Mount & Blade II : Bannerlord - Carnet de développement n°38 : « Entretien avec Steve Negus »

Salutations, guerriers de Calradia !

Mount & Blade est un jeu rôle, de stratégie et de batailles épiques... mais c'est aussi un univers unique conçu pour accueillir vos aventures et vos exploits héroïques. Calradia, le continent sur lequel se déroule Mount & Blade, est un univers imaginaire qui s'inspire fortement de notre passé réel : son histoire et ses factions ont de nombreux liens avec les royaumes et les conflits que nous avons connus, tout en y ajoutant une bonne dose d'imagination. Il s'agit d'un équilibre délicat : il faut parvenir à combiner la créativité et l'imagination avec des recherches documentées et une interprétation plausible des sources historiques. Mais le résultat en vaut la peine : Calradia est un lieu fictionnel, mais qui paraît aussi vivant et réel que notre véritable monde. Il faut beaucoup de talent et de travail acharné pour créer un tel endroit, et aujourd'hui, nous voulons vous présenter un membre de notre équipe qui joue un rôle essentiel dans son élaboration : l'auteur et concepteur Steve Negus.


NOM
Steve Negus

ORIGINAIRE DE
Riverside, Californie.

A REJOINT TALEWORLDS EN
2007

ÉTUDES
Sciences politiques. Mon expérience professionnelle principale a été celle de journaliste, travaillant en Égypte, en Iraq et dans d'autres pays arabes.

TITRE OFFICIEL
Auteur/concepteur

COMMENT VOUS ÊTES-VOUS RETROUVÉ IMPLIQUÉ DANS LE DÉVELOPPEMENT DU JEU ?
« Lorsque j'étais en Iraq en 2006, il n'était pas possible de sortir sans prendre beaucoup de précautions. J'avais donc beaucoup de temps à tuer après mon travail. J'ai fait un mod sur les guerres de Sicile au XIe siècle. Je voulais expérimenter avec une dynamique de guerre peu intense, constituée de raids et de patrouilles. Armagan m'a soudainement appelé et m'a proposé de travailler pour Taleworlds. La conception de jeu a toujours été une de mes passions, même quand je n'étais qu'un enfant jouant à des wargames papier. Si un génie m'avait accordé un souhait en 1978 sur ce que l'avenir pouvait m'apporter, j'aurais probablement souhaité quelque chose comme Mount and Blade. Et puis, même si j'adorais mon travail de journaliste, cela commençait à devenir difficile, avec une famille et une femme qui se lançait dans une carrière académique. Donc travailler sur Bannerlord est vraiment un rêve qui se réalise.

Cela dit, il y a pas mal de points communs entre le journalisme et la conception de jeu. Beaucoup de conflits que j'ai couverts ressemblaient à des guerres médiévales, dans le sens où il n'y avait pas de chaîne de commandement que tout le monde suivait. Les barons et les chefs insurgés sont mille excuses valables pour ne pas se présenter à un point de ralliement lors d'une grande offensive s'ils ne veulent pas venir. Et s'ils viennent, c'est probablement plus dans l'espoir de cimenter leur réputation et d'améliorer leur position par rapport aux uns et aux autres que par désir de vaincre l'ennemi. Mao a fameusement affirmé que le pouvoir politique était au bout du fusil, mais sorti de son contexte, ça ne veut pas dire grand-chose. La politique, c'est souvent l'art de convaincre, par la négociation et la pression, ou d'inspirer les gens à pointer leur fusil dans la direction qui vous arrange. Dans les sociétés féodales ou tribales, c'est encore plus vrai.
»

QU'EST-CE QUI VOUS PLAÎT LE PLUS DANS BANNERLORD ?
« J'aime l'aspect low fantasy de l'univers . J'aime les livres d'histoire, mais je n'ai pas spécialement envie de recréer un évènement historique spécifique. J'aime faire mes recherches historiques en essayant de trouver des personnalités ou des organisations qui pourraient être insérées dans le monde de M&B d'une manière ou d'une autre.

J'aime le mélange de JdR et de stratégie. L'aspect jeu de rôle vous fait vraiment rentrer dans le jeu. Vous pouvez vous plonger dans les paysages, les villes, les villages et bien sûr les batailles. Mais la plupart des JdR ne sont que des variations sur un simple thème. Une personne maléfique fait quelque chose de maléfique et doit être punie. Le héros peut avoir en chemin des choix difficiles relatifs aux dommages collatéraux qu'il va infliger, mais au final, tout cela ressemble à une fable morale. Même dans Game of Thrones, où la bonté est punie et la méchanceté récompensée, il y a toujours un auteur qui fait un choix.

C'est l'une des contradictions humaines les plus ancrées : nous voulons vivre dans un monde où le happy-end est garanti, mais nous voulons également que notre libre arbitre ait une influence. Je pense que la moralité est importante, c'est une sorte de multiplicateur de force, pour utiliser une expression militaire, en politique et en guerre. Si un dirigeant réussit à être bon, ce qui n'est pas facile, ça aide, mais cela ne garantit rien. Vous pouvez essayer d'être l'un de ces dirigeants qui ont marqué par leur vertu et leur sagesse, comme Périclès or Marc Aurèle, et malgré tout voir vos efforts anéantis par le sort.

Dans Bannerlord, il y a environ cinq types de moralités auxquelles vous pouvez aspirer (loyauté réciproque envers les alliés et les vôtres, respect de vos promesses, courage et volonté de se sacrifier pour une cause, compassion envers ceux qui souffrent, et calculs utilitaires à long terme), et il arrivera qu'elles soient en conflit les unes envers les autres. Je pense que les jeux peuvent offrir des perspectives uniques sur l'Histoire, non pas en simulant des évènements ou en prédisant de nouveaux évènements, mais simplement en mettant en lumière des variables, et j'espère que c'est ce que nous parviendrons à faire.
»

DÉCRIVEZ-NOUS UNE JOURNÉE DE TRAVAIL TYPIQUE.
« Je travaille depuis la Californie, et pas en Turquie, donc mes journées sont moins structurées que celles du reste de l'équipe. Je discute avec Armagan deux fois par semaine et ensuite, j'écris des dialogues, du code ou des documents de développement selon les besoins. »

QUEL EST LE PROBLÈME LE PLUS DÉLICAT QUE VOUS AYEZ RÉSOLU JUSQU'ICI ?
« Le jeu n'est pas sorti et je ne sais pas si nous avons résolu ce problème, mais l'un des gros défis est d'avoir des évènements générés dynamiquement par le bac-à-sable qui soient non seulement des bonnes stratégies pour les PNJ, mais qui aient également du sens pour le joueur. Un exemple de choses que nous voudrions éviter, tiré de Warband : nous avons introduit les festins, qui permettaient aux factions de dépenser des ressources pour rafistoler des relations entre seigneurs lorsqu'elles avaient été endommagées par les aléas de la guerre. Mais le problème, c'est que, stratégiquement parlant, le meilleur moment pour organiser un festin était en plein milieu d'une guerre, ce qui ne collait pas vraiment sur le plan narratif. Il y a donc beaucoup d'éléments mobiles dans le jeu, et nous essayons de les faire fonctionner ensemble de manière logique tant en termes de stratégie qu'au niveau de l'aspect JdR. »

SUR QUOI TRAVAILLEZ-VOUS ACTUELLEMENT ?
« Je travaille en ce moment sur des dialogues de quêtes. Ils peuvent devenir assez compliqués, parce que nous voulons avoir beaucoup de petites quêtes qui offrent des choix d'embranchements significatifs, mais qui puissent être données par des personnages ayant des personnalités différentes. Nous essayons aussi de développer une trame principale qui absorbe le joueur, mais qui complémente la lutte pour le pouvoir du bac-à-sable au lieu de donner l'impression de deux jeux fonctionnant en parallèle. »

QUELLE EST LA FACTION QUE VOUS APPRÉCIEZ LE PLUS DANS BANNERLORD ?
« D'un point de vue esthétique, j'adore les Aseraïs, leurs cités et les déserts... C'est en partie pour ça que j'ai choisi de vivre au Moyen-Orient. Mais la faction qui m'intéresse le plus, c'est l'Empire. Il est inspiré des Byzantins, mais sur le plan politique, nous avons beaucoup puisé dans l'héritage politique classique. Les Grecs et les Romains n'avaient pas vraiment d'idéologie, mais ils reconnaissaient certains styles ou certaines postures que leurs dirigeants incarnaient. Les populistes / démocrates étaient passionnés par la justice, mais pouvaient facilement tomber dans une pensée de groupe satisfaisant le plus grand nombre. Les oligarques apportaient expérience et stabilité, mais avaient tendance à confondre les intérêts de leur classe avec ceux de l'état. Les monarques offraient une certaine unité de but à la cité-État, mais étaient souvent arbitraires et tyranniques. Tout cela n'était pas fixe, et les dirigeants pouvaient mélanger ou passer d'une posture à une autre selon les besoins.

Aujourd'hui, la plupart des gens croient aux élections et au suffrage universel, et sont donc ce que les anciens qualifieraient probablement de démocrates très radicaux, mais il y a de nombreux débats sur le type de dirigeants que nous voulons, et je crois que nous verrons les mêmes suppositions et postures, les mêmes compromis entre justice, stabilité et unité auxquels les anciens ont dû se plier. Bannerlord ne se targue pas d'être une analogie du temps présent, les personnages sont tous inspirés de chefs historiques, et non de dirigeants modernes, mais vous y trouverez peut-être des échos intéressants du monde actuel.
»

EST-CE QUE LES COMPAGNONS / HÉROS DISPOSENT D'UN HISTOIRE PERSONNELLE PLUS DÉVELOPPÉE QUE DANS WARBAND ?
« Dans Warband, nous avions concentré beaucoup des éléments traditionnels de jeu de rôle dans le système de compagnon, c'étaient eux qui vous racontaient les éléments d'histoire, leurs préférences vous forçaient à faire des choix, etc. Dans Bannerlord, nous avons réparti de manière plus équitable les éléments de jeu de rôle. Il y a beaucoup plus de compagnons potentiels dans Bannerlord, et ils ont chacun une histoire, mais nous souhaitons que le système de compagnons paraisse plus ouvert. Nous voulons qu'il soit possible pour un compagnon de mourir (ce qui pourrait donner au joueur une motivation pour le venger) ou, alternativement, permettre à un joueur d'associer plusieurs compagnons aux seigneurs. Dans ce but, nous avons enlevé certaines des interactions de compagnon scriptées à l'avance en faveur d'un système plus dynamique. Enfin, plus de seigneurs ont leur propre histoire, et ces histoires ont plus de poids sur le déroulement du jeu. »



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(traduction française par Taleworlds).
Carnet original par Callum.