sueur et le sang, ils continuent de tenir la position, ils continuent de riposter à chaque assaut par des tirs de mousquet et des coups de baïonnettes.
              A un moment je sens que mes hommes sont à bout, alors j'abandonne mon cheval et vient me placer parmi mes hommes, sabre au poing. Je me place au premier rang et hurle :
              - Grenadiers, montrons à ces couards ce qu'est le courage des français!
              En bas de la pente, les cavaliers anglais commencent à douter, ils doivent, pour venir à nous, monter une pente jonchée de cadavres, et leurs charges commencent à faiblir, doucement.
              Les carrés sont à présent réduits à une centaine d'hommes, la poudre vient à manquer, mais mes hommes tiennent bon. Les anglais préparent une énième charge. Quand parvient enfin un son à mes oreilles que je n'osais plus espérer :
              La charge des cuirassiers français.

              La cavalerie française charge la cavalerie anglaise quasiment à l'arrêt. L'assaut est monstrueux, les lanciers mettent à bas les dragons anglais tandis que nos cuirassiers abattent leurs hussards. Le combat est inégal entre les cavaliers français frais et dispos et les anglais, minés par leur échec. Rapidement, les ennemis tournent les talons et s'enfuient comme ils le peuvent.

              Je n'ose croire que la bataille est gagnée, puis je me retourne vers la plaine où a eu lieu le plus gros des combats : elle est recouverte de corps rouges. L'armée anglaise est vaincue.
              Mes nerfs sont tellement à bout que cela me semble irréel, et pourtant lorsque je rejoins l'état major, le Duc d'Orléans à bel et bien sorti le champagne pour fêter ça...
              Dernière modification par Zaariel, 24-02-2011, 12h07.

              Commentaire


              • #8
                Malgré la vue des jolies femmes, leur parfums enivrants, le champagne et les violons de la fête, quand je rentre me coucher tard dans la nuit, il ne me reste dans la tête que le bruit sourd des canons, le goût du sang, l'odeur de la poudre et la vue des blessés.

                Le flanc droit a concentré ce matin plus d'un tiers de nos morts. Des sept milliers d'hommes qui couvraient le flanc droit, trois milles sont tombés et autant sont blessés. La vision du champ de bataille après la fuite des anglais reste ancrée dans ma rétine.
                44 drapeaux et 31 canons capturés, mais pas de prisonniers... Notre cavalerie n'a pas fait de quartier, répondant ainsi à la cruauté des anglais lors de la bataille de Lisbonne.
                Des cadavres, des cadavres à perte de vue, au milieu desquels les cris des blessés répondaient aux croassements des corbeaux, déjà entrain de festoyer. Le soleil couchant rajoutait une touche théâtrale à ce décor qui n'avait pourtant pas besoin d'une couche de rouge supplémentaire.
                Et pourtant, au milieu de cette apocalypse, déjà les pillards, ces charognes, étaient là, voulant récupérer le butin. J'ai ordonné qu'on abatte sans sommation ces pourritures, mais je sais que cette nuit ils récupéreront quand même l'argent des malheureux tombés.

                C'est en pensant à tout cela que je n'arrive pas à trouver le sommeil cette nuit, malgré l'alcool je n'arrive pas à me détacher des visages des grenadiers tombés à mes côtés. Je reste ainsi des heures dans l'obscurité de ma tente. Finalement il me faut attendre les dernières heures de la nuit pour que la fatigue vienne à bout de mes cauchemars éveillés.

                Le réveil se fait douloureusement vers midi quand un aide de camp rentre dans ma tente.
                - Monsieur, le Duc d'Orléans vous demande...
                - Dites-lui que j'arrive...
                Je m'assieds sur le bort de mon lit, des courbatures dans tout le corps, la gueule de bois bien ancrée dans mon crâne et mon bras droit qui me fait à nouveau souffrir. Je prends une dizaine de minutes à trouver la motivation nécessaire pour me lever, puis entame un brin de toilette, je m'habille d'un uniforme propre. Celui d'hier étant recouvert de sang, noir de poudre, et déchiré par endroits. Il est à lui seul un résumé de la bataille.

                Quand je sors de ma tente, le camp semble mort, les soldats sont épuisés et s'activent sans bruit, le seul son qui me parvient est un hurlement qui provient du rassemblement de tentes qui font office d'hôpital de campagne. Je plains les malheureux qui sont en train de se faire amputer, nos chirurgiens son débordés et ne doivent pas faire dans le détail.

                Quand je rentre dans la ferme où l'état major établissait ses quartiers depuis maintenant trois jours, c'est avec surprise que je découvre une salle vide. Il n'y avait là que le Duc D'Orléans lui même et quelques aides de camps. Il était assis sur une chaise devant une carte étalée sur la table. Je fais un pas à l'intérieur et m'annonce :
                - Vous m'avez fait demander Monsieur.
                Le Duc lève la tête, il me fait signe aussitêt en parlant d'une voix amicale :
                - Ah, marquis, venez, prenez une chaise et installez-vous.
                Il balaie la carte d'un revers de la main et continue :
                - Mon aide de camp m'a dit que vous veniez de vous lever, voulez-vous manger un morceau ? Valet, qu'on nous apporte le déjeuner...
                Je prends place en face du Duc tandis qu'il finit de ranger ses cartes. J'ai hâte de savoir ce qu'il a à me dire, il est rare que le Duc invite une seule personne. Qu'a t-il donc à me demander ? Le vin arrive en même temps qu'il reprend la parole :

                - Marquis, je tiens d'abord à vous féliciter pour votre contribution à la victoire d'hier. Les peintres du Roy immortaliseront la charge de notre cavalerie, mais je sais bien que cette victoire n'aurait pas été le triomphe qu'elle a été sans l'héroïsme dont vous avez fait preuve avec vos troupes.
                - Merci Monsieur.
                - D'ailleurs à ce propos, les pertes du 8ème des grenadiers de Paris ont été terribles, c'est pourquoi il sera fusionné avec le 4ème régiment, qui a aussi subi des pertes...
                - Monsieur, je tiens à ce régiment, c'est avec ces hommes que j'ai fait les campagnes d'Espagne et du Piémont...
                - Laissez moi finir, ces deux régiments vont fusionner et former le 4ème régiment des Gardes de Versailles, dont vous aurez le commandement. Naturellement les hommes qui ne rentrent pas dans les critères d'admission dans la garde du Roi ne seront pas pris et intégrés dans d'autres régiments. Néanmoins je crois savoir que la quasi-totalité de vos hommes ont les 8 ans de service nécessaires.
                - Oui, en effet, ils ont pratiquement tous servi depuis l'Espagne.

                La nouvelle était un choc, je me retrouvais promu à la tête d'un régiment de la Garde Royale, l'élite de l'armée française, ce qui était un pas de plus sur la route vers le titre de Maréchal. Mes hommes également étaient récompensés de leur bravoure, la solde d'un grenadier était déjà correcte, mais celle des gardes est pratiquement du double.

                Puis le Duc continua :
                - Bien, en plus de votre promotion, j'ai une mission à vous confier. Nous avons battu l'armée de Wellington, et la route de Londres est ouverte. Néanmoins nos espions et collaborateurs nous ont informés que la ville elle même ne tombera pas sans combattre. Des miliciens s'arment, et il reste encore à l'ennemi suffisamment de canons pour défendre ses rues. Sans parler de la Garde Royale anglaise restée au palais qui doit encore compter cinq ou six milles hommes. En un mot comme en cents, il va falloir faire le siège de Londres.
                - Et... Et ma mission là dedans Monsieur ?
                - Eh bien, Wellington est encore en liberté, il semblerait qu'il n'ait pas pris la route de Londres, mais qu'il soit parti au Nord, vers l'Ecosse. On suppose qu'il va y rejoindre des troupes venant des colonies anglaises... Je veux que vous preniez le commandement de trente milles hommes, que vous preniez la route du Nord, et que vous écrasiez Wellington. Londres ne tombera pas tant que les renforts seront attendus. En tant que Maréchal c'est à moi de diriger l'attaque contre la capitale, mais il me faut un commandant talentueux pour couvrir mes arrières.

                Je reste un instant perdu dans mes pensées... Trente milles hommes, la plus grosse armée que j'ai jamais commandée. Puis je dis au Maréchal :

                - Sire, je suis très honoré, mais pourquoi moi ? Je veux dire... Je pense que je suis en mesure de mener cette armée, mais il y a des hommes plus hauts gradés que moi dans l'état major.
                - Allons, allons, il n'y a ici que des généraux à part moi, le seul Maréchal de France présent sur le sol anglais. Je sais que vous faites allusion au Duc d'Alençon, mais je ne suis pas stupide, il me faut un général compétant pour affronter Wellington, pas un commandant de parade.

                Cette dernière tirade me rendait le Duc un peu plus sympathique...

                - J'ai parlé avec les autres officiers, vous êtes respecté des nobles comme des troupes, et vous avez participé aux campagnes d'Amérique, d'Espagne, de Piémont, de Prusse... Bref, vous ne me décevrez pas j'en suis sûr. Il se pourrait même que je parle de vous au Roi.

                La question était donc réglée, le Duc avait fait son choix en connaissance de cause. La suite fût composée d'un déjeuner de campagne et du réglage des détails. Je m'arrangeai pour que mon cousin m'accompagne, de même que le capitaine d'artillerie corse que j'avais repéré précédemment, ainsi que d'autres officiers que je connaissais.

                Trente milles hommes dont cinq milles cavaliers et quatre-vingts canons en guise d'artillerie. Même si l'armée attendait des renforts, j'allais avoir sous mon commandement plus d'un tiers de l'armée française présente en Angleterre. J'avais du mal à réaliser et j'étais excité, je n'aurais de comptes à rendre qu'au Maréchal d'Orléans et au Roy. Autant dire que là-bas, en Ecosse, je serais libre.

                Le Duc fit passer les ordres que nous avions fixé dans l'après midi, et dès cinq heures, je fixais ma première réunion avec mon état major fraîchement composé.
                L'humeur ‘était plutôt bonne dans la salle, les généraux étaient de vieilles connaissances, et si je ne connaissais pas personnellement tous mes capitaines, je les connaissais au moins de vue et de réputation. La réunion fût finalement assez classique, étude de cartes, commentaires, prises de décisions. On passa à table, l'ambiance était joyeuse et la soirée fût longue, j'eus même le droit à un toast en mon honneur.

                Deux jours plus tard les renforts et le réapprovisionnement étaient arrivés. Au matin du troisième jour, mon corps d'armée se mit en marche sous la pluie et dans la brume. Je regardais défiler toute mon armée en colonne, les rangs passant un à un devant mon cheval, la cavalerie légère, les fusiliers, les chariots et les canons, les cuirassiers, les grenadiers. Tous, ils défilaient devant mon regard. Lui qui s'était perdu dans l'horizon de mes pensées. Je me mettais déjà à penser à l'Écosse, à ces Highlands où mon ennemi se cache. Chacun de ces hommes qui passent devant moi, emportant son fusil, est un homme de plus pour terrasser mon ennemi. Et je ne peux m'empêcher de penser : Wellington, me voici !
                Dernière modification par Zaariel, 28-02-2011, 14h13.

                Commentaire


                • #9
                  Le campement s'est installé une fois de plus dans la boue des collines anglaises. Sous un couvert de nuages lourds annonciateurs d'orage.

                  Ma tente est dressée la première, autour d'elle le 4ème régiment de la garde de Versailles prend ses quartiers. Mes hommes étaient déjà de fiers grenadiers, mais l'uniforme des gardes rajoute à leurs cicatrices et leur expérience une sorte d'aura divine. La Garde Royale n'a jamais reculée depuis sa création, les anglais savent que combattre cette unité c'est combattre plus qu'un mur de feu et des baïonnettes d'acier, c'est combattre des hommes dont l'âme est vouée à la France. La charge des gardes a plus d'une fois mis en déroute des armées ennemies proches de la victoire. J'ai plaisir à avoir un tel régiment avec moi, ils montrent l'exemple et inspirent le reste de l'arme, et ils ne seront pas de trop pour défaire Wellington...

                  Je m'installe dans ma tente et retire mes bottes, faire ce geste après des heures de marche et de cheval fait parti des plaisirs simples d'un soldat en campagne. Mes aides de camps m'apportent un verre de vin et je me penche sur les cartes.

                  L'Ecosse n'est plus très loin, j'estime la frontière à quelques lieues seulement, je dois faire preuve de la plus grande prudence. Une avant garde de 500 lanciers dirigés par le marquis de Rochefort sillonne constamment les alentours de mon armée depuis que nous sommes partis. Ils ont déjà mis en déroute trois contingents ennemis en une quinzaine de jours. Autant d'hommes que Wellington a perdu dans ces embuscades hasardeuses. Que le duc de fer ait dû lâcher des troupes pour nous ralentir est plutôt bon signe, néanmoins je ne sous-estime pas cet homme qui a fait plus d'une fois preuve de ses talents de défenseur acharné.

                  J'étudiais les routes possibles pour rentrer en Ecosse quand un garde entra :
                  - Sire, le courrier est arrivé.
                  - Ah, quoi de nouveau ?
                  - Trois lettres, l'une porte le cachet du Duc d'Orléans.

                  Je fis un signe au garde, il posa les lettres sur le bureau improvisé puis sortit avec le salut militaire.
                  La première lettre émanait effectivement du Duc d'Orléans, les autres était bien moins soignées et leur cachet de cire était déjà brisé. Sans doute des rapports de nos espions. J'ouvris l'une d'entre elles :

                  Sire,

                  Wellington est arrivé à Glasgow.
                  fantassins: 22,000 environs
                  cavaliers: 1,200
                  canons: 12 pièces de 6, 67 pièces de 9 et 6 mortiers.


                  Le rapport était court et naturellement pas signé. Tout était dit en quelques lignes.
                  J'ouvrai le second:

                  Monsieur le Duc d'Orléans,

                  Wellington n'est toujours pas arrivé à Edimbourg.
                  Néanmoins les officiers préparent leurs troupes au départ.
                  Un régiment de la garde royale est en ville, de même que la garde noire écossaise.
                  Il y a environ 19,000 soldats 500 cavaliers et 24 pièces de 9.


                  C'était un peu plus rédigé, mais le fond restait le même.
                  La troisième lettre était plus formelle mais à peine plus longue, le Duc s'embarrassait rarement de grandes formules :

                  Au Marquis de Villeurbanne, général en chef de l'armée d'Ecosse,

                  Le siège de Londres a commencé. Comme prévu les anglais défendent la ville avec acharnement et attendent avec impatience le renfort de Wellington, je compte sur vous pour réduire à néant leurs espoirs. Plus vite Wellington sera vaincu plus vite cette campagne sera finie.

                  J'ai reçu une lettre du Roy, il s'estime satisfait de l'avancement des opérations. Il sait quel rôle vous jouez dans cette campagne.

                  J'ai joint à cette lettre les derniers rapports de nos espions en Ecosse, normalement les prochains devraient vous parvenir directement. Apparemment les troupes britanniques sont divisées, la chance est avec vous. Sachez en profiter avant qu'elle ne change de camp.

                  Le Duc d'Orléans.


                  Rien de bien nouveaux dans cette dernière missive.
                  Tout laissait supposer que les troupes d'Edimbourg allaient marcher, ou étaient en marche, pour rejoindre l'autre armée. D'après les cartes, la route sur laquelle j'avais engagé l'armée allait rejoindre la route directe entre les deux armées à environ un tiers côté Wellington et deux tiers du côté de ses renforts. Si je pouvais combattre séparément chaque armée, la victoire serait quasi-certaine.

                  La manoeuvre était simple mais risquée: se glisser entre les deux armées, puis marcher contre l'une et la vaincre avec le surnombre avant que l'autre n'ait eu le temps de lui porter secours. D'un autre côté cette stratégie rendrait vulnérables nos lignes de réapprovisionnement. Mais je n'avais aucune envie de combattre en sous nombre un général si efficace en défense.

                  Finalement je réunis mes officiers pour décider ensemble la stratégie à suivre. Naturellement deux camps se formèrent vite, il y avait autant d'arguments d'un côté que de l'autre jusqu'à ce que le capitaine d'artillerie Buonaparte, resté en retrait jusque là, prenne la parole. En dix minutes il réussit à convaincre l'ensemble des officiers de marcher à la rencontre de nos ennemis divisés.
                  Décidément cet homme ne manquait pas d'intelligence, intérieurement je mémorisais qu'il faudrait le promouvoir sous peu, sa petite noblesse corse serait un inconvénient mais la France ne devait surtout pas passer à côté d'un officier pareil.

                  L'orage explosa à la nuit tombée et dura toute la nuit. Le lendemain l'armée reprit la route sous la pluie, avançant à la vitesse des canons embourbés dans les routes transformées en torrents de boue. Après deux jours de marche nous approchions de l'intersection des routes. Les troupes installèrent le camp tôt dans l'après-midi tandis que j'envoyais 300 hussards repérer les anglais, Wellington ne me ferait pas croire que l'arrivée de 30,000 français dans le pays n'avait pas fait de bruit.

                  Finalement j'étais en train de déjeuner tardivement quand les premiers rapports arrivèrent, les officiers portant les nouvelles étaient couvert de poussière et certains étaient blessés. Les premières escarmouches avaient déjà commencé.
                  Une armée anglaise était là, les britanniques avaient installé leur camp autour d'un village au nord, et ils n'avaient apparemment pas l'intention de céder le terrain...
                  Dernière modification par Zaariel, 28-02-2011, 18h30.

                  Commentaire


                  • #10
                    Ce matin là je m'étais levé à l'aube, pourtant j'avais le temps pour inspecter ce champ de bataille, les canons ne pourraient se déplacer que quand le sol détrempé aurait un peu séché. La bataille était donc prévue pour l'après-midi si Dieu ne faisait pas tomber de nouveau la pluie.
                    Néanmoins je scrutais soigneusement les moindres détails, et j'avais de nouveau envoyé les hussards inspecter les mouvements britanniques. Il ne fallait rien laisser au hasard.

                    Les routes traversant le champ de bataille formaient un T majuscule. Mon armée était située en bas du T. La route horizontale était située sur le flanc d'un plateau dont la route verticale montait la pente. L'armée ennemie était un peu en retrait sur le plateau, derrière la crête, au dessus du T, à l'abri des regards français. A la pointe gauche de la barre horizontale, sur la pente donc, un village de maisons basses en pierre aux toits de chaume était défendu par les anglais. On voyait l’Union Jack flotter au milieu de la fumée des cheminées. Un peu en dessous de la pointe droite du T, une ferme isolée assez vaste et moderne dans laquelle les anglais avaient barricadé d'autres troupes. Cette ferme gardait donc la route vers l'est, la droite du T, là où les renforts anglais venus d'Edimbourg devaient arriver, je doutais qu'ils viendraient à temps, la pluie avait ralenti aussi leurs canons.
                    La pente du plateau n'était pas régulière, le terrain en fait ondulait, comme il sait si bien le faire dans les îles britanniques, des creux et des bosses se formaient ça et là, rendant la montée abrupte par endroits, et la rendant pratiquement plate à d'autres.
                    La végétation quant à elle ne jouait pratiquement aucun rôle dans ce décors, quelques arbres étaient bien présents, mais ils n'étaient pas assez denses pour représenter un quelconque obstacle.

                    Je rentrais au bout de deux heures d'inspection, satisfait du terrain. Rien ne devait empêcher les canons ou la cavalerie de manoeuvrer si le terrain séchait suffisamment.
                    Je rejoignis ma tente où je commençais à rédiger l'ordre de bataille. Les décisions sont parfois dures à prendre, mais là je me sentais étonnamment calme et lucide. Les idées et les mots fusaient dans ma tête et sous ma plume. J'en étais à ma troisième feuille quand un caporal rentra dans ma tente :
                    - Sire, il y a du nouveau.
                    Je levais la tête:
                    - Quoi donc?
                    - Les anglais, leurs renforts sont en train d'arriver.
                    - Quoi, mais ils devraient être encore loin.
                    - Euh...

                    Je me levais dans un accès de fureur et sortait d'un coup de la tente quand je vis le capitaine Buonaparte arriver d'un air joyeux, ce qui me contrariait encore plus, dès qu'il me vit il me dit :
                    - Bonjour général, vous allez bien ?
                    - Comment si je vais bien! Hurlais-je, les anglais ont fait jonction avant que nous ayons pu lancer l'attaque! Vos calculs étaient faux, ils ont eu le temps d'arriver!

                    Le capitaine garda son sourire:
                    - Enfin général, s'ils ont eu le temps d'arriver c'est parce que nous avons été retardés par nos canons.
                    - Eh bien eux apparemment pas!

                    J'étais excédé par cet officier que j'avais cru intelligent qui apparemment ne se rendait pas compte de la situation.
                    - Justement, cela veut dire que Wellington a tellement pressé ses officiers qu'ils ont renoncé à leur train d'artillerie, du coup nous aurons d'avantage de pièces que les anglais pendant la bataille.

                    D'un coup, ma colère retomba, il avait sûrement raison. Il se rendit compte de mon changement d'état d'esprit et me salua avant de repartir vers ses canons à lui.

                    Je rentrais dans ma tente un peu plus calme, et je revis mes ordres. Plus question de culbuter Wellington par le nombre, maintenant qu'il était pour lui. Il faudrait jouer plus finement.
                    Enfin, je pris ma décision. L'armée était ainsi composée :

                    Le marquis de Rochefort, mon cousin avec le titre de général, avait sous ses ordres ses 1000 lanciers habituels.
                    Le chevalier de Pontmercy, un petit noble mais un cavalier implacable, général lui aussi, dirigeait les 2500 cuirassiers, le coeur de notre cavalerie. C'était un général aussi expérimenté que moi avec qui j'avais fait de nombreuses batailles, et seule la différence de titre avait fait que j'étais général en chef et non lui.
                    Le capitaine Ordinot, un roturier, dirigeait les 600 hussards, tandis que son frère du même nom dirigeait les 400 chasseurs à cheval. Ces deux frères étaient des têtes brûlées prêtes à charger dans n'importe quel enfer, mais leurs hommes les adoraient et étaient prêt à les suivre.
                    Enfin le général Furbidoni, un noble italien d'opérette dont le titre de général était plus diplomatique que mérité, dirigeait 500 dragons piémontais. Je les avais gardé en réserve pour l'instant, faute de connaître leur utilité et leur courage.

                    Les canons étaient divisés en deux batteries de quarante canons chacune sous un commandement différent. Le capitaine Buonaparte dirigeait 40 pièces et le marquis de D'Oyonnax tout autant.
                    Ce dernier avait été furieux de voir un capitaine de petit sang avoir autant d'hommes sous ses ordres que lui. Il avait fallu lui expliquer que j'allais séparer les batteries et qu'il fallait donc en séparer le commandement pour qu'il accepte enfin de remplir son rôle sans râler.

                    Le marquis d'Angoulême, dirigeait la ligne de bataille : 5000 fusiliers et 1000 grenadiers. Ce général était charismatique mais il manquait un peu d'intelligence, aussi il était idéal à un poste où le courage compte plus que l'initiative.
                    Le Comte de Compiègne lui, avait sous ses ordres 1000 fusiliers et 2000 grenadiers. C'était un vétéran de Prusse, et ses grenadiers étaient crains des anglais.
                    Le chevalier Augustin, encore un général, dirigeait 2000 fusiliers et 1500 grenadiers. Cet homme se vantait d'avoir reçu plus de vingt blessures au combat, et c'était vrai.
                    Don Villalobos dirigeais le corps allié espagnol composé de 5000 fusiliers de Madrid. Les exactions commises par l'armée anglaise dans la péninsule ibérique m'assuraient de la combativité de ces étrangers.
                    La réserve de 4000 fusiliers, fraîchement recrutée, n'avait pratiquement jamais vu le feu, et il leur fallait un général calme et efficace. Le général Martin, dit le boiteux depuis qu'un biscaïen s'était logé dans son genou gauche était cet homme là. Il était franchement grincheux, mais il savait comment rallier des hommes au coeur de la tourmente.
                    Le chevalier Enjolras dirigeait l'infanterie légère composée de 1500 hommes.

                    Enfin, je dirigeais personnellement la Garde. Ces hommes avaient maintenant le titre de gardes du roi mais je les avais commandés depuis plus de 10 ans. Si ces 2000 hommes devaient mourir, et bien, je tomberais parmi eux.

                    L'armée se mit en marche à une heure de l'après-midi. Le sol permettait enfin le déplacement des canons et les deux batteries vinrent se déployer chacune d'un côté du champ de bataille. Celle de gauche, dirigée par le corse, vint se positionner en face du village. A couvert derrière un repli du terrain. A droite, le marquis d'Oyonnax plaça ses canons sur une bute en face de la ferme fortifiée.

                    L'armée anglaise déploya son artillerie sur la crête, de même qu'une ligne de fusiliers. Le reste des troupes était caché par le bord du plateau. Ou terré dans les bâtiments.

                    Lorsque le pilonnage commença, le chevalier Enjolras était encore à côté de moi, il regarda sa montre et me dit:
                    - Monsieur, il est une heure et demi.

                    Les canons français bombardèrent les positions retranchées anglaises. Salve après salve les boulets frappaient les murs des maisons. Les pièces anglaises, impassibles, attendaient dans une inactivité presque irréelle. Le village et la ferme, ces points fortifiés situés sur la pente, étaient ainsi séparés du reste de l'armée anglaise. Ils devaient faire dans l'esprit de Wellington office de redoutes empêchant les assauts français. C'est pourquoi l'anéantissement et la prise de ces lieux étaient la base de l'assaut d'aujourd'hui.

                    Au bout d'une demi-heure de pilonnage, l'efficacité des tirs était évidente. Du côté droit, la ferme avait souffert, un de ses murs d'enceinte n'était plus que ruine et l'un des bâtiments avait été éventré par les boulets de plomb. De l'autre côté, les maisons écossaises du village étaient intactes. Leurs murs bas et épais étaient des cibles difficiles pour les canons et les tirs passaient soit au dessus, soit ils touchaient terre avant de rouler jusqu'à leur cible sans causer de dégâts.

                    Le capitaine Corse arrêta alors de viser cette cible indestructible pour viser la crête et toucher la ligne anglaise. Le pilonnage continua alors de plus belle, et cette belle ligne d'uniformes rouge vif commença à s'éclaircir. Pendant se temps la ferme n'était plus qu'un amas de pierre, un seul bâtiment tenait encore debout. Les murs n'étaient plus que des murets de pierre ou de brique, les toits n'étaient plus que des trous. J'envoyais une estafette ordonner au marquis de viser aussi la crête.

                    Tous les canons ouvrirent le feu sur cette ligne anglaise de plus en plus clairsemée. Et Wellington ordonna ce que j'attendais: la ligne vint se mettre à l'abri des boulets avec le reste de l'armée, laissant les canons là.
                    Alors j'envoyais l'ordre d'enlever les deux redoutes anglaises.
                    Le comte de Compiègne partit à l'assaut de la ferme avec ses 3000 hommes, tandis que le chevalier Augustin s'avança vers le village avec ses 1500 grenadiers soutenus par ses 2000 fusiliers.

                    Ils étaient à mit chemin quand les artilleurs anglais revinrent au pas de course vers leurs canons. Et ils subirent deux volées avant d'arriver au contact. Les boulets anglais fauchèrent tout sur leur passage, heureusement les généraux étaient prudents et ils avaient fait avancer leurs hommes en colonnes échelonnées, évitant ainsi de commencer trop tôt l'hécatombe à venir.

                    Lorsque la colonne à l'assaut de la ferme arriva près des murs. Un bloc d'uniformes rouges s'éleva des ruines, abattant à bout portant les valeureux grenadiers français. Ceux-ci n'eurent pas le temps de tirer qu'ils furent déjà au corps à corps. Les anglais défendaient la position avec acharnement et la première vague française dut reculer.

                    A gauche, le village jusque là paisible se transforma en charnier en quelques minutes. Les fusiliers anglais avaient barricadé chaque rue et avaient posté des pièces de 3 à chaque carrefour. Les français subirent les volées meurtrières de la mitraille à bout portant. Mais le chevalier Augustin exhorta ses hommes. Pris de court par cette nouvelle vigueur des français, les anglais durent reculer.

                    Le troisième assaut français réussit à passer les murs en ruine de la ferme pour s'enfoncer dans une boucherie sans nom. Les anglais retranchés là étaient partout. Tirant depuis les toits éventrés, depuis les fenêtres brisées, depuis les caves maintenant au grand air. Un boulet avait abattu l'escalier montant à l'étage du bâtiment principal et les meilleurs tireurs anglais, armés de carabines y étaient inaccessibles. Ils abattaient les français situés dans la cour sans qu'ils puissent répondre.

                    La situation était critique. A gauche on progressait mais on subissait de lourde perte, A droite les ruines étaient un véritable chaos dans lequel la mort frappait tous ceux qui s'y engageaient.
                    Je donnais l'ordre à Enjolras de soutenir Augustin avec son infanterie légère quand la cavalerie anglaise apparu en haut de la pente. Je n'eus pas d'ordre à donner, les frères Ordinot lancèrent immédiatement leurs cavaliers à la rencontre de l'ennemi.

                    Les anglais, plus près, eurent le temps de charger les assaillants de la ferme. Les français déjà malmenés, reculèrent hors des murs et les défenseurs se réorganisèrent. La cavalerie légère française engagea les cavaliers ennemis qu'on pouvait maintenant reconnaître, c'était les chevaux gris écossais. Le combat commencé dans la ferme continua en dehors, les cavaliers tournoyaient autour des ruines tandis que les fantassins tentaient de retrouver un semblant de formation. Le comte était visible au milieu d'un carré, ralliant ses hommes, il portait lui même le drapeau de ses grenadiers d'une main, et son sabre dans l'autre.

                    Sur la gauche, les 1500 chasseurs arrivèrent en renfort devant le village. Les français avaient de nouveau reculé et ils avaient été délogés des barricades prises un peu plus tôt. Des troupes anglaises étaient sorties et avaient formé la ligne sur le flanc de mes soldats, les obligeant ainsi à se battre sur deux fronts. Il ne fallait pas laisser aux anglais la liberté d'agir, j'appelais mon cousin:
                    - Mon ami, il faut donner de l'air à nos hommes!

                    Il ne lui en fallut pas un mot de plus, il dégaina son sabre et un millier de chevaux s'élancèrent vers le village. Tel un éclair à travers le ciel, les lanciers passèrent sur le champ de bataille en un instant.
                    Les anglais, pris de flancs, n'eurent pas le temps de former un carré, les troupes qui avaient osé faire une sortie furent mises en déroute en quelque instants, les cavaliers emportés par leur élan rentrèrent dans le village et forcèrent les barricades qui se dressaient sur leur chemin, écrasant les ennemis du poids de leurs chevaux, et transperçant les plus audacieux de leur lances. Cette charge inspira nos fantassins qui reprirent les positions perdues. Les anglais abandonnèrent les rues et se réfugièrent dans les maisons. Comme dans la ferme, le combat de formation fit place à la boucherie.

                    De l'autre côté les écossais étaient en déroute, les cadavres s'étalaient sur des centaines de mètres, les français les avaient poursuivit presque jusqu'aux canons anglais, un hussard recouvert de sang traversa le champ de bataille pour m'apporter leur drapeau. Mais la ferme tenait toujours. Les fantassins français étaient hors de portée des fusils anglais, prêt à relancer l'assaut.

                    A gauche le village se mit à brûler, les voltigeurs, plutôt que de débusquer les fusiliers ennemis, avaient mis le feu aux toits de chaume pour les obliger à sortir. Les lanciers revinrent vers l'armée française en bon ordre, deux d'entre eux m'apportèrent des drapeaux ennemis, tandis que nos fantassins étaient maîtres du village.

                    L'un des deux points d'ancrage de la défense de Wellington était tombé. L'autre était quasiment annihilé. Le moral des anglais devait être au plus bas. L'assaut de l'infanterie devenait une option.

                    Je la pris.
                    Dernière modification par Zaariel, 01-03-2011, 18h52.

                    Commentaire


                    • #11
                      Une estafette courut jusqu'au Marquis d'Angoulême, et une autre jusqu'à nos alliés espagnols.

                      Onze milles fantassins s'avancèrent en colonnes espacées vers la pente et commencèrent l'ascension du plateau. Malgré la couverture de nos canons, les artilleurs anglais se mirent à ouvrir le feu sur nos troupes.
                      L'infanterie française avançait droit sur la crête au centre, au pas de marche, calmement, reformant les rangs après chaque salve des canons anglais. Ils dépassèrent la ferme sans subir un coup de fusil. Les espagnols, eux, se placèrent à gauche du village, pour attaquer de flanc cette armée ennemie restée trop longtemps à couvert. Ces deux marrées de fantassins, telles les ailes d'un aigle, avançaient décalée sur la gauche, prêtes à se refermer sur leur proie. Le village était au centre de ces lignes immenses et la cavalerie légère couvrait le flanc droit.
                      Bientôt la crête fût recouverte de rouge, les fusiliers anglais, se postèrent au niveau des canons. Sur la gauche le village en feu empêchait de voir les uniformes rouges s'aligner mais il était possible, de temps à autres, d'apercevoir un Union Jack entre deux volutes de fumée noire.
                      Les canons anglais se turent tandis que les nôtres continuaient de bombarder leurs positions, nos hommes avaient à présent dépassé le village et les anglais devaient avoir chargé leurs pièces avec de la mitraille en vue de l'assaut.

                      Les trois premières lignes de fusiliers français se séparèrent du reste des colonnes au pas de course et formèrent la ligne pour affronter les anglais. La première salve ennemie décima nos rangs, mais les français répondirent bravement aux mousquets anglais.
                      Sur la gauche, les espagnols avaient disparu derrière la fumée et devaient avoir engagé les anglais.
                      Au centre, la colonne arrivait au niveau de la première ligne, les canons ouvrirent le feu et un nuage recouvrit les premières lignes françaises, tuant tous les malheureux qui se trouvaient pris par la pluie de plomb.
                      La colonne vacilla un moment, incertaine, puis elle se reforma, les soldats tombés furent remplacés par ceux de derrière et la colonne s'approcha encore un peu plus de la ligne. Cette fois les anglais firent feu à moins de 20 mètres. La mitraille frappa de nouveau, et les troupes reculèrent.
                      Alors les grenadiers restés en retrait sortirent leurs baïonnettes et, tandis que les canons faisaient silence, on put entendre les tambours battre la charge.
                      Les grenadiers arrivèrent au corps à corps pour arracher la crête à l'ennemi, si le centre venait à être bousculé, la ligne de bataille de Wellington serait compromise.

                      Le corps à corps est quelque chose de monstrueux, où les tirs à bout portant répondent aux baïonnettes d'acier tendues, les officiers hurlent des ordres dans le chaos en sabrant à tout va, les étendards changent de mains à chaque nouvelle salve, les lignes de bataille se rompent, les hommes ne peuvent plus s'appuyer sur leurs camarades, ils sont chacun seul à lutter pour leur survie, mélangés avec les hommes d'en face, ces ennemis qu'il faut abattre pour ne pas être tué. C'est dans ces luttes terribles et énormes que l'horreur de la bataille se dévoile aux hommes. Et c'est dans de telles situations qu'il faut des hommes immenses, les grenadiers, ceux qui ont déjà prouvé qu'ils peuvent vaincre dans la tempête.
                      Le combat continuait, à certains endroit les tirs continuaient, salve après salve les lignes se massacraient. La situation s'éternisait dans le sang tandis que les minutes passaient. Les frères Ordinot tentaient des charges risquées dans le flanc ennemi pour soulager nos troupes, mais Wellington était bien en place, à chaque assaut les chasseurs à cheval étaient repoussés par des carrés anglais, le premier rang genou à terre, baïonnettes dressées vers les chevaux, tandis que le second ouvrait le feu. A gauche les troupes espagnoles, invisibles, continuaient de se battre, seul le flanc droit restait libre mais les ruines étaient toujours occupées par les anglais.

                      J'appelais un de mes messagers, en tendant le bras vers la ferme:
                      - Mathieu, il faut que le comte reprenne l'assaut.
                      Le messager fit un signe de tête, sauta sur son cheval et partit au grand galop vers les troupes en attente devant la ferme. Pour déloger Wellington, lancer l'assaut sur un troisième front ne serait pas de trop. Je scrutais activement le champ de bataille, à la recherche de la faille à exploiter. Mais elle n'apparaissait pas, je m'inquiétais au passage de l'absence de contre-attaque. Wellington résistait sans prendre de risque, sans faire de manoeuvre audacieuse, sans réellement contre-attaquer. J'attendais nerveusement le moment où l'anglais allait frapper.

                      Le nouvel assaut de la ferme fût sans appel, les anglais étaient isolés et trop diminués. Ils s'enfuirent de leur position retranchée dès les premiers coups de feu. C'était toujours ça de gagné. Les hussards, toujours en mouvement dans les environs rattrapèrent les fuyards et les taillèrent en pièces.

                      Au même moment deux courriers arrivèrent à moi, mes généraux au front demandaient des troupes.
                      Le marquis d'Angoulême était sur le point de céder, il demandait des renforts, tandis qu'à gauche le général espagnol avait besoin d'un appui supplémentaire pour faire céder le flanc ennemi.
                      Il était temps de gagner cette bataille, j'ordonnais aux troupes situées dans le village de soutenir les espagnols, tandis que nos nouvelles recrues partaient au centre. Les troupes sur le flanc droit devaient quitter les ruines pour faire jonction avec le centre de l'armée. Il ne me restait en réserve que ma cavalerie et la garde. Une paire d'as qu'il convenait d'utiliser le mieux possible.

                      Le flanc gauche fût rapidement soutenu, et il continuait d'avancer, on voyait enfin les premiers drapeaux espagnols. Mais au centre la situation empira rapidement, les bleus étaient proches du front quand nos fusiliers subirent une nouvelle poussée des britanniques qui les forçaient à battre en retraite, le drapeau de la garde noire, l'élite des troupes écossaises, avançait au centre de la mêlée, inexorablement il faisait reculer nos hommes. Pour appuyer ce mouvement et transformer le retrait de notre centre en débâcle un mur de cavaliers apparu sur le flanc droit mal assuré. Les hussards et les chasseurs à cheval furent chargés de flanc mais ils résistaient bravement contre le nombre pour retarder l'inévitable. Les troupes du comte de Compiègne arrivaient trop lentement et elles arriveraient sûrement trop tard. Ses hommes étaient fatigués et la pente particulièrement raide de ce côté rendait la marche difficile.

                      La bataille se jouait là, maintenant. A gauche les espagnols flanquaient les anglais, le centre n'était qu'à un doigt de rompre et reculait, à droite la cavalerie allait céder d'une seconde à l'autre et les renforts étaient en retard. Seul un coup de tonnerre, pouvait renverser la bataille.

                      Mais j'avais un dieu capable de lancer la foudre sous mes ordres. Il s'appelait Pontmercy.

                      Il avait avec lui deux milles cinq cents anges de l'apocalypse, ses cuirassiers. Des immenses guerriers aux cuirasses de fonte sur des destriers énormes, portant dans leur main le sabre droit, tel le glaive du jugement dernier. Sur leur flanc gauche les cinq cents dragons piémontais les secondaient, tandis que les lanciers du marquis de Rochefort s'étaient placés à droite. Au total cela faisait près de quatre milles cavaliers s'étendant sur un front d'un quart de lieue.
                      L'aide de camp leur porta l'ordre, et le chevalier de Pontmercy leva son sabre et prit la tête. Alors les escadrons immenses s'élancèrent.
                      C'était un spectacle merveilleux et si terrible à la fois. Un mot, et à présent une immense colonne de cavaliers s'élançait à travers la plaine. C'était une charge comme celles dont seul les dieux du Moyen-âge peuvent se souvenir. Ils faisaient trembler le sol comme si le ciel lui même était en colère et que la terre allait s'effondrer. Les drapeaux flottaient au vent comme jadis l'oriflamme de Saint-Denis menait les charges de la France, dans ces temps où le roi lui même prenait la tête de ses chevaliers tout revêtus d'acier. Cette colonne vénérable s'élançait comme un bélier à travers la pente, les soldats disparaissaient dans les creux du terrain pour réapparaître en formation compacte de l'autre côté, chargeant au grand trot. Les boulets de canons, les biscaïens, les fusillades, éclataient sur cette troupe imperturbable, les cavaliers étaient graves, nobles, puissants. Le reste des soldats français laissèrent passer ces titans. En face les carrés rouges se formèrent sur deux lignes, les ennemis voyaient se rapprocher le courroux de la France, terrible pour tous ceux qui sont sur son chemin, et alors leurs fusils leur paraissaient bien dérisoires face à une telle puissance.
                      Lorsque cette vague énorme se lançât au grand galop pour la charge finale, tous ces centaures d'acier levèrent leurs sabres haut dans le ciel, et d'une voix terrible ils hurlèrent :
                      "Pour la France, et le Roi!"
                      Les anglais répondirent par le feu de cinquante canons et de dix carrés à bout portant. En vain. Les premiers rangs s'effondrèrent dans le sol meuble pour mieux laisser la place aux suivants. Nos chevaliers n'eurent même pas une hésitation et ils se ruèrent sur les carrés anglais. Oubliant tout le reste, tirant au pistolet à bout portant, le sabre au poing, le cri de guerre dans la gorge ! Tel fût l'assaut! Ces hommes devinrent les archanges de la mort. Les bataillons anglais prirent l'attaque de plein fouet, mais tinrent bon. Ils étaient enveloppés de toute part, les cavaliers tournoyaient frénétiquement autour de ces îlots perdus dans la tempête. Le premier rang éventrait les chevaux tandis que le second tirait à bout portant sur les cavaliers. En face les cuirassiers répondaient par la furie guerrière et la puissance. Les destriers écrasaient les rangs de leurs sabots, ils se cabraient par dessus les baïonnettes, franchissaient les murs de soldats pour s'effondrer, énormes, au milieux des quatre murs. Les canons crachaient leur mitraille à bout portant, creusant des sillons monstrueux dans les cavaliers, et les lanciers perçaient les carrés. Des rangs entiers de soldats disparaissaient à chaque charge, tandis que les chevaux s'amoncelaient sur le sol boueux. Face à un tel cataclysme, les formations ennemies réduisaient à vue d'oeil. Elles avaient commencé carrés sur trois rangs, elles devenaient triangles sur deux. Les officiers tombaient autant que les hommes de troupes, tel régiment n'était plus dirigé que par un caporal, tel autre avait vu tomber ses deux capitaines et son général. Le carré de la garde noire, celui le plus exposé, tomba en quelques minutes. Les highlanders mourraient en entendant le son de la cornemuse. Le musicien jouait sans se soucier du combat, assis à côté du drapeau, son instrument sous le bras, il jouait un air de chez eux, un air triste, pensant à ces verts plateaux d'Ecosse du nord plutôt qu'à l'enfer de la bataille. La balle du pistolet d'un cuirassier vint trouver sa poitrine, et la cornemuse tomba par terre tandis que le carré disparaissait.

                      Les bataillons anglais, fatigués par la lutte contre l'infanterie et décimés par la cavalerie, commencèrent à plier, cinq cavaliers vinrent à tour de rôle m'apporter les drapeaux des régiments tombés. Mais la cavalerie anglaise remporta finalement son combat sur le flanc droit, les hussards et les chasseurs avaient été massacrés dans leur courageux sacrifice. Et à présent le flanc droit était sans protection.
                      Devant, l'infanterie, dans le dos, la cavalerie. Les cuirassiers étaient encerclés et devaient combattre de tous les côtés. Mais ces hommes étaient des héros, et leur bravoure était d'autant plus grande de combattre seuls contre toute l'armée anglaise. Ils chargèrent, et chargèrent encore, il y eut dix, douze assauts. Ces cavaliers devenaient des fantassins dans cette mêlée furieuse, Pontmercy en était à son quatrième cheval tué sous lui. Cette lutte acharnée continua une heure entière. Les espagnols sur le flanc gauche avaient arrêté d'avancer depuis bien longtemps. La garde royale anglaise, qui comptait à présent, plus de morts que de combattants, leur tenait le terrain en se battant à un contre trois. Refusant de reculer.

                      Les anglais étaient maintenant à bout. Wellington n'avait plus de réserve. Il était temps d'engager mes dernières forces dans le combat et d'arracher cette bataille, il était temps que je marche au combat, il était temps de faire donner la garde.

                      Les hauts bonnets de fourrure des gardes, avec la fleur de lys en or apparurent, parfaitement alignés, symétriques, calmes, majestueux, au milieu du chaos de la mêlée. Alors les ennemis furent frappés par la toute puissance de la France. On sentit alors les anglais prendre peur. Le reste de courage qui leur restait s'évapora. Les cavaliers ennemis s'échappaient à la vue de ces fantassins sublimes, et les carrés de tuniques rouges reculèrent. Le centre ennemi qui n'était déjà plus grand-chose, disparut. Enfin, les soldats rompirent les rangs et s'enfuirent. Avec la garde, la victoire avançait, le calme la suivait, aucun coup de feu ne se dirigeait contre elle, invincible. Les anglais se savaient vaincus.

                      Mais certains dans la défaite restent jusqu'au bout. La garde royale anglaise resta seule, sur le flanc gauche. Foudroyée par les espagnols, tiraillée par la cavalerie. Elle formait un unique carré inébranlable. Ils étaient à cours de munitions et pointaient leurs baïonnettes en défi, prêts à mourir en martyrs. J'aurais aimé laisser la vie sauve à ces soldats d'élite. Mais il en fût autrement. Le général espagnol Don Villalobos encercla les survivants avec ses hommes, et les fusilla sans autre forme de jugement. Je savais la haine que les espagnols vouaient aux anglais, mais c'était là de la barbarie. Ces gardes anglais moururent en héros autour de leur drapeau, il conviendrait de rendre hommage à leur courage.

                      Avec la disparition de cette dernière résistance, la bataille fût enfin terminée. Wellington était en fuite, son armée était anéantie. Londres tomberait bientôt.
                      Comme les règles de la guerre le veulent, le camp anglais fût occupé ce soir là par l'armée française. Et j'écrivis mon rapport sur la bataille sur la même table où Wellington avait dîné la veille. Dans une maison du village de Cleland. Nom acceptable pour une bataille...
                      Dernière modification par Zaariel, 02-03-2011, 14h49.

                      Commentaire


                      • #12
                        "Monsieur, il est là."
                        Mes yeux fatigués se décrochèrent du rapport que je tenais sous la faible lumière des bougies pour se lever vers le vétéran bardé de cicatrices qui se tenait dans l'encadrement sombre de la porte :
                        "Bien, faites-le entrer."
                        Le soldat fit un bref salut militaire avant de disparaître dans l'obscurité de la pièce voisine. Je profitais des quelques instants de solitude qui me restaient pour me lever et étirer mes membres engourdis. La journée avait été longue, et à présent le moindre de mes mouvements était lourd et douloureux.
                        Ma dernière tasse de café était vide depuis déjà des heures, et seule la trop longue liste des tâches encore à faire me séparait du sommeil.
                        Enfin il arriva, suivi de près par deux soldats de la Garde. Moi j'étais debout, le bras posé sur le bord de la cheminée dont les braises réchauffaient l'air, je n'arrivais pas à dissimuler mon épuisement. Lui, il était droit et solennel comme la statue du commandeur. Fidèle à sa réputation, le Duc de Fer ne montrait aucune émotion. Il était le vaincu, le prisonnier, son pays allait rendre les armes. Pourtant, dans cette pièce basse et sans confort, il paraissait calme et serein comme si rien n'avait eu lieu aujourd'hui. Pas une expression n'apparaissait sur les traits de cet homme, c'était un visage impassible. Il était impossible de deviner ses sentiments à travers son regard, impossible d'apercevoir une pointe d'amertume ou de désespoir dans ses yeux. Un silence pesant se posa dans la salle. Je n'avais pas grand chose à dire à cet homme là. Il avait été un adversaire valeureux, mais la haine de l'ennemi qui avait tué tant de mes hommes restait bien ancrée.
                        Les lois de la guerre voulaient qu'un général capturé ait le droit de négocier sa liberté. Nous savions tous les deux qu'il serait de toute façon gardé comme captif tant que Londres n'aurait pas capitulé, mais le protocole est le protocole, même à près de deux heures du matin. Wellington prit finalement la parole en premier, il devait être las lui aussi :
                        "- Monsieur le marquis, je suppose que si vos dragons italiens ont fait tant d'efforts pour me capturer, ce n'est pas pour me libérer dès maintenant...
                        - En effet, vous serez gardé en captivité jusqu'à ce que la paix soit signée.
                        - Bien, puisqu'il ne sert à rien de parler plus longtemps, puis-je me retirer ?
                        - Faites donc."

                        Sir Arthur quitta promptement la salle par la même porte qui l'avait vu rentrer, avec ses deux geôliers sur les talons. Le Duc était un homme d'honneur, il y avait peu de chances de le voir filer à l'anglaise pendant la nuit. Mais en voyant sa silhouette disparaître dans l'ombre j'étais amer. La rencontre n'avait duré qu'un instant, et pourtant dans ce seul instant, il m'avait dominé comme on ordonne à un valet. L'arrogance du vaincu qui n'a plus que le mépris comme arme peut-être...

                        Le lendemain matin, Wellington demanda de quoi écrire. L'officier chargé de son confort me donna la lettre qu'il destinait à son roi pour en vérifier le contenu :

                        A mon souverain, George III, Roi de Grande-Bretagne et d'Irlande,

                        Sire, malgré tous les efforts qu'ont fourni nos braves officiers, l'armée que nous avons rassemblé en Ecosse a été vaincue par les français. A l'heure où je vous écris, les soldats qui gardent ma chambre portent des uniformes bleus et la fleur de lys.

                        Le manque de discipline et de courage de nos soldats à causé notre perte, cette armée que je commandais était une détestable armée.
                        Si la Garde Noire et la Garde Royale ont tenu convenablement, aucun régiment de ligne, aucun bataillon de fusilier n'a rempli sa tâche. Même ma présence dans les premiers rangs n'a pas suffit à insuffler assez de bravoure dans le coeur de mes hommes, ils ont fui face au danger alors que l'Angleterre attendait d'eux que chaque homme fasse son devoir.

                        Hélas la couardise de ces traîtres condamne notre pays, l'armée qui m'a vaincu redescendra sur Londres pour faire taire les derniers patriotes qui résistent avec courage contre l'envahisseur. Il est maintenant temps de déposer les armes. Les français, fidèles aux coutumes de leurs ancêtres, appliqueront la loi de Brennus.

                        Il ne nous reste maintenant qu'à prier dieu, qu'il ait pitié de l'Angleterre.
                        Arthur Wellesley, Duc de Wellington.


                        Le mépris du Duc de Fer pour ses hommes était légendaire, mais jamais je ne l'avais vu sur le papier. Cet homme n'avait pas un seul instant un mot pour ses hommes morts courageusement au combat. Maintenant que j'avais les derniers rapports sous les yeux je savais précisément que sa "détestable armée" avait fait plus de six milles morts et deux fois plus de blessés dans mes rangs. Ses fusiliers n'avaient cédé que devant la charge de toute ma cavalerie lourde et seule l'arrivée de la Garde Royale avait pu définitivement rompre leurs rangs. La plupart de mes officiers étaient revenus du front, blessés. Le chevalier de Pontmercy avait reçu trois coups de sabres et deux balles durant la bataille, et il avait succombé à ses blessures au petit matin. Lui qui avait chargé au coeur de la mêlée encore et encore avec ses hommes à chaque fois moins nombreux pour arracher le centre ennemi dans la fureur de l'assaut avait payé la victoire de sa vie. Les espagnols avaient été tenus en échec par la Garde Royale anglaise durant prêt de deux heures alors qu'elle avait combattu à un contre quatre. Des soldats défendant le village, aucun n'avait lâché prise, il avait fallu mettre le feu aux bâtiments pour les déloger. Sans parler de la cavalerie anglaise qui avait littéralement préféré courir au massacre plutôt que de fuir. Non les soldats anglais avaient été d'une bravoure exemplaire. Et Wellington accablait son armée de la défaite subie ! Cet irlandais était décidément trop imbu de sa personne pour admettre sa responsabilité dans la déroute.
                        J'écartais cette lettre sur le côté, elle ne faisait pas honneur aux valeureux soldats tombés. Je répugnais à ce que ce mensonge écrit parvienne aux journaux britanniques. Néanmoins rien, si ce n'est mon amertume, ne m'ordonnait de donner ce papier au feu plutôt qu'au messager prêt à partir...

                        Finalement la lettre finit dans la sacoche du coursier, elle précéda mon armée d'une semaine sur la route de Londres, et elle arriva sans doute avec bien plus d'avance.
                        Mon armée était fatiguée et les blessés ralentissaient grandement notre allure, mais il n'était pas question de laisser un hôpital militaire en plein pays ennemi, les écossais auraient bien été capables de prendre d'assaut les chirurgiens et les infirmes pour se venger. Toutefois, si les troupes étaient physiquement très diminuées, le moral s'améliorait au fur et à mesure que l'on approchait de Londres. Les soldats savaient que la fin de la campagne approchait, et donc le retour victorieux au pays.

                        Après bien des jours de marche, l'armée arriva enfin à la fin de son voyage et de la campagne pour mettre un terme à une guerre qui durait depuis près de dix ans. Enfin, Londres était en vue, et c'est sous un temps gris et menaçant que mes troupes rentrèrent dans le camp français aux abords de la capitale ennemie. Les troupes du Duc d'Orléans étaient épuisées et minées par la fatigue. L'arrivée de mes hommes fût reçue comme un signe du ciel. Cela faisait des semaines que Londres résistait en attendant des renforts, les anglais n'avaient pas cru à la lettre de Wellington.
                        Les faubourgs de la ville étaient en ruine, les habitants secondaient les troupes régulières pour défendre chaque pouce de terrain. Les anglais avaient utilisé les décombres des bâtiments éventrés par l'artillerie pour construire des barricades hérissées de fer à travers les avenues et les ponts. A chaque carrefour un canon défendait la position, à chaque renfoncement de porte un homme veillait le sabre au poing, à chaque fenêtre un fusil ou un pistolet attendait, chargé. Les assauts des fusiliers avaient été reçus par la mitraille, des salves à bout portant, et une horde d'ouvriers enragés. Londres semblait regorger à l'infini de conscrits et de munitions. En face d'une telle résistance le Duc d'Orléans avait pour une fois épargné la vie de ses hommes. Sachant la défaite de Wellington acquise, il avait fait cesser l'offensive et ses troupes se contentaient de tenir les quartiers déjà pris en attendant les renforts qui approchaient.

                        Avec l'arrivée de troupes fraîches côté français et surtout la confirmation que l'armée du nord était anéantie, le gouvernement anglais envoya enfin une délégation de parlementaire auprès du Maréchal pour négocier la reddition. Les discussions concernaient surtout la manière dont la France exercerait son ingérence en Angleterre et de la somme d'or exigée aux vaincus pour rembourser les dettes dues aux années de guerre.
                        Au final mon rôle était très secondaire dans ces heures de réunion et je m'absentais pour déambuler dans le camp qui portait encore les marques des combats passés. Les jeunes recrues qui me saluaient au départ de Brest avec un sourire innocent me répondaient maintenant avec des expressions graves sur des visages bardés de cicatrices, et nombre des vétérans qui avaient embarqué avec moi ne reverraient jamais la France. Cet air de campagne inachevée m'était insupportable, je portais l'uniforme alors que je n'avais plus à combattre. J'étais finalement comme un animal sauvage d'Afrique enfermé dans une cage aux barreaux d'acier. Même la chasse m'était interdite dans ce pays où il fallait se méfier plus des hommes que des loups.

                        Durant plusieurs jours je restais à tourner en rond, jusqu'à un matin où le Duc d'Orléans me fit appeler. Comme la dernière fois où il m'avait fait demander personnellement, nous ne fûmes que deux autour de la table. Il avait l'air grave lorsque je rentrai dans la salle, et la lettre qu'il tenait à moitié froissée dans sa main semblait être la cause de son humeur sombre. Il but le verre de vin posé à côté de lui d'un trait avant de m'adresser la parole d'un ton un peu sec :
                        "Il y a deux nouvelles pour vous marquis, une bonne et une mauvaise. L'une concerne la France et l'autre vous concerne personnellement."
                        Il fit une pause oratoire pour capter toute mon attention.
                        "D'abord la mauvaise : le Tzar de Russie et l'Archiduc d'Autriche ne sont pas satisfaits de voir la France s'imposer en Europe, ils ont rompus l'alliance avec nous et leurs troupes se rassemblement en ce moment même en Prusse orientale, et en Autriche."
                        De nouveau une pause oratoire. Maintenant que l'Angleterre était tombée, la France devenait le pays le plus puissant du monde. Et les pays d'Europe de l'Est rompaient la coalition pour se retourner contre nous après des années de fraternité. L'Archiduc n'avait même pas honte de combattre Louis XVI alors qu'il était marié à une de ses propres filles.
                        "Et pour vous la bonne : le Roi vous nomme maréchal de France pour récompenser vos brillants exploits et vous met à la tête de l'armée d'Italie pour la guerre à venir."
                        Pour accompagner son annonce le Duc se leva, il sortit un coffret qu'il avait maintenu caché sous une liasse de document et me le remit solennellement. Je savais pertinemment ce qu'il y avait dedans, pourtant lorsque je l'ouvris, ma main se mit à trembler.
                        Le bâton de maréchal, couvert de velours bleu et parsemé d’étoile, symbole de mon nouveau titre, était à présent dans ma main. Je fis tourner un moment ce symbole de puissance pour mieux observer l'inscription marquée dessus :
                        "Terror belli, decus pacis"
                        Lorsque je le quittais quelques instants plus tard. Le Duc d'Orléans me sera la main d'une façon qui me paru bien étrange. J'étais maintenant l'égal de cet homme... Du moins sur le champ de bataille...

                        Deux jours plus tard j'étais sur le gaillard arrière du vaisseau qui me ramenait en France, le vent soufflait plein sud et nous serions rapidement à destination. Je regardais disparaître petit à petit les côtes anglaises encore visibles sous le soleil. La campagne d'Angleterre s'achevait à présent pour moi. La guerre me rappelait une fois de plus sur le continent.
                        Dernière modification par Zaariel, 03-03-2011, 11h30.

                        Commentaire


                        • #13
                          Génial ! Excellent récit ! Je veux le récit de l'armée d'Italie moi !

                          Commentaire


                          • #14
                            Tu n'aurais pas le récit sans les points d'interrogation ?

                            Commentaire


                            • #15
                              non en fait depuis le changement de forum c'est comme ça, faut changer en manuel mais c'est loooooong

                              Commentaire

                              Chargement...
                              X