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  • Les poèmes de Bombur

    Voilà, j'ai envie de vous faire partager mes écrits et d'entendre vos avis alors je les mets ici par ordre chronologique. Normalement, les premiers sont donc les moins bons .



    POUR UN GARS QUE T'AIMES VRAIMENT PAS

    Hé mec, j'aimerais tellement te voir empaillé,
    Dépérir dans une prison aux murs délabrés.
    Des traces de pneu sur ton ventre éclaté,
    Joyeux spectacle sur la route étalé.
    Tes tripes répandues par les chiens avalées,
    Ta langue pendante par un vautour arrachée
    Et tes yeux vitreux et exorbités
    Engloutis par un corbeau affamé.

    Mec, je voudrais te voir saisi par la frayeur,
    Mec, je voudrais te voir tordu par la douleur.

    Juste bon à crever tout au fond des égouts,
    Même les asticots vomissant de dégoût
    En voyant ta face déformée,
    Crasseuse, puante et putréfiée.

    Mec, je voudrais te voir souffrir,
    Mec, je voudrais te voir mourir.

    Enfin, tu te noieras dans ta propre pisse
    Car c'est pour toi ce que prédisent les auspices,
    Et tu croupiras dans ta propre chiasse
    Comme un vieux scato faisant de la brasse.


    LA NUIT

    La Nuit est la noire sœur du Jour,
    Tant son complément que son contraire
    Et qu'il soit doux ou qu'il soit amer,
    C'est sous ce sombre drap de velours
    Que bien souvent s'exprime l'amour.

    Mais s'il est vrai que la Nuit est fort belle,
    C'est aussi la mort au coin des ruelles,
    Lame blanche au clair de lune,
    Luisante d'un éclat blafard,
    Taillant ton flanc comme du lard,
    Surgit d'une sombre brume
    Car du manteau de ténèbres
    Jaillit la douleur funèbre.

    Enfin, la Nuit est également le royaume du mystère
    Où créatures de légendes oubliées se montrent au grand air ;
    Orion et Cancer, Hydre et Sagittaire descendent du firmament
    Pour arpenter une fois encore les sentiers des hommes dormant.
    Qui sait quels trésors cachés recèle la nocturne noirceur ?
    Seul les découvrira qui de la pénombre a vaincu sa peur.


    RÊVE DE LIBERTÉ

    Je voudrais voler libre comme l'air
    Tel un faucon loin au-dessus des terres.
    Je voudrais tellement partir
    Loin de cette prison qui me fait tant souffrir ;
    Coincé entre ces quatre murs dans un espace si restreint,
    Seul, sans aucun contact humain.
    Depuis combien de temps suis-je ici enfermé ?
    Je ne saurais le dire, j'ai perdu le compte des années.
    Que ne donnerais-je pas pour revoir un visage ?
    Mais non, je dois en rester aux mirages
    Suscités par la folie qui me prend quelques fois
    Quand ma raison me lâche tout au fond de moi.
    Au lieu de ça, chaque soir, ou chaque matin,
    Je ne saurais le dire, jamais plus la lumière ne m'atteint,
    La nourriture m'est apportée par une main
    Passant par un trou, je ne sais pas à qui elle appartient.
    Je ne sais plus pourquoi je suis ici,
    Il est passé trop d'années de folie,
    Je ne me rappelles plus de la couleur du ciel,
    Je ne me souviens plus du bruit du vent,
    Je voudrais tant avoir des ailes
    Pour m'envoler par-delà l'océan,
    Seul l'espoir me fait vivre,
    Je rêve de revoir les miens,
    Les souvenirs m'enivrent
    Quand je suis seul, face à mon destin.
    Je voudrais voler libre comme l'air
    Tel un albatros loin au-dessus des mers.


    AUTOMNE

    Soir d'automne baigné par le dernier filet de lumière estivale,
    Les ombres s'allongent au-delà des monts et la pénombre emplit le val.
    Les feuilles chutent au-dehors,
    Pluie de rouges, d'ocres et d'ors.
    Mélancolie de la chaleur qui s'abandonne à l'hiver
    Abandonnant au sol les fastes de l'été et ses verts...
    Les derniers fruits parsèment le sol,
    Balayés par les frais vents d'Éole :
    Marrons et châtaignes dans leurs bogues piquantes
    Et pommes juteuses dans leurs robes brillantes ;
    Une humide et froide pluie arrose la terre,
    Tant boueuse aujourd'hui qu'elle était sèche hier.
    Automne, tu es comparable à un empire en décadence,
    Fastueux encore au moment où s'amorce la déchéance.


    TREIZE PIEDS SOUS TERRE

    En ce mois de mars j'étais parti loin de chez moi
    Rallier en campagne l'immense armée de mon roi.
    Ensembles, nous marchâmes ensuite sur l'ennemi,
    Avides d'en découdre pour revoir nos familles.
    Nous rencontrâmes enfin notre puissant adversaire,
    Sous peu les généraux nous pousseront à la guerre,
    L'espace résonna alors d'un unique cri
    Lequel fut pourtant poussé par de multiples voix ;
    Lorsque soudain en face retentit pareil bruit
    Nous sûmes qu'il était temps et prîmes nos pavois.

    Dans les cultures le massacre allait commencer,
    Nous nous rapprochâmes lentement de la mêlée ;
    Là, les sifflements des flèches étaient ceux des bassons
    Et les cordes des arcs étaient celles des violons.
    En ce triste endroit où la bataille faisait rage,
    J'eus envie de cette partition tourner la page,
    Mais bientôt, chargeant sous les oriflammes écarlates,
    Je me joignis aux sons de cette triste sonate.

    Quand je tombai, frappé par un silencieux tranchant,
    Je vis, si sombre, splendide et terrible en même temps
    Que nul homme la voyant n'eut gardé son cœur vaillant
    Mort implacable s'élevant au-dessus des champs
    Obscurcissant les cieux de son immense noirceur.
    Nul regard pour mes frères dans la plaine gisant,
    Là, au milieu du combat, était venue mon heure,
    Une fois encore Thanatos était gagnant.

    L'Esprit m'emporta alors vers de plus mornes terres,
    Au grand fracas des armes succéda le silence,
    Le sol était crevassé et plus noir était l'air
    Que l'âme du Démon où lumière est en carence.
    Et j'avançai longuement sans rien voir devant moi
    Jusqu'à ce qu'à terme j'entende un sinistre glas :
    Marchant sur les berges d'un long fleuve aux rives sombres,
    Car voici le Styx, où les non-vivants vont sans nombre,
    Venait Charon, passeur à la cloche ténébreuse
    M'invitant à monter dans sa barque silencieuse ;
    Et il s'éloigna bientôt, muette traversée,
    Laissant les âmes en peine qui n'avaient point payé.

    Bénissant la pièce dans mon armure égarée,
    Je vis sous peu les portes des Enfers se dresser,
    Titanesque seuil de métal dans la roche ancré,
    Debout sur ses gonds d'or depuis des milliers d'années,
    Bâti pour résister aux pires monstres créés,
    Durant tout ce temps aucun n'avait pu l'ébranler.
    Mais moi, simple mortel, je le franchis sans écueil,
    En entrant, je n'osai regarder que d'un œil,
    Sans âge, impassibles dans leur séculaire attente,
    Les visages de Minos, Éaque et Rhadamanthe,
    Sur leurs trônes d'ébène les trois grands juges assis
    Qui du haut de leur estrade allaient juger ma vie.


    ODE AUX IGNARES

    Ô incompétence, ô effarantes lacunes,
    Regardez donc les gens s'esclaffer en tribune...
    Car voici la plus fervente de vos servantes :
    Elle dit tant de conneries qu'elle les chante.
    Chez vous on croirait s'enfoncer dans la lagune
    Tant vos idioties forment un bouillon épais,
    Si horribles qu'on voudrait hurler à la lune,
    Si désespérantes qu'on ne peut croire vraies.
    C'est pourtant le cas... Seriez-vous une génisse
    À avancer ainsi dans vos bouses orales ?
    Ajoutons aussi qu'en voyant vos goûts de pisse
    On pourrait penser voir un mauvais carnaval ;
    Et, aussi ineptes que vous êtes inapte,
    Vos dires font plus niais qu'avant de vous croiser.
    On aurait bien engagé quelqu'un pour un rapt
    Si, vous observant, ils n'avaient tous décampé :
    Qui pourrait leur en vouloir de ne point vous prendre ?
    Fardeau ridicule, vous devriez vous pendre.
    Fuyons, compagnons, si nous ne voulons être réduits à l'état de mollusques lymphatiques ;
    Quittons ces lieux de perdition avant de parvenir à ce triste point de déchet toxique !


    DANSETEMPÊTE

    D'une sombre beauté sous la Lune argentée,
    Marchant dans la plaine dessous la Lune pleine,
    Sang quittant de ses veines, Lune pleurant sa peine,
    Alors souffle Borée sous la Lune étoilée.

    Sous la pluie battante, la jeune fille avance
    Mais le dieu tonne et vente, ses habits claquent et dansent ;
    Elle rit, elle chante, ne craint point les offenses,
    Vent du Nord, pluie mordante, la jeune fille avance.

    Grimpant sur haut rocher, saluant éléments,
    Tornade et ouragan, tempête déchaînée.
    À gorge déployée, de sa voix entonnant
    Et hymne glorifiant, et sourde mélopée.

    Tonnerre détonant et éclairs foudroyants
    Contre vents et marées de ses chants a calmé ;
    Bruits s'évanouissant, vacarme descendant
    Lorsque s'endort Borée, sa fureur apaisée.

    Mais la vie s'écoule par son bras écorché,
    Sa conscience coule, bientôt elle est tombée ;
    Là il s'est approché, secours lui sera porté :
    Qui les a tous sauvés sera aussi aidée.


    LE MERCENAIRE

    Je suis chez moi, Soleil levant,
    Je me tiens debout dans les champs,
    Un corps dans mes bras est mourant,
    Autour trois autres trépassant,
    Vin de leurs veines rougissant
    Épis de blé nous entourant.
    Deux sont ma sœur et son amant,
    Et les autres sont mes parents.

    Pour eux j'aurais versé mon sang,
    Mais c'est le leur qui se répand.

    Ce sillon que j'ai creusé de mes mains
    Draine le sang rouge de l'être humain.
    Dans ce sillon abreuvé par ma haine
    S'écoule le sang rouge de la terre.
    Dans ce sillon abreuvé par ma peine
    S'écoule le sang rouge de ma mère.
    Ce sillon que j'ai creusé de mes mains
    Draine le sang rouge de tous les miens.

    J'aimerais tant pouvoir recommencer,
    Faire revenir ceux que j'ai tués ;
    Effacer mes erreurs et le passé,
    Pouvoir refaire les choix que j'ai ratés
    Alors que je ne peux que regretter
    D'avoir servi seigneurs et leurs armées,
    Haïr tout ce temps que j'y ai passé,
    Mais hélas, je ne peux plus l'empêcher.

    Je suis parti, j'avais vingt ans,
    Et richesse et gloire voulant,
    Quittant terre de mes parents
    Et aux armes ma vie vouant.
    J'ai pris des vies, brûlé des gens,
    Tué des femmes et des enfants ;
    Fondé renommée sur le sang,
    Membres tranchant, têtes coupant.

    Je fus engagé par les rois
    Pour abattre leurs ennemis,
    Pour laisser leurs cadavres froids,
    Massacrer leurs fils et leurs filles.
    Raser les cités et les villes,
    Incendier les citadelles ;
    Tuer cent femmes, en violer mille,
    Puis torturer les jouvencelles.

    J'avais de l'or et de l'argent,
    Et des saphirs, et des diamants.
    J'étais connu, j'avais vaincu
    Tout adversaire que j'aie eu.
    Pourtant malgré tous mes talents,
    Malgré mes rutilantes gemmes
    Me restait le plus menaçant :
    Ne m'étais pas vaincu moi-même.

    Ce sillon que j'ai creusé de mes mains
    Draine le sang rouge de l'être humain.
    Dans ce sillon abreuvé par ma haine
    S'écoule le sang rouge de la terre.
    Dans ce sillon abreuvé par ma peine
    S'écoule le sang rouge de ma mère.
    Ce sillon que j'ai creusé de mes mains
    Draine le sang rouge de tous les miens.

    J'aimerais tant pouvoir recommencer,
    Faire revenir ceux que j'ai tués ;
    Effacer mes erreurs et le passé,
    Pouvoir refaire les choix que j'ai ratés
    Alors que je ne peux que regretter
    D'avoir servi seigneurs et leurs armées,
    Haïr tout ce temps que j'y ai passé,
    Mais hélas, je ne peux plus l'empêcher.

    Insatiable était ma faim,
    J'en voulais plus et jamais moins.
    Pouvoir multiplier mes gains
    Par le sang que j'ai sur les mains.
    J'ai parcouru l'Europe entière,
    J'ai navigué sur bien des mers,
    J'ai gravé mon nom sur la terre,
    Et par l'acier et par le fer.

    Je fus mandé par un baron
    Pour mettre fin à un conflit :
    Je devais détruire une famille
    Dont il voulait les plantations ;
    Ils étaient libres, dans leur droit,
    D'autres auraient refusé, pas moi.
    Les faibles sont faits pour mourir
    Et les forts sont faits pour occire.

    Je suis parti tard dans la nuit,
    J'ai pris le chemin de leur ferme.
    J'avançai sous Lune qui luit
    Pour mener ma mission à terme.
    Les assassinant en silence
    Sans qu'ils poussent le moindre cri,
    Dans le noir, d'un seul coup de lance,
    Sans savoir, aux miens j'ôtai vie.

    Ce sillon que j'ai creusé de mes mains
    Draine le sang rouge de l'être humain.
    Dans ce sillon abreuvé par ma haine
    S'écoule le sang rouge de la terre.
    Dans ce sillon abreuvé par ma peine
    S'écoule le sang rouge de ma mère.
    Ce sillon que j'ai creusé de mes mains
    Draine le sang rouge de tous les miens.

    J'aimerais tant pouvoir recommencer,
    Faire revenir ceux que j'ai tués ;
    Effacer mes erreurs et le passé,
    Pouvoir refaire les choix que j'ai ratés
    Alors que je ne peux que regretter
    D'avoir servi seigneurs et leurs armées,
    Haïr tout ce temps que j'y ai passé,
    Mais hélas, je ne peux plus l'empêcher.

    Je suis chez moi, Soleil levant,
    Je me tiens debout dans les champs,
    Un corps dans mes bras est mourant,
    Autour trois autres trépassant,
    Vin de leurs veines rougissant
    Les épis de blé nous entourant.
    Deux sont ma sœur et son amant,
    Et les autres sont mes parents.

    Je pleure ceux que j'ai tués,
    Et me jette sur mon épée.


    AVALMAR

    À l'abri de ses murs bâtis pour résister
    Du granit le plus dur qui puisse se trouver
    Est logée Avalmar, imprenable cité,
    Lumière dans le noir au soir d'un jour d'été.

    Ô puissante Avalmar, quelle joie que de vivre
    Derrière tes remparts desquels parlent les livres,
    Protecteurs assurés de nombreuses merveilles
    D'une immense beauté à nulle autre pareille.

    La splendeur céleste de tes monuments
    A résisté à la peste, aux outrages du temps
    Pour qu'à jamais restent ces ouvrages brillants
    Miroitant à l'Ouest sous le Soleil couchant.

    Avez-vous déjà vu la Citadelle aux Vents
    Se dresser invaincue sous le Soleil levant,
    Ou encore aperçu la haute Tour des Anges,
    Ses cantiques entendus, ses célestes louanges ?

    Avez-vous déjà vu le Temple du Soleil
    Dresser sa flèche aiguë au chapiteau vermeil ?
    Ses murs sont parcourus des reflets irisés
    De la lueur ténue de l'aurore embrumée.

    Avez-vous arpenté le quartier commerçant
    Faiblement éclairé par les éclats dansants
    De lumière orangée des lampions qu'on suspend
    Quand la nuit est tombée sur la Cité d'Argent ?

    Traversant ma ville, sinuant en son centre,
    Large, clair et tranquille, étalant ses méandres,
    Serpente l'Esseval, fleuve septentrional
    Dont les eaux de cristal baignent le port fluvial.

    Le long de ses rives je me suis promené
    Où les carpes vives se peuvent contempler.
    Sous les saules pleureurs je me suis reposé,
    Là où toujours mon cœur s'est senti apaisé.


    UN JOUR EN FORÊT

    À l'aube le Soleil darde ses rayons blancs,
    Illuminant du ciel la forêt s'éveillant.
    Les vertes frondaisons masquent l'astre du jour ;
    Au sol les tendres mousses, ce doux drap de velours,
    Où les fleurs s'entrouvrant écartent leurs sépales
    Qui cachaient jusqu'alors une beauté si pâle,
    Se couvre de taches de lumière dansantes.
    Sur les hautes cimes les petits oiseaux chantent.
    La rosée limpide des fougères émeraudes
    Choit dans les eaux vives du ruisseau cristallin,
    Les bourgeons éclosent dans l'air frais du matin.
    Puis la journée s'étale et les heures se font chaudes.

    Dans les anciens arbres, maintes fois centenaires,
    Monte avec la sève la force séculaire,
    Profondément enfouie, subtilement cachée,
    S'éveillera pourtant si elle est convoquée.
    Gardienne de ces lieux, puissance de la terre,
    Qui préserve la paix et éloigne la guerre
    Mais peut à l'occasion devenir meurtrière
    Quand ils sont menacés par les armes ou le fer.
    Car les fûts sont robustes et les grands troncs sont forts,
    Les racines profondes et les branches solides.
    Qui, aux desseins obscurs et à l'âme perfide,
    Pénètre en le grand bois jamais plus n'en ressort.

    Maintenant le Soleil arrive à son zénith,
    Depuis la canopée monte une mélopée :
    Ses sylvains habitants vont accomplir leurs rites.
    Les satyres ont lancé sarabande effrénée,
    Leurs compagnes les suivent en gracieuse envolée,
    Nymphes aux corps graciles d'une svelte beauté.
    Et danse, danse, ô toi, dryade échevelée,
    Le Soleil brille pour toi mais tu l'as éclipsé.
    Ô toi, éclatante, rayonnant de lumière,
    Ô toi, scintillante, dansant dans la clairière,
    Au cœur de la forêt tu m'as ravi le mien,
    Autour de mon être tu as tissé tes liens.

    Vient maintenant la nuit terminer la journée,
    Couvrir d'obscurité le profond val boisé.
    Les bêtes nocturnes vont venir relayer
    Les animaux diurnes, eux qui sont fatigués ;
    Cette sombre sylve sera ce soir emplie
    D'étranges volatiles ululant à tout va
    Et de grands quadrupèdes aux griffes de furie
    Arpentant les sentiers, recherchant une proie.
    Mais la fête mystique est toujours animée
    Et elle durera de longues heures encore
    Jusqu'au lever du jour, la rougeoyante aurore,
    Pour à midi demain, à nouveau commencer.


    JE VEUX

    Marcher jusqu'au Soleil,
    Voler jusqu'à la Lune,
    Te conter leurs merveilles
    Un soir parmi les dunes.

    Monter jusqu'aux étoiles,
    Ramener leur lumière
    Pour t'en tisser un voile,
    Mon démon du désert.

    Te faire une couronne
    Des rayons de l'aurore
    Et des vents d'un cyclone
    Te porter ce trésor.

    Partir vers l'inconnu,
    Relever des défis ;
    Je ne suis point perdu
    Dès lors que tu me suis.

    Voyager sur la Terre,
    Rechercher des secrets,
    Naviguer sur les mers
    Où les bateaux sombraient.

    Danser autour du feu
    Dans la plaine, la nuit ;
    Soyons toujours heureux
    Quand l'étincelle luit.

    Respirer la forêt
    Et les aiguilles de pin
    Quand souffle le vent frais
    Dans l'air froid du matin.

    Manger le tendre fruit
    À l'arbre de l'amour ;
    Qu'importe ce qui suit,
    Je le saurai un jour.


    Ô MA MUSE

    Nuit d'encre, nuit obscure, ocre désert brûlant
    Aux deux oasis purs brillant tels des diamants
    Sur mon esprit inscrivent en lettres de sang rouge
    Tant de poésie vive en ma plume qui bouge.
    Ardent cœur poète si prompt à t'emballer,
    Suis le cœur en fête cette belle envolée ;
    Je soupire après toi mais tu t'es refusée
    Au cœur chaud resté froid du feu qui l'a quitté.
    Ô ma lune, ô ma muse, éclairant mon chemin,
    Tu distilles et infuses en mes vers un destin
    Où l'inspiration veille au tracé de ma main.
    Incandescent soleil aux beaux rayons carmins
    Mettrais fin de tes lèvres aux ténèbres où je suis
    Au lieu d'être orfèvre du revers que j'essuie.
    Mais tu es, naïade, toujours là sous ma mine :
    Une fois dryade, quelques fois héroïne,
    Surtout jeune fille parmi tant de merveilles,
    Et toujours plus jolie, à nulle autre pareille.


    APOCALYPSE

    TÉNÈBRE
    Rampe et mange tout être, engloutis la lumière,
    Dévore le monde, la vie est éphémère,
    Bois océans et mers, et avale la terre,
    Déchire ciel et sol, déchaîne les Enfers ;
    Croîs, Ténèbre infinie, couvre d'obscurité,
    D'effroi funeste emplis les mortels apeurés.
    Meurs et désespère, le temps s'arrête ici,
    Le moment est venu de détruire la vie.

    MORT
    La Mort vient ici-bas en manteau de ténèbres,
    Elle apporte la ruine et la douleur funèbre,
    Contemple-la, mortel, la Briseuse de rêves :
    Sous son destrier noir, des os nus sur la grève,
    Sur la hampe en sa main, fer aux sombres desseins
    Pour moissonner les âmes et faucher les destins ;
    Parcourant au galop, sinistre chevauchée,
    Tristes paysages d'un silence embaumé.

    GUERRE
    Ensuite vient la Guerre au cheval écarlate,
    Le fracas des armes, tonnerre qui éclate,
    Sur son chemin grondant retentit fracassant
    Dans un sillon de flammes, un orage de sang.
    Ennemi ou allié, plus rien n'a d'importance,
    C'est le temps de l'épée, c'est le temps de la lance ;
    Le frère tue le frère et le fils tue le père
    Quand rit le cavalier en égorgeant la mère.

    FAMINE
    La Famine arrive sur son palefroi gris :
    Le visage émacié, un regard de folie,
    Ses yeux étincellent, roulent dans leurs orbites,
    Sur son chemin fatal, les vivres périclitent.
    La faim vide les villes, convois de macchabées ;
    Quand les cadavres eux-mêmes auront été mangés,
    Les parents rendus fous mangeront leurs enfants
    Dans un repas macabre au Dernier Jugement.

    PESTILENCE
    La Pestilence est là, arrive enfin ici,
    Vent putride apportant plus de cent maladies
    En courant infectieux traîné par sa monture,
    Tel le ver sur la plaie, le pus dans la blessure,
    Et sur ce cheval pâle est dressé un cadavre.
    Contre ce souffle infâme, il n'existe nul havre ;
    Choléra, peste et lèpre épandant dans la nuit
    L'hécatombe infecte décimant vos familles.

    ARMAGEDDON
    Noire porte d'Érèbe, ouvre-toi devant moi,
    Libère le passage à mes troupes et leur roi,
    Incubes, succubes, mille et mille démons
    Jaillissant de l'abîme au glas d'Armageddon.
    Marchez, pillez, brûlez, mes légions infernales,
    Satan et Belzébuth, Astaroth et Bélial
    Marchent à nouveau libres pour que le Mal domine,
    Détruiront le monde, danseront sur ses ruines.


    ENNUI MORTEL

    Tu connais, n'est-ce pas, ce sentiment horrible
    T'annonçant la venue d'heures longues et pénibles.
    L'ennui arrive, une brume lourde qui tout emplit.
    Tu n'entends plus, tu ne vois plus, tu cherches à t'échapper,
    Mais tu ne peux pas dormir, juste subir, c'en est assez.
    Mais tu dois rester. Alors, tu prends ton visage dans tes mains blêmes.
    Tu ne fais plus rien. Tu ne penses à rien. La flemme.
    Ton imagination commence à mourir, même.
    Alors, dans un dernier sursaut, j'écris ce poème.


    ALEXANDRE

    Il est né en prince d'un royaume du Nord,
    Descendant de héros ne craignant point la mort.
    Son père vint au Sud guerroyer dans la gloire ;
    Unifiant le pays, il fit naître un espoir :
    Un empire serein dans la paix unissant
    La Grèce hellénique aux confins de l'Orient.

    Et le charme en les yeux de l'enfant.

    Puis les ans passèrent, le vieux roi s'éteignit,
    Le fils, son temps venu, la couronne ceignit.
    Marchant sur la Perse, débarquant en Asie,
    Il renversa Darius, écrasa l'ennemi,
    Libéra l'Égypte du joug achéménide,
    Fut sacré pharaon, en chassa les avides.

    Et nos armes, et nos dieux, et nos gens.

    Poursuivant sa route vers le Soleil levant,
    Le monarque invaincu, l'empereur conquérant,
    Se battit en Inde, fit face aux éléphants.
    Mais ses hommes épuisés du périple éprouvant
    Demandèrent à rentrer pour revoir leurs foyers ;
    Alors il renonça et le camp fut levé.

    Le vacarme, et le feu, et le sang.

    Il partit vers l'Ouest, traversa le désert,
    Joignit Babylone, la cité millénaire,
    Où par la maladie il nous fut enlevé.
    Le meurtre ou le hasard n'ont été révélés ;
    Sa mort comme sa vie en éclair est passée,
    Mais pour l'éternité ses exploits sont gravés.

    Et les larmes, et l'adieu au mourant.


    DAME DES SONGES

    Dame des Rêves, marche en la nuit,
    Dame des Songes, marchant sans bruit,
    Arpentant les flots, vêtue de brume,
    Ah... viens, viens à moi, fille de l'écume.

    Par trop longtemps je t'ai attendue,
    Seul dans le noir, navire isolé :
    Un fol espoir, lumière ténue,
    Me guidant outre écueils acérés.

    Mais fi du passé, tu es venue,
    Sous l'éclat lunaire, au clair d'argent ;
    Ô damoiselle du cours dormant,
    Monte à mon bord porté aux nues.

    Contemplons un moment le jais du firmament
    Dont l'astre retrouvé éclaire les amants,
    Et franchissons le seuil de ma loge boisée,
    Je mettrai en perce le grand cru de l'aimée.

    Portons à nos lèvres, buvons jusqu'à la lie
    Le calice d'Éros où le destin se lit.
    Belle, j'ai vu l'amour. Ha ! Que ses liens nous lient !
    Que la robe de soie reste au pied de ce lit.

    Ensembles, douce amie, allumons les étoiles !
    Faisons briller le feu plus vif que le Soleil
    D'un baiser langoureux puis d'un autre pareil,
    D'une étreinte infinie que nulle ombre ne voile.


    L'ERG DU SCORPION

    Va au Sud, voyageur, aux confins de ce monde,
    Plus loin que la grande eau, la Mer de Gamarönd,
    Que les Terres de Feu, les pics des Dendragon.
    Alors tu le verras, le grand Erg du Scorpion.

    Par-delà le Grand Fleuve, une étendue de terre,
    Sur son sable doré, il n'est point de rivière,
    Aux jours au ciel azur sous un Soleil brûlant
    Succède une nuit claire à la Lune diamant.

    Prends garde, voyageur, sur ces terres trompeuses :
    Le pays est changeant, sa traversée périlleuse.
    C'est le fief d'Ajsatsan, le Démon du Désert,
    Maître des illusions, il est ombre et lumière.

    Réveillé un matin aux rayons de l'aurore,
    Tu ouvriras les yeux et tu verras alors
    Que les lieux ont changé le temps de ton sommeil
    Et qu'elle a disparu, la piste de la veille.

    Tu verras sans comprendre un soir sous les étoiles
    Qu'au loin à l'horizon le firmament se voile ;
    La tempête se lève en tourbillons sablants
    Pour te perdre à jamais dans les dunes et les vents.

    Tu verras apparaître un palais mystérieux,
    Des fontaines d'eau fraîche attirant l'audacieux.
    Tu te croiras boire mais tu ne boiras point
    Et quand tu seras mort, plus de palais, plus rien.

    Tu verras un instant, fugace et incertain,
    T'observer en silence puis s'éclipser soudain
    D'étranges silhouettes aussi sombres que suie :
    Elles te rendront fou, te dévorant l'esprit.

    Ou peut-être... improbable... il est imprévisible,
    Que le Djinn amusé te deviendra visible,
    En homme ou en fumée, en oiseau coloré,
    Pour se rire de toi ou un don t'accorder.


    ÉTOILE OBSCURE

    ARRANGEMENT PREMIER
    C'est un pays sombre et lointain
    Au pied des hauts pics enneigés,
    Où les eaux sommeillent en silence,
    Froides comme mort et hiver,
    Profondes comme âme et amour.

    Derrière les Portes d'Airain,
    Vallée où les ombres ont sombré,
    Couverte d'une forêt dense
    Aux arbres dix fois millénaires,
    Oubliée de l'astre du jour.

    Par-delà océans et mers,
    Il me faut aller maintenant
    Là où le monde se termine,
    Au-delà du temps, de l'esprit,
    Des rayons de l'aurore rouge.

    Là où le ciel touche la terre,
    Entre deux monts aux sommets blancs,
    Est sis sculpté le seuil en ruine
    Des hauts battants, jadis bâti
    Par des géants maniant la gouge.

    Puis le franchir sans hésiter,
    Traverser ces lieux incertains :
    Le val, et les eaux, et le bois ;
    Avancer, sans plus de retour,
    Aller, d'une démarche franche.

    Alors, tout au bout du sentier,
    Je pourrai lui tendre la main
    Et, sinon parler sans effroi,
    Au moins, lui parler sans détour,
    L'Étoile Obscure en mes nuits blanches.

    ARRANGEMENT SECOND
    Derrière les Portes d'Airain,
    Au pied des hauts pics enneigés,
    Est un pays sombre et lointain,
    Vallée où les ombres ont sombré,
    Couverte d'une forêt dense
    Aux arbres dix fois millénaires,
    Où les eaux sommeillent en silence,
    Froides comme mort et hiver,
    Profondes comme âme et amour,
    Oubliées de l'astre du jour.

    Par-delà océans et mers,
    Il me faut aller maintenant
    Là où le ciel touche la terre,
    Entre deux monts aux sommets blancs,
    Là où le monde se termine,
    Au-delà du temps, de l'esprit,
    Où est sculpté le seuil en ruine
    Des hauts battants, jadis bâti
    Par des géants maniant la gouge
    Aux rayons de l'aurore rouge.

    Puis le franchir sans hésiter,
    Traverser ces lieux incertains :
    Marcher jusqu'au bout du sentier
    Pour pouvoir lui tendre la main ;
    À travers val, et eaux, et bois,
    Avancer, sans plus de retour,
    Et, sinon parler sans effroi,
    Au moins, lui parler sans détour ;
    À elle, ces paroles franches,
    L'Étoile Obscure en mes nuits blanches.


    AKALLABÊTH

    Mille eaux s'engouffrèrent quand Eru déchaînA
    Embruns et écumes dans la Cité des RoiS ;
    Númenor la belle corps et biens disparuT.
    Engloutit sous les flots, le pays fut perdU,
    Laissant voguer au loin et lui tournant le doS
    Trois hommes, père et fils, formant fameux triO.
    Amère souvenance en nos cœurs est son noM,
    Rage, tristesse et peine ont pris le poids du plomB.
    Mais son haut sommet fier peut nous faire espéreR :
    Aurait-il par miracle aux vagues résistÉ ?


    NOCTURNE

    J'ai toujours préféré la nuit au jour,
    Son drapé noir et son velours ;
    À la clarté cruelle et ses vérités
    Les douces ténèbres aux mystères cachés.
    J'aime contempler le ciel et les étoiles,
    Sentir ma peau sous le mistral ;
    Quand mes habits claquent au vent,
    Humer l'air frais en chantonnant.
    S'allonger sur la plage vide,
    Une mer de jais sans une ride ;
    Sur le sable seul ou à deux
    Pour une nage en amoureux.

    Bruisse la vie mon tendre amour
    Et aimons-nous avant le jour !
    Bruisse en la nuit mon tendre amant
    Nos cœurs de concert battant !

    J'ai toujours préféré l'argent lunaire
    Aux flèches vives des ors solaires ;
    Baiser des yeux le disque blanc
    Loin de l'orgueil du rayonnant.
    J'aime marcher dans les prés,
    Sur l'herbe douce aller nus pieds ;
    Boire à la source et puis entendre
    Le hibou au plumage cendre.
    En promenade dans la hêtraie,
    Serrer la main de l'être aimé ;
    Se balader sous les branches,
    Sentir l'humus et les pervenches.

    Bruisse la vie mon tendre amour
    Et aimons-nous avant le jour !
    Bruisse en la nuit mon tendre amant
    Nos cœurs de concert battant !

    J'ai toujours préféré un bar joyeux
    Au travail morne et ennuyeux ;
    Les rires éclatant en soirée
    Aux sons banals de la journée.
    J'aime sortir fêter la vie
    Et boire une bière entre amis ;
    Allez, que les verres s'entrechoquent
    Jusqu'au bout de la nuit, jusqu'au chant du coq !
    Allons dans la prairie allumer un brasier,
    Viens ma belle, allons nous amuser ;
    Et danse, danse, sous la Lune et le feu,
    Que brillent, brillent, les flammes dans tes yeux !

    Bruisse la vie mon tendre amour
    Et aimons-nous avant le jour !
    Bruisse en la nuit mon tendre amant
    Nos cœurs de concert battant !


    AUBE SOMBRE

    Le jour se lève, gris. Le jour ? Est-ce la nuit ?
    Il semblerait que non. Les ténèbres s'en vont.
    Mais nul Soleil ne luit, à jamais endormi.
    Pas un bruit, pas un son, une chape de plomb.

    L'aube se lève sombre et s'agrippent les ombres ;
    L'eau elle-même dort, froide, glaçant les corps.
    Et partout des décombres et des ruines sans nombre ;
    Le vent seul souffle encor, dit que tout n'est pas mort.

    Mais comment croire, frère, à la vie sur la terre
    Quand le ciel même en nie l’existence au pays ?
    Il pousse une bruyère à la couleur de verre,
    Fantôme de l'ennui, hantant ces lieux tristes, sans bruit.

    Triste est la contrée vide ; mortes, sèches, et arides
    Les antiques collines et les creux des dolines ;
    De l'Homme trop avide est le butin livide
    Cette lande opaline arrosée par la bruine.


    LE ROCHER DE L'AUBE

    Qui es-tu, toi au loin, perdue dans le brouillard,
    Pâle silhouette sur un roc solitaire
    Au milieu des vagues, sorti de nulle part
    Quand perce les nuages une aurore éphémère ?

    Quand les traits de Phœbus en faisceaux clairsemés
    Font briller la brume comme l'or de Lydie,
    Quand les flots s'illuminent en champ d'azur semé,
    Tu apparais. Réelle ? Ou es-tu rêverie ?

    Je ne saurais dire, mais ta beauté existe,
    Une beauté fragile, une beauté d'hiver.
    Tu ne rayonnes pas gouvernant les eaux tristes
    En été égoïste illuminant la mer.

    La lumière te suit sur les rails du destin,
    Inondant ton visage et à nouveau donnée,
    Plus belle à travers toi que l'astre du matin,
    Que les diamants de l'Inde ou la Lune argentée.

    Qui es-tu ? Tu possèdes, ô sirène éthérée,
    Les attraits mystérieux de l'Orient et du noir,
    La beauté ingénue de l'éternelle Actée.
    Dis-le moi, inconnue, car je veux le savoir !


    RÊVERIES

    Et pour chanter la mort et pour chanter la vie
    Et tous mes amours de minuit,
    Le sommeil de l'endormi,

    J'écrirai des montagnes, j'écrirai des cascades
    Que l'aube lie ensemble et que le soir saccade.

    Et de ces mots je ferai une toile,
    Dans les cieux noirs et vides je peindrai une étoile
    Pour illuminer le monde
    De l'âme que la plume sonde.

    Pour chanter les sept mers, pour chanter l'océan,
    Toutes les vallées des géants
    Et les pleurs des quatre vents,

    J'écrirai une pluie pour la Lune qui se lave,
    Et des rêves aussi, et des glaciers de lave.

    Et de ces mots je ferai une artère
    Où coulent des enfants arrachés à leurs mères
    Vers les futurs de jadis
    Où les amants frémissent.

    Pour chanter la gloire, pour chanter le tonnerre
    Et tous les hommes de la guerre,
    Les hauts exploits de nos pères,

    J'écrirai des murmures, j'écrirai des secrets
    Sur l'étang cristallin où les larmes tombaient.

    Et de ces mots je ferai une tombe
    Où le Soleil occis se couche sur les ondes,
    Et loin au fond de la combe
    J'irai enfouir l'immonde.


    LE VAL DE SOMBRESEAUX

    Il y a longtemps, bien longtemps, avant l'Homme, avant le Nain,
    Seuls chantaient et seuls couraient les torrents et les ruisseaux,
    Et derrière les sommets, sous les falaises, les pins
    Sommeillaient en silence dans le Val de Sombreseaux.

    D'abord vinrent les bêtes, les ours, daims et sangliers,
    Et au-dessus des cimes s'élevèrent les oiseaux.
    Les bois étaient leurs cités, leurs forts des nids, des terriers,
    Leurs batailles des chasses, dans le Val de Sombreseaux.

    Le voyageur audacieux n'eut pu porter le regard
    Sur un seul pré, un seul champ, un seul pâtre, un seul troupeau ;
    Aussi loin qu'il eut cherché il n'eut pu apercevoir
    Que la nature inviolée dans le Val de Sombreseaux.

    Il eut été possible de se coucher et de voir
    Dans le ciel nocturne et noir, sur la voûte tout là-haut,
    Briller des milliers d'étoiles encor vierges de tout fars
    Quand la nuit était claire dans le Val de Sombreseaux.

    Seconds vinrent les Hommes, pionniers braves et forts ;
    Et dans la vallée riante, ils plantèrent leur drapeau ;
    Ils y furent tant séduits que de pierres et d'efforts
    Une ville fut bâtie dans le Val de Sombreseaux.

    Ils gravirent les versants du large Mont Bouclier
    Et, en atteignant l'umbo, y érigèrent bientôt,
    Coiffé de tuiles dorées, aux murs de grès ciselés,
    Un castel magnifique, dans le Val de Sombreseaux.

    Puis la cité s'agrandit, le commerce prospéra ;
    On cultiva la terre par la houe et par la faux,
    Et sous le soleil d'été son peuple la baptisa
    Du beau nom de Lumeblés dans le Val de Sombreseaux.

    Les richesses foisonnaient dans les coffres toujours pleins :
    On trouvait de l'ambre jaune et des saphirs couleur d'eau,
    Et des opales blanches, du velours et du satin
    Dans les grands halls seigneuriaux, dans le Val de Sombreseaux.

    Tous coulaient des jours heureux et dormaient paisiblement
    Car les récoltes étaient bonnes et le pays calme et beau.
    Mais le temps de la liesse, les fêtes des jours d'antan
    Devaient bientôt s'en aller dans le Val de Sombreseaux.

    Pour un affront oublié, pour une insulte à un roi
    Sur un acte de guerre les grands posèrent leurs sceaux.
    Et les forges chantèrent sous les cloches du beffroi,
    Et on tira les épées dans le Val de Sombreseaux.

    Et les cors résonnèrent sous un Soleil rouge et rose
    Quand partit la colonne des guerriers aux blancs manteaux,
    Aux grands étendards ornés du blé d'or qu'on appose
    Sur les armoiries d'argent dans le Val de Sombreseaux.

    On se battit dans le bois, dans la laine et la montagne,
    Dans le marais humide, tapissé de grands roseaux ;
    Mais de la guerre lointaine (Et qui la perd, qui la gagne ?)
    On n'entendit pas un mot dans le Val de Sombreseaux.

    Et sans que nul ne l'ait su l'armée naine fut aux portes
    De la vallée profonde. Depuis les crêtes, là-haut,
    Elle encerclait la ville : grands feux de lumière forte
    Sur les cols entre les monts dans le Val de Sombreseaux.

    Cent mile guerriers vengeurs, sous la Lune et les étoiles,
    Firent s'écrouler d'un pic la cime sur les hameaux
    Des prairies en contrebas, et des serfs glaça la moelle
    Un fracas de tonnerre dans le Val de Sombreseaux.

    Les grands vents venus du nord, des mers septentrionales,
    Un par un s'engouffrèrent, traînant derrière eux leurs maux :
    Cent brouillards et mille pluies, et leurs pères froids et pâles :
    Les orgueilleux nuages, dans le Val de Sombreseaux.

    Puis dévalèrent les pentes une, deux et puis trois lances,
    Puis la troupe toute entière y suivit ses généraux
    Quand pour la première fois, lentement et en silence,
    S'élevèrent les brumes dans le Val de Sombreseaux.

    Et tous allaient doucement, à pas de loup sous les nues,
    Si bien qu'ils ne pouvaient voir, tous les guetteurs du château,
    Du mur ou de l'échauguette, ou de la tour la venue
    Des féroces ennemis dans le Val de Sombreseaux.

    Et soudain elle jaillit de la nappe vaporeuse :
    Une solide échelle faite de bois de bouleau,
    Puis cent autres crevèrent la surface duveteuse
    Et mille Nains grimpèrent, dans le Val de Sombreseaux.

    La bataille fut âpre, les Hommes pour chaque pouce
    Payant et faisant payer le prix du sang par grands flots ;
    Ils furent comme l'hydre, chez qui les têtes repoussent,
    Un enfer à abattre, dans le Val de Sombreseaux.

    Mais les Nains l'emportèrent, les Hommes se regroupèrent,
    Formant un dernier carré sur l'or et sur les joyaux
    Autour du jeune seigneur dont était tombé le père
    Pour un ultime combat dans le Val de Sombreseaux.

    À l'aube du jour naissant la ville entière était prise,
    Mais n'était à l'horizon pas un arbre aux doux rameaux,
    Pas un champ aux blés dorés : seuls et soufflés par la bise
    Flottaient de gros nuages dans le Val de Sombreseaux.

    Lumeblés reconstruite, flottant sur la mer laiteuse,
    Y naviguant isolée, comme un énorme bateau
    Resplendissant sous le ciel, fut renommée Nuageuse,
    Grande cité des nuées dans le Val de Sombreseaux.

    Mais sous le plafond brumeux, plus un seul rai de soleil :
    Plus d'orge, de sarrasin, de vignes sur les coteaux,
    Plus un seul grain récolté, plus de vin rouge vermeil.
    Et la richesse décrût dans le Val de Sombreseaux.

    Lecteur surtout souviens-toi que le trésor le plus vrai
    N'est pas de rubis carmins, de soieries ou de métaux,
    Mais du pain que l'on mange, qui autrefois se faisait
    Au bord de la rivière dans le Val de Sombreseaux.


    PANDÆMONIUM

    PRÉLUDE
    Ô Satan, ô mon roi, permets-moi de t'offrir
    Ce tour de ton domaine où tous viennent souffrir
    Sous le joug chthonien les douze-cents supplices
    Qui pour tes généraux sont autant de délices.

    LE POÈTE
    Je suis humble sujet, distillant dans mes vers,
    Infusant dans les cœurs mille pensers pervers.
    Mais c'est moi qui te peuple, ô souterrain royaume !
    Le Mal est apatride et parle tout idiome.
    Vers le gouffre sans fond bientôt je mènerai
    L'humanité entière et l'y enfoncerai !

    LE PEUPLE DES DAMNÉS
    Pécheurs ! Ils sont légions, pauvres âmes perdues ;
    Bannis, brigands, proscrits ! et les âmes vendues ;
    Voleurs, escrocs, violeurs, assassins, meurtriers !
    Océan de larves. L'horizon entier
    Est rempli de ces vers franchissant par cohortes
    Dans la peine et l'effroi les ventaux de tes portes.
    Ils viennent enchaînés encourir ta fureur,
    Ô maître des Enfers, ô Premier Tourmenteur :
    Jusqu'à la fin des temps ils seront tes esclaves,
    Tes jouets, tes pantins, tes objets, tes épaves !
    Ils seront torturés par le fer et le pal,
    Brûleront dans le feu d'un bûcher infernal.
    Seuls seront épargnés ceux de la pire espèce,
    Ceux qui prennent l'horreur pour unique maîtresse,
    Qui aiment leur vice, font le mal par plaisir :
    Ceux-là pourront ici leur paradis saisir
    Au milieu des anges précipités des cimes,
    Et ils se mêleront au peuple des abîmes.

    LE PEUPLE DES ABÎMES
    Ils vivent ici-bas dans le mal le plus pur ;
    Ce pays de l'obscur, bastion de l'impur
    Est leur forteresse, l'immoral, leur noblesse.
    Festin, fête, kermesse, ils y tiennent la messe
    Noire. Sinistre foi. Et l'occulte y est roi ;
    Fais ce que tu voudras est le tout de la loi !
    Sarabande et puis ronde y tournoie et y gronde
    Toujours. Encor. L'immonde embrasse et puis féconde :
    Aller, retour, sans fin, éternel va-et-vient,
    Calice purpurin où toujours va le vin.
    Orgie. Ils y naissent. Leurs dieux et leurs déesses,
    Implorés sans cesse, sont pubis et sont fesses !
    Un sabbat permanent ici va, trépidant :
    Nul après, nul avant, seul existe un pendant.
    Célèbre l'offense ! Viole, tue et puis danse !
    Ce monde est sans clémence, aime la déchéance,
    L'horreur, le feu, le sang. La seule cohésion
    Du pays ténébreux est la dépravation.
    Ils sont tous tes guerriers, de feux et de fumées,
    La mort a son empire et le Mal ses armées :
    Vois comme ils s'affairent ; mille et mille démons
    Jusqu'à l'Armageddon consultent les gnomons.
    Les plus modestes sont, affreux et innombrables,
    Les petits diablotins, trublions implacables.
    S'amusant des conflits, ils les font s'éployer
    Puis ils se délectent des malheurs du foyer ;
    Tourmentent les mortels et jamais ne ménagent
    Ni l'homme ni la femme, excitant le ménage.
    Les geôliers des Enfers, garde-chiourmes abismaux,
    Tourmentent les maudits, hurlements abyssaux !
    Ois claquer le fouet : le son monte du gouffre
    Et des relents variés dans les naseaux s'engouffrent :
    Souffre et putréfaction, senteurs de corps brûlés ;
    Un parfum de douleur monte des flagellés.
    Elles grognent de rage, et hurlent, vocifèrent ;
    Leur visage est hideux, boursouflé de colère
    Et rongé par l'envie ; elles n'ont plus de cœur,
    Il ne reste que hargne, et mépris, et rancœur.
    En monstres odieux et pour toujours aigries
    Glapissent à jamais les glaciales furies.
    Ils viennent décharnés, terrifiante vision !
    Les très longs affamés, poursuivant l'illusion.
    Ils mangent toujours plus, dévorés par la haine.
    Puis suivent lentement et traînant la géhenne,
    Empestant l'infection, dégoulinant de pus,
    Les fléaux croupissants, de paresse repus.
    Cauchemars ! Spectres gris ! L'horreur leur est la vie.
    Ils flottent chaque nuit vers les gens et dévient
    Leurs rêves et pensers vers des horizons noirs,
    Vers la pure folie et de grands désespoirs :
    De leur long doigt glacial, ils vous curent le crâne,
    Votre raison s'étiole et se fait diaphane.
    Ils marchent aveugles, voici les écorchés,
    L'ire bout leurs boyaux sous leurs corps épluchés.
    Tourbillons de douleur, ils ne sont que souffrance,
    Et maniant l'épée, ils s'en percent la panse,
    Puis perclus de folie, ils occisent hurlant
    Ceux que l'errance a mis sur leur chemin sanglant.
    Incubes, succubes, les séducteurs impies,
    Déchirent les esprits en lambeaux, en charpies ;
    Ils sont magnifiques, ces démons du désir,
    De luxure mortels, ô décadent plaisir !
    Ils viennent en rampant, monstrueuse caresse,
    Dévorer les âmes, délicieuse détresse.
    Mais de tous tes sujets les plus terribles sont
    Les grands diables de feu dont ornent l'écusson
    La ténèbre ou le sang. Ces monstres de puissance
    Règnent sans partage sur ce pays immense
    Qu'est le noir Érèbe ; ces hauts seigneurs du mal
    Sur leurs trônes de fer ne connaissent d'égal.
    Ou alors, peut-être, ces anges qui osèrent
    Se lever contre Dieu. Lors ils Lui déclarèrent
    — Et l'orgueil allumé rougeoyait dans leurs yeux —
    La guerre flamboyante assourdissant les cieux.
    Mais ils furent vaincus et bannis sur la Terre,
    Exilés à jamais, ruminant leur colère.
    J'arrête ici ma liste, y cesse mon apport ;
    Je pourrais exposer sur cent pages encor
    La variété qui grouille aux entrailles du monde,
    Mais passons sans attendre aux princes de l'immonde.

    ASTAROTH
    Un serpent à la main, chevauchant les dragons
    Et maître incontesté de quarante légions,
    Son nom est craint de tous car tous craignent son ire
    Qui leur apporterait des supplices ou bien pire.
    Trésorier des Enfers, parangon de laideur,
    Grand-duc et répandant l'ignoble puanteur,
    Il possède un palais bâti sur son domaine,
    Il y a ses servants et Astarté pour reine ;
    Il porte sur son front, d'obsidienne et d'onyx
    Un diadème offert par le puissant Phœnix.

    PHŒNIX
    D'un garçon innocent il peut prendre la forme,
    Mais toujours sur ses traits que le vice déforme
    Peut se voir un rictus méprisant et malsain,
    Et dans ses yeux de braise un éclat brille et ceint
    Son visage d'enfant d'une aura terrifiante.
    Il peut rendre sa voix magnifique, attrayante ;
    Il est très grand poète et chante l'indécent,
    Ce grand marquis de feu, oiseau incandescent.
    Commandant vingt légions, il gouverne ses terres
    En monarque orgueilleux depuis de longues ères.

    BAAL
    Il fut le souverain d'antiques panthéons,
    Prié en Canaan par mille et cent péons,
    Exigeant du fidèle, en tyran sanguinaire,
    Le meurtre de ses fils, et pour le satisfaire,
    Ce sanglant sacrifice inondait les cités.
    Il est maintenant roi, repus d'atrocités,
    Du monde souterrain ; avec ses pairs, il pèche
    Sans fin sur son domaine où l'on vit et l'on prêche
    Des mœurs plus païennes, plus horribles encor
    Qu'au palais d'Attila sous la soie et sur l'or.
    Il se peut tricéphale, arborant la couronne :
    L'amphibien dégouline et le félin ronronne ;
    Soixante-six légions du royaume infernal
    Obéiront de suite à son premier signal.

    ASTARTÉ
    Elle se prélasse, lascive et allongée,
    Sur un lit rouge et pourpre, et bleu comme l'Égée ;
    Reine orientale maniant avec passion
    La luxure et le stupre, et toute perversion,
    Sombres arts oubliés et procédés ignobles
    Garnissent ses pensers tels les fruits des vignobles ;
    Amante d'Astaroth, épouse de Baal,
    Maîtresse des catins, elle en ouvre le bal.

    MOLOCH
    Seigneur ! C'est là son nom. C'est un roi de souffrance,
    De haine et de douleur massacrant à outrance,
    Écrasant ses vassaux, il règne sur ses gens ;
    C'est un colosse immense orné d'ors et d'argents,
    Neuf cornes lui ceignent le sommet de la tête,
    Et sur ces picots noirs des flammes dansent, fêtent
    Les dagues s'abattant sur tant de nouveau-nés,
    Perçant la chair et l'os d'autant d'infortunés.

    BÉLIAL
    Cet ange magnifique est celui des ténèbres,
    Sa puissance est énorme et ses dons sont célèbres :
    En exauçant leurs vœux, il se joue des mortels
    En leur cachant son prix ; de grands rires cruels
    S'échappent de sa gorge en froids éclats de glace
    Et percent les tympans de tous ceux sur la place
    Quand il voit tous les gens que ses tours ont piégés
    En enlevant leur âme à tous ces affligés.
    Il possède un chariot tiré par six cavales
    Au sillage enflammé et aux courses fatales ;
    Grande est sa volonté qui commande aux actions,
    Aux funestes méfaits de quarante légions.

    BELZÉBUTH
    Son ton est impérieux, sa voix intimidante ;
    Il siège sur son trône à la taille imposante :
    Ce siège est de gabbro, sa couronne de fer
    Brûle incandescente des flammes de l'Enfer.
    Le monstre se repaît du sang chaud des martyres ;
    Il a les yeux brillants, les jambes des satyres,
    La force des géants, le souffle des dragons,
    Son domaine est couvert de lacs et de lagons
    Emplis de lave orange exhalant le sulfure ;
    De ses ailes de cuir à l'immense envergure,
    Il se porte au-dessus de toute la vapeur
    Et inspecte son fief en inspirant la peur.
    Maître métamorphe, c'est le seigneur des mouches,
    Sa corruption abat les saints les plus farouches,
    C'est le grand général des légions de Satan,
    Six-cent-soixante-six le suivent, combattant.

    BELPHÉGOR
    Il est rusé, savant, démon scientifique,
    Dans son laboratoire, il invente et trafique
    Des potions de malheur dans d'énormes chaudrons,
    De curieux récipients, ou coniques ou bien ronds,
    Et dans ses alambics d'impossibles mélanges
    Passent tourbillonnant en volutes étranges.
    Il possède une queue et un trône percé,
    Deux cornes féroces sur son crâne ont poussé ;
    Il ente l'ambitieux, proposant son savoir,
    Et demande en retour son âme pour avoir.

    BAPHOMET
    Père et mère, et enfant, réceptacle, origine,
    Et parent du péché, monstrueux androgyne !
    Toute l'humanité le précède et le suit,
    Délaissant sa vertu ; il est à la fois fruit
    Et racine du Mal ; émanation et source,
    Intermédiaire aussi, lancé sur une course :
    C'est un cercle vicieux dont aucun ne connaît
    Le début ni la fin, c'est un chemin où n'est
    Ni espoir ni lumière, lieu d'où jamais le Verbe
    Ne sera écouté, et la critique acerbe,
    La rage impuissante sont tout ce qu'entendit
    La profonde noirceur de ce sentier maudit !
    Un désordre incroyable y règne et y gouverne
    Et devant la Bête, les hommes se prosternent.
    Lors, il contemple, hilare, et se lissant le bouc,
    Le cri du pèlerin s'échappant de ce souk.

    ASMODÉE
    Il est grand et obèse, affalé sur son trône,
    Et des plus démunis, il recueille l'aumône :
    C'est le surintendant du royaume infernal,
    Malfaisant, odieux, arrogant et vénal ;
    Puissant égoïste qui aplatit le monde
    De son poids écrasant, de sa lourde faconde
    Susurrant doucement des ordres insensés.
    Les dons de cinq bêtes lui furent dispensés :
    Le venin du serpent et la force du buffle,
    Le souffle du dragon s'échappant de son mufle,
    Le vol d'une oie alliés au plus grand intellect,
    Tous soumis au vouloir d'un esprit plus abject
    Que le pire assassin, que les pires crapules
    Que la Terre ait portés. Inventant des formules,
    C'est un grand érudit, astronome officiel
    Et mathématicien à la cour d'Azazel.

    SAMAËL
    C'est un ange terrible au long manteau de flamme,
    Et ses ailes sont d'ombre et de venin sa lame ;
    L'antique bras vengeur a été corrompu,
    Dieu est abandonné, Son pouvoir est rompu :
    L'ange a vu la ténèbre et il l'a embrassée.
    Suivant son sillage, compagnon d'odyssée,
    Souffle un vent aride plus chaud que le désert
    Desséchant toute vie. Il passe par le fer
    Tous ceux qui se dressent sur son chemin macabre ;
    Son regard est glacial, sa monture se cabre,
    Laissant derrière elle des royaumes ruinés,
    Et le Diable amusé rit des infortunés.

    MAMMON
    Ses grands crocs sont d'ivoire et sa peau est de cuivre,
    Ses yeux sont deux rubis, comme ceux d'une guivre,
    Ses ongles sont pointus et deux cornes d'argent
    Sortent de ses tempes puis courbent en plongeant.
    Fortuné, indécent de luxe et de richesse,
    Son immense demeure accueille la noblesse
    Et trois-mille endettés lui servent de valets.
    À la plèbe massée autour de son palais
    Vomissant l'opulence en tous ses orifices,
    Il prend son dernier souffle et n'offre qu'immondices ;
    Assoiffant l'assoiffé, affamant l'affamé,
    Il règne sans partage, opprimant l'opprimé.
    Il réunit chez lui d'immenses assemblées
    De l'élite infernale en danses endiablées,
    On y sert des banquets où un cadavre exquis
    Est servi sur un plat décoré de kakis,
    L'agonie horrible des pauvres à sa porte
    Offre un divin spectacle à ceux de notre sorte ;
    Sur sa montagne d'or, il jouit de plaisir
    Jusqu'à n'en plus pouvoir et se laisser gésir.

    MÉPHISTOPHÉLÈS
    C'est un démon curieux, l'esprit qui toujours nie,
    Tout en contradiction, un étrange génie,
    C'est un démon obscur aux pensers tortueux,
    Sa raison emprunte des chemins sinueux,
    Et maniant l'antithèse, abusant d'oxymore,
    Il tourmente et rend fou jusqu'à ce qu'on l'implore
    Rampant ou à genoux ; c'est un démon affreux
    Qui fait signer son pacte, ô combien dangereux !
    C'est un démon loquace à la grande éloquence,
    Un grand rhétoricien tout en ambivalence,
    Un pourvoyeur vœux dont le prix n'a d'égal
    Que son machiavélisme et son mépris fatal ;
    C'est un démon instruit, un penseur nihiliste,
    Et rien n'est en ce monde, il n'est aucune liste
    D'objets ou de vivants dont la disparition
    Ne lui fasse sentir vive satisfaction.

    LILITH
    Elle fut la première, à la grâce éternelle,
    Et l'épouse d'Adam, la femme originelle ;
    Magnifique et sublime, elle éclipsait l'éclat
    Du Soleil du couchant et souvent, çà et là,
    Elle venait danser dans le bois où la plaine,
    Au bord de la rivière et sous la Lune pleine ;
    Sa voix était suave et sous l'astre du soir,
    Dans le jardin d'Éden le monde venait voir
    La belle aux cheveux noirs. Elle avait les yeux sombres
    Et sa peau était d'ocre, et la nuit dans les ombres,
    Elle allait se baigner dans le grand lac profond ;
    Sur les rides de l'onde aux abysses sans fond
    Elle glissait fin, sur le flot et la vague,
    Laissant derrière elle, traçant comme une dague
    D'étranges entrelacs de son corps dévoilé,
    De son sein rebondi dont le ciel étoilé
    Caressait d'un rayon la courbe sensuelle,
    Ô Lilith, ô ma reine, à jamais la plus belle !
    Mais lorsque son mari demanda soumission,
    Elle ne plia pas et fit opposition,
    Car elle était faite de la même substance,
    Modelée avec lui d'une argile aussi dense.
    Alors Dieu la chassa, elle fut évincée,
    Et par Ève la blonde, elle fut remplacée.
    Avide de revanche, elle erra bien longtemps,
    De désert en désert pour de nombreux printemps
    Et elle s'initia à tous les arts occultes,
    Gagna en puissance, découvrit d'ombreux cultes
    Et joignit Lucifer, joignit sa rébellion,
    Mena sa rivale jusqu'à sa perdition.
    Elle en tenta un autre, et reposant la Pomme,
    Fit naître le conflit sur la terre de l'Homme
    Où toujours ont régné et la belle et sa main
    Sur Samson et sur Loth, sur Abel et Caïn.
    Elle épousa Satan lors d'une grande noce,
    Et gouverne à présent l'empire de l'atroce
    Aux côtés du Malin. Son haut trône est fait d'os
    Et deux ailes de jais ont poussé dans son dos ;
    La soif de vengeance l'a faite plus cruelle,
    D'étranges procédés l'ont rendue immortelle...
    Comment ? Aucun ne sait par quel charme ou quel sort,
    Mais au cours des æons peut mourir même mort.
    Son destin est tracé : tuer la race humaine ;
    Ce sont les enfants d'Ève et ils n'ont que sa haine.

    SATAN
    Lucifer, Azazel, ô toi qui fus aimé,
    Ô Satan, ô mon roi, que ne t'a-t-on nommé ?
    Ô toi qui fus jadis le plus brillant des anges,
    Tu fus chassé du ciel et jeté dans les fanges
    Du monde des mortels, condamné à croupir
    Loin de la lumière. Tous doivent s'accroupir
    Et puis se prosterner, et nul ne peut prétendre
    L'égaler dans Sa gloire ; or toi tu voulus prendre
    La Flamme du divin. Or tu voulus créer
    Et voulus accomplir comme Lui a créé,
    Comme Lui accomplit. Or toi tu voulus faire
    Ce que tu ne pouvais. Jamais ne l'acceptèrent
    Son orgueil, Sa puissance. Devant Sa création,
    Il voulut te ployer, et que ta soumission
    Aille à l'humanité. À l'Homme misérable,
    Résidu de poussière, à Adam l'incapable,
    À ce traîne-misère. Alors se déclencha
    La grande révolte qui les cieux entacha,
    Alors Son royaume s'embrasa de lumière.
    Tu forças, glorieux, les portes de saint Pierre
    Et menant tes légions, combattis bravement.
    Mais Yahvé te défit ; sur le froid pavement
    Tu tombas, rejeté, et déchu de tes titres,
    Éteint. Lors, t'adressant à l'impudent bélître,
    Tu parlas en ces mots : « Mieux vaut quitter ces lieux
    Et régner en Enfer que servir dans les cieux !
    Je n'écouterai plus Ta volonté injuste,
    Je ne Te suivrai plus, Ton vouloir est vétuste ;
    Je suis libre à présent ! Je ne suis plus à Toi !
    Cette Terre sera désormais mon seul toit.
    Jamais moi ni les miens ne courberons l'échine
    Devant Ta loi odieuse ou Ta force divine.
    Tout ce que Tu feras, moi je le déferai,
    Je Te prendrai Tes fils et les détournerai
    De Toi et Ton chemin. De mon palais de flamme,
    Je les gouvernerai, jetant le Tétragramme
    Dans la boue et la crasse. Ils le piétineront.
    Jusqu'à la fin des temps, ils maudiront Ton nom ! »
    Dernière modification par Bombur, 06-11-2014, 17h46.

  • #2
    Waw o.O comme quoi les nains sont doués pour la poésie...

    Rêve de Liberté : Influence de Baudelaire, hmm ?

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    • #3
      Heuuu... Je sais pas trop. Ça m'était venu tout seul sur le chemin de l'école . Et puis en pensant au Comte de Monte-Cristo aussi .

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      • #4
        Je dis ça par rapport au poème "L'Albatros" (celui que tous les collégiens-lycéens de seconde étudient)

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        • #5
          Ah ouais tiens. En fait t'as raison, j'ai bien pensé à ce poème, mais seulement pour le vers concerné .

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          • #6
            En tout cas, la chronologie est géniale On passe de :
            Des traces de pneu sur ton ventre éclaté,
            à
            Maître des illusions, il est ombre et lumière
            On voit l'évolution de l'auteur

            Commentaire


            • #7
              Bah, ce sont des styles différents. Dans le style un peu clash j'ai fait Ode aux Ignares, aussi .

              Commentaire


              • #8
                Je n'ai pas tout lu mais je dois avouer que c'est très bien ! J'aime quand on ne sent pas, dans un poème, que l'auteur s'est creusé les méninges pour trouver des rimes bien sonnantes.

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                • #9
                  De même, je n'aime généralement pas les poèmes mais certains comme Alexandre mon vraiment plût !

                  Commentaire


                  • #10
                    Ca y est, j'ai compris pourquoi, sur sa photo dans le trombinoscope, Bombur a cette tête là:
                    il ne se posait pas que des questions existentielles, mais il réflechissait àses poèmes...

                    Commentaire


                    • #11
                      Merci à vous .

                      Commentaire


                      • #12
                        C'est joli, mais j'trouve que ça va pas assez loin dans l'imaginaire. Bon, ok, je dis ça, j'ai pas tout lu.

                        Certains de tes textes se rapprochent plus des paroles de chanson, "Pour un gars que t'aimes vraiment pas" tient plus des paroles d'un rapeur que d'un poème. Non seulement le thème, mais les rimes en "é" répétées en font un texte qui sonne mal à l'oreille s'il est lu à voix haute sans rien autour mais qui donne je pense un assez bon résultat s'il est scandé par un rappeur.

                        Dans un autre genre, j'ai du mal avec "Alexandre" ou "Apocalypse". C'est de la prose avec des rimes. Mais j'ai du mal à y trouver la poésie.

                        Enfin, généralement, un détail qui fait mal à tes textes, c'est le manque de chute. Personnellement j'ai beaucoup aimé "Automne", mais les 2 derniers vers sont à refaire. L'idée est là mais ça tombe à plat. Alors je sais, c'est difficile de trouver un:
                        "Il a deux trous rouges au côté droit"
                        ou bien un :
                        "Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
                        Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur."

                        Mais la chute d'un poème est pratiquement plus important que tout le reste. C'est dommage de ne pas plus travailler ces dernières lignes. Même si dans "L'erg du scorpion", il y a également une bonne idée de fin à mieux creuser.

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                        • #13
                          Ouais fin le premier ben... C'est mon premier ; à la base j'avais fait ça pour déconner . Automne, je dois avouer avoir été en mal d'inspiration, je l'ai fini un peu vite. Mais bon, c'est un vieux aussi ; j’essaie de ne plus trop me "laisser aller" maintenant. Pour les autres je comprends pas trop ce que tu veux dire par "manque de chute".
                          Par contre je te suis pas du tout pour Apocalypse ; je vois pas en quoi c'est de la prose. Après t'as le droit de pas aimer ou quoi, hein, c'est pas ça, mais là je trouve pas ça très fondé, ni très juste d'ailleurs. Même chose pour Alexandre ; je vois aps en quoi c'est de la prose (par contre c'est pas mon poème que j'aime le mieux, mais ça c'est autre chose).

                          Sinon, y en a qui sont effectivement des chansons en fait (mais je les chante pas parce que chante comme une bouse ) :il s'agit de Rêve de liberté, Le Mercenaire et Je veux.
                          Dernière modification par Bombur, 20-02-2013, 21h05.

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                          • #14
                            Ajout d'Étoile Obscure dans le premier post (en deux versions).

                            Commentaire


                            • #15
                              Ajout d'Akallabêth dans le premier post ; poème sur la chute de Númenor (Tolkien) avec double acrostiche !

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