X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • La survivance de l'Empire romain et de la culture latine après 476

    Alors je souhaite ouvrir ce sujet pour débattre de ces éléments qui en tant que passionné du haut-moyen âge m'intéressent fortement. N'ayant pas le bagage historique nécessaire pour faire une introduction digne de ce nom, je voudrais juste délimiter le sujet.

    * L'idéal serait de se concentrer sur l'Empire romain "d'occident", et sur l'Europe occidentale. l'Empire romain "d'Orient" est bien entendu fondamental dans la relation que l'Empereur a continué à entretenir avec les différents peuples, et c'est uniquement sous cet angle qu'il faudrait l'entendre dans la discussion.
    * La question d'à partir de quel moment l'Eglise prend réellement le dessus sur l'héritage romain peut également être intéressante
    * La persistance du droit romain et des peuples romanisés, et notamment du principe de pluralité juridique que l'on trouvait dans la plupart des royaumes francs/germains
    * L'utilisation du modèle de l'Empire romain afin de donner une légitimité à certains dirigeants/rois, notamment on peut se poser la question de savoir si l'Empire de Charlemagne est-il une résurrection de l'Empire romain ou une simple inspiration

    Si ces questions peuvent paraître sans intérêt pour des personnes spécialisées je m'en excuse, dans le cadre d'un cours d'histoire du droit ces thèmes ont été abordés indirectement et je n'ai pas encore eu le temps d'approfondir. D'ailleurs si vous avez des références bibliographiques je suis preneur .

  • #2
    Heum, la question est très difficile. L'Eglise= héritage romain de toute manière. La religion catholique à partir des Pères de l'Eglise s'est vachement romanisé, empruntant des éléments au stoïcisme et à la RRT ( religion romaine traditionnelle), au Moyen-Age, la religion catholique est un vecteur de romanisation incroyable.
    L'Empire de Charlemagne, par contre, se place COMPLETEMENT dans la résurrection de l'Empire romain, sur ses monnaies, il frappe renovatio imperii, et il bataille pour que l'empereur byzantin le reconnaisse comme empereur d'occident. L'Empire romain, c'est presque 3 siècles de paix pour la plupart de ces territoires. Quelque chose de jamais vu dans toute l'histoire de l'humanité. La Pax Romana n'est pas que de la propagande, c'est aussi une réalité qui s'est transformé en mythe à atteindre pour beaucoup des dirigeants européens.
    Dernière modification par Faras, 17-11-2012, 22h29.

    Commentaire


    • #3
      Je vais farfouiller dans mes biblio d'agreg (le sujet de médiévale: sociétés Ve-IXe siècle, em...comme tout d'ailleurs), je devrais trouver des trucs.
      Je me souviens des rois wisigoths organisant des cérémonies dans les amphithéâtres et arènes antiques par exemple. Ca, et la promenade à dos de chameau pour les usurpateurs avant leur exécution...On savait rire en Ibérie à l'époque.

      Commentaire


      • #4
        Je pense que l'Eglise Romaine prend réellement le dessus, lorsque l'Eglise à acceptait les peuples barbares et que ces mêmes peuples ont commençaient à apprendre le Latin juste pour assister aux messes, enfin je pense...
        Dernière modification par Aikiko, 18-11-2012, 10h28.

        Commentaire


        • #5
          J'ai lu à ce sujet le magnifique livre d'Henri Pirenne à ce sujet. Je vous le conseille j'exposerai un ou deux de ces points si ça intéresse.

          Commentaire


          • #6
            L'Empire de Charlemagne, par contre, se place COMPLETEMENT dans la résurrection de l'Empire romain, sur ses monnaies, il frappe renovatio imperii, et il bataille pour que l'empereur byzantin le reconnaisse comme empereur d'occident. L'Empire romain, c'est presque 3 siècles de paix pour la plupart de ces territoires. Quelque chose de jamais vu dans toute l'histoire de l'humanité. La Pax Romana n'est pas que de la propagande, c'est aussi une réalité qui s'est transformé en mythe à atteindre pour beaucoup des dirigeants européens.
            Justement la question c'est de savoir si on peut dire qu'il y a continuité effective, que son Empire a bien été reconnu comme Empire romain légitime héritier de la Rome antique ou non.

            Commentaire


            • #7
              Justement la question c'est de savoir si on peut dire qu'il y a continuité effective, que son Empire a bien été reconnu comme Empire romain légitime héritier de la Rome antique ou non.
              Par l'Empire romain d'Orient ? Oui, à contrecoeur, mais oui, ca a été reconnu. De toute manière, blackadder me contredira si je dis une bêtise, mais l'empire carolingien est considéré comme le dernier avatar de "l'antiquité tardive".

              Commentaire


              • #8
                Oui et non, c'est un sujet de débats entre historiens.
                Par contre, ce qui est sûr c'est que la dynastie carolingienne, toute germanique qu'elle soit, s'inscrit clairement dans une logique de restauration de l'Empire romain.

                Commentaire


                • #9
                  Quel est ton point de vue justement Blackadder ?

                  Commentaire


                  • #10
                    La tendance actuelle de l'historiographie est à remettre en cause l'ampleur de la restauration carolingienne. Après il s'agit d'un effet de mode aussi: "de tout temps on dit ça bla bla mais aujourd’hui on remet ça en question parce que nos prédécesseurs étaient des nazes".

                    Mon avis? la cour de Charlemagne habite Aachen, pardon Aix-la-chapelle, un sacré trou à l'époque, les trois quart ne parlent pas latin mais un dialecte germanique, et les structures sociales n'ont plus grand chose à voir avec celles de l'Empire romain. Sans compter que, si mes souvenirs sont bons (je parle sous le contrôle de faras), l'Empire romain repose sur un réseau de cités, ce qui est loin d'être le cas de l'Empire carolingien, y compris en Italie. Mes cours d'agreg insistaient beaucoup sur les liens personnels, reposant sur la propriété foncière, qui étaient la base de la société carolingienne. Après je connais encore plus mal l'Antiquité tardive que la classique, donc ces évolutions étaient peut-être déjà en germe dans le bas-Empire.

                    Pour moi on est déjà donc dans quelque chose d'autre que l'Antiquité. Mais, et d'ailleurs je trouve ça touchant dans certains textes, une volonté farouche de se rattacher à l'Empire romain, de faire comme si on pouvait revenir au règne de Constantin. Pour un petit milieu de lettrés, essentiellement ecclésiastiques, Rome est toujours aussi vivante.

                    Après c'est quelque chose qui irrigue tout le Moyen-Age. Kantorowicz, dans sa biographie de Frédéric II Hohenstaufen, rapporte qu'après sa victoire à Cortenuova en 1237, l'Empereur a fait déposer les trophées de sa victoire sur le Capitole à Rome, les dédiant aux "citoyens romains".
                    Dernière modification par Blackadder, 18-11-2012, 12h51.

                    Commentaire


                    • #11
                      Mon avis? la cour de Charlemagne habite Aachen, pardon Aix-la-chapelle, un sacré trou à l'époque, les trois quart ne parlent pas latin mais un dialecte germanique, et les structures sociales n'ont plus grand chose à voir avec celles de l'Empire romain. Sans compter que, si mes souvenirs sont bons (je parle sous le contrôle de faras), l'Empire romain repose sur un réseau de cités, ce qui est loin d'être le cas de l'Empire carolingien, y compris en Italie. Mes cours d'agreg insistaient beaucoup sur les liens personnels, reposant sur la propriété foncière, qui étaient la base de la société carolingienne.
                      Ah non, non tout à fait vrai sur ce point, l'Antiquité grecque et romaine, c'est un monde très "urbain"(en tout cas dans la vision que les grecs et les romains veulent nous présenter). En Anatolie romaine et byzantine (par continuité), par exemple, y'a presque pas de rural, mais un réseau très dense de petites villes. L'idéal antique est un idéal urbain et civique. De toute manière je parle d'antiquité tardive, mais je n'aime pas ce terme. L'Antiquité, pour moi, c'est l'idéal civique, l'idéal de la Cité. Cet idéal meurt avec Julien l'Apostat. Après, c'est la "Crasse et les Ténèbres" : troll : .
                      Mais Rome irrigue que pas le Moyen-Age, l'époque moderne, l'époque révolutionnaire surtout (certains historiens qualifient maintenant la révolution française de " réaction antiquisante"-> j'aime à rappeler qu'en 1792 l'Assemblée hésita à renommer France en "Gaule" (sous entendu romaine)), le long du 19ème siècle (En Allemagne, regarde ô combien d'excellents historiens de l'antiquité sont teutons ; mais je pense aussi à Clémenceau qui s'inspirait de Démosthène, même si c'est grec c'est antique ; Claude Nicolet définit l'idéal républicain comme "croire que la libertas des Anciens est possible de nos jours") ect. Ce n'est qu'en fait que très récemment que l'idéal antique s'est "éteint" au profit de l'idéal star academy
                      Dernière modification par Faras, 18-11-2012, 13h46.

                      Commentaire


                      • #12
                        Rome reste une référence absolue dans les mentalités médiévales assez tardivement, et demeure importante par la suite. Dans le cas des Balkans, c'est particulièrement marquant, Byzance réussissant à rester un modèle très influent. S'agissant de l'Occident, c'est moins fort, mais reste que pour les élites, Rome demeure quelque chose de fascinant exerçant une influence idéologique palpable. Pour le pécore du coin, sans doute moins, passé un peu de temps où le souvenir de la pax romana (déjà bien amoché à la fin de l'empire, quand même ...) a pu subsister dans certaines régions ... L'Eglise, comme déjà dit, ayant développé des liens très forts avec le régime impérial sur la fin, elle ne manque pas de s'en emparer. Le Saint Siège est à Rome, quand même, ça aide ... Le cas le plus connu est bien sûr la fausse donation de Constantin, supposé faire de la Papauté l'héritière de l'Empire, rien que ça ...
                        Plus chronologiquement et s'agissant de pouvoirs purement terrestres, les exemples ne manquent pas tout au long du haut MA. Les concurrents de Clovis écrasés à Soissons se revendiquent clairement comme étant une armée impériale (désolé, me souviens plus du nom du bougrillon, je peux le rechercher) ... Chacun des rois "barbares" cherche à récupérer quelques bribes officielles, souvent généreusement accordées par Byzance, qui vit dans sa fiction d'empire et préserve les apparences tout en faisant acte de la chute de sa consoeur. Toujours concernant Clovis, Grégoire de Tours signale sa grande satisfaction lorsqu'il apprend que Byzance lui accorde le titre de patrice, qui lui accorde donc une légitimité assez bancale, mais dont il est ravi et qu'il fête en organisant un triomphe ... Les Wisigoths d'Espagne, comme déjà signalé, ne sont pas moins attachés à un peu d'apparat romain, et globalement on retrouve ça chez tout le monde jusqu'au VIIe siècle.
                        Charlemagne constitue une autre étape, bien sûr. Son entourage d'érudits est à la base de cette volonté de se placer dans l'héritage de Rome, et même si Byzance y rechigne, il finit par avoir gain de cause. J'insiste juste sur le rôle joué par les intellectuels de cette Renaissance carolingienne, qui montre bien que Rome reste une référence très parlante pour les lettrés. Par la suite, l'Empire continue à surfer sur cette romanité pendant un moment ; le grand Frédéric II en faisant effectivement foi, mais la "stupor mundi" est à part, faut dire. Fait intéressant : si on regarde les monnaies d'or frappées sous son règne, l'influence romaine est évidente (aigle très romaine, habits à l'antique, posture plutôt impériale etc ; outre le fait que frapper en or est rare depuis longtemps au MA). Ces modèles antiques sont repris ici ou là, d'ailleurs. Et globalement, dès que se présente l'occasion de se rattacher à l'empire, on saute dessus, hein ... Ca reste LA référence, pour les intellectuels, pour les clercs, pour une grosse partie de l'élite. Constantin est longtemps le modèle de souverain idéal, pour l'Eglise ... Et on s'intéresse toujours beaucoup à l'Antiquité (cf le topos artistique des 9 Preux, où l'on retrouve César, vu comme un empereur, alors, ou Charlemagne, dirigeant fortement marqué par Rome) de manière générale, donc à Rome.
                        Au passage, "tsar" est la déformation de "César", et même en Polonais on utilise "Caesarz" à l'occasion, pour saluer un empereur, donc la référence à Rome se retrouve vraiment partout.

                        (ah, et Kantorowicz powaa !)

                        Commentaire


                        • #13
                          Constantin est longtemps le modèle de souverain idéal, pour l'Eglise
                          Alors que c'était le dernier des enfoirés quand même.
                          De toute manière, je crois qu'il y a aussi le Roman d'Alexandre, même si se rapportant plus à l'histoire grecque, montre la volonté de rattacher toussa à la société médiévale.

                          Commentaire


                          • #14
                            Ah oui, Kantorowicz c'est vraiment bien...
                            Bon, même moi, son ultra-nationalisme allemand me dérange parfois...Mais enfin ça n'empêche pas ses analyses d'être brillantes.

                            Commentaire


                            • #15
                              Envoyé par Aikiko Voir le message
                              Je pense que l'Eglise Romaine prend réellement le dessus, lorsque l'Eglise à acceptait les peuples barbares et que ces mêmes peuples ont commençaient à apprendre le Latin juste pour assister aux messes, enfin je pense...
                              Hum, bon je vais essayer de démêler ça avec mes cours de première année.

                              Remontons loin en arrière : déja, la relation barbares/romains est plus complexe que empire//envahisseurs. Déja, il demeure des peuplades germaniques (dans le cas qui nous intéresse) au sein de l'Empire, qui sont considérées comme des "alliés" de Rome, du moins jusqu'à l'édit de Caracalla (212 si je dis pas de bêtise), qui accorde la citoyenneté à tous les hommes libres de l'Empire. Je sais pas comment ça se passe juridiquement après, mais les peuples/tribus qui existaient avant les conquêtes romaines continuaient à avoir une existence légale dans les premiers siècles de l'Empire, ce qui fait qu'on avait des "semi barbares" plus ou moins romanisés à l'intérieur même de l'Empire. Ceux-ci continuaient à avoir des relations avec les peuplades de même culture qui n'appartenaient pas à l'Empire. La culture "barbare" survit donc : certains historiens pensent que le druidisme "gaulois" n'a vraiment disparu (et encore, il demeure les phénomènes dérivés de sorcelleries jusqu'au 17ème siècle) que vers 600, avec la christianisation, alors même que l'Empire avait fait le maximum pour que les croyances gauloises soient intégrées aux cultes des cités gallo-romaines. C'est un sujet un peu vaste pour moi pour l'instant, d'ailleurs c'est globalement le thème de l'agreg en histoire ancienne cette année...
                              De plus, les relations entre Rome et les barbares sont loin d'être uniquement basées sur l'invasion : en simplifiant un peu, si les barbares ont forcé le limes (qui était loin d'être le mur de Berlin : les échanges au moins commerciaux sont abondants de part et d'autre) ce n'est pas pour raser l'Empire, mais pour devenir romains ! Le latin (certes pas celui de Cicéron) était particulièrement répandu au delà des frontières de l'Empire, ne serait-ce que parce que des marchands romains allaient se balader bien au delà de ces frontières.
                              Du coup, le latin n'était pas une langue qu'on apprenait "pour aller à la messe", c'est simplement la langue "internationale" utilisée pour tout type d'échange entre des peuples qui ne sont pas forcément liés à l'Empire romain de l'écosse à la Sicile, et ce jusqu'au 17ème siècle dans les domaines religieux et scientifiques (pas forcément séparés), mais aussi pour tout type de diplomatie, et pour tous les systèmes juridiques écrits.

                              Enfin, l'Eglise n'a pas "accepté" les peuples barbares : c'est l'Eglise (ou plutôt, avant Clovis voire Dagobert, les Eglises, vu le succès de certaines "hérésies") qui est allée les chercher. Ceux-ci ont parfois été un peu réticents : se faire geler dans une piscine une fois ça va, mais poireauter tous les dimanches dans une basilique c'est chiant, et pour les rites funéraires à l'époque l'Eglise n'est pas encore au point, du coup les rites païens subsistent chez des populations évangélisées. D'ailleurs l'Eglise a elle aussi tenté sa chance au delà des frontières de l'Empire romain, et y a parfois eu un succès bien plus grand qu'au sein des provinces romaines : l'Ethiopie et l'Irlande étaient ainsi christianisées bien avant les Gaules, et parmis les peuples qui ont envahi le Limes on trouve des peuples déja évangélisés, comme les Goths me semble-t-il...
                              Dernière modification par Kalmakil, 20-11-2012, 20h49.

                              Commentaire

                              Chargement...
                              X