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  • [RP] Dans l'ombre du Régent

    Bonjour à tous,

    Même si la survie de ce RP est toujours en suspens, vu les résultats du sondage je commence par re-poster les différentes suites. Une suite inédite sera postée en plus ce soir, je la relis pour l'instant.
    Si les résultats du sondage venaient à s'inverser jusqu'à mardi, j'arrêterai simplement de poster des suites.

    Mais ça reste peu probable, merci de votre soutien.

    Dernière précision, les suites re-postées ici contiennent certainement des mots manquants, en trop ou d'autres coquilles. Ce ne sont les suites identiques à celles postées avant à quelques détails, phrases et paragraphes près.


    Journal Personnel

    Milomir Salkanovic

    1er janvier 1936 :

    Mon nom est Milomir Salkanovic, et ce journal m'a été offert la veille par le Prince Paul, régent du royaume de Yougoslavie. Il souhaite que j'écrive pour exprimer mes émotions et ainsi, mieux les dompter. Ce cadeau m'honore, et je perçois la volonté du Prince, dans ce cadeau. Plus que d'écrire mon ressenti, je pense que le régent Paul souhaite que je consigne les futurs événements pour les léguer à la postérité. Etant un proche de la famille royale de Yougoslavie, les Karadjordjevic, il attend sans doute de moi, un regard bienveillant sur la monarchie et le pays.

    Je suis un Salkanovic. Bien que ce nom puisse sonner noble, je ne suis qu'un roturier. Ma famille est de récent lignage, et je dois peu à elle. Mes parents étaient un couple d'artisans-tailleurs de Belgrade. Mon père cousait les costumes des officiers de l'armée de l'empire d'Autriche-Hongrie ; puis lors de la dislocation de l'empire des Habsbourg, ceux des officiers supérieurs du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, avant que celui-ci ne devienne, par l'assassinat d'un député croate par un monténégrin, l'actuel Royaume de Yougoslavie.

    C'est en travaillant pour les officiers supérieurs, que mon père obtint pour moi, une place à l'académie militaire. Loin de le remercier, je partais alors avec joie de cette famille avare, plus soucieuse de son intérêt, que des intérêts des individus qui la compose. Mon père, ne voyait en moi, son fils, que la possibilité de faire tourner mieux ses affaires, de lui apporter mon soutien parmi les officiers de l'armée Yougoslave. Ma mère, battue par mon père et définitivement effacée de la structure familiale, ne conservait qu'une faible tendresse pour moi, celle d'un amour maternel usé par le temps, les coups. Elle obéissait à l'homme au mot près, et reproduisait les actes violents de mon père, uniquement sur mes deux plus jeunes sœurs, n'ayant jamais osé me malmener de par mon statut d'homme.

    Ces sœurs qui ont maintenant 12 et 15 ans, alors que j'en 28, se sont enfermées dans un mutisme infernal, ne s'éloignant jamais loin du père ou de la mère, obéissant à chaque ordre de ceux-ci, ne posant jamais aucune question. Elles étaient et sont les roues bien huilées d'un mécanisme qui les broient, au service de "l'intérêt familial". Etant bien plus vieux qu'elles, je n’eus pas l'occasion de tisser un lien avec ces êtres terriblement silencieux, la parole leur étant d'ordinaire refusée.

    C'est donc sans amertume, ni chagrin que je quittai la jolie boutique de mon père dans le quartier riche de Belgrade pour me rendre à l'Académie militaire de Serbie situé un peu plus loin dans le centre de Belgrade.

    Lorsque je quittai l'académie à l'âge de 22 ans, au terme d'un cursus de 6 ans, je fus engagé dans l'armée de terre en tant que lieutenant grâce à mes bons résultats à l'académie. Affecté à la garnison de Belgrade, je fus rapidement remarqué par ce mes officiers supérieurs appelaient du manque de zèle, mais que je préférais appeler respect du code militaire, au cours d'un violente émeute à Belgrade entre pro-monarchistes et communistes. Appliquant les ordres qui demandaient l'exécution de tous les partisans communistes, je n'avais fait exécuter que les meneurs préférant arrêter tous les autres, devant l'absurdité de cet ordre. Je fus alors félicité par mes supérieurs pour mon discernement, l'ordre originel avait été rédigé par le commandant de la garnison, fervent anti-communiste n'ayant pas pris la considération de cet ordre, qui aurait pu déclencher une insurrection armée des rouges.

    L'armée étant particulièrement ingrate, les excellents exécutants, ne font que rester exécutants, tandis que les réfractaires, les rebelles les "discuteurs" comme on les appelle dans l'armée, car ils ne cessent de discuter les ordres, peuvent rapidement faire carrière s’ils sont officiers. Il va sans dire qu'un soldat qui ne suit pas un ordre, est lui, bon pour la cour martiale.

    Ainsi, je fus ensuite affecté à l'état-major de la police royale en tant que capitaine durant toute une année, jusqu'à la réussite d’une opération que j'avais baptisé "Plan rouge" qui visait à localiser et détruire les caches d'armes communistes. Cette opération fut un grand succès, par son innovation, la police cherchant avant a arrêté les dissidents communistes, j'avais pensé plus habile de s'en prendre à leur matériel et à leur approvisionnement en munitions, ce qui les rendit rapidement inoffensifs. Là encore, je fus applaudit par ma hiérarchie, avant d'intégrer pour mes services l'état-major de l'armée de l'armée avec le grade de colonel, à 25 ans. Plus jeune officier de l'état-major Yougoslave, ma voix devint rapidement inaudible parmi les généraux et maréchaux qui me considéraient à la fois avec condescendance et curiosité. Je ne pus que rarement m'exprimer, mais on m’attribua régulièrement la tâche de faire des rapports des conseils militaires au Régent, le Prince Paul.

    En mars dernier, je rencontrai le régent Paul, venu assister à un conseil de guerre secret, le bellicisme d’Hitler et des allemands était devenu préoccupant. Mussolini inquiétait particulièrement lui aussi, mais surtout les officiers de l’état-major, le Prince Paul faisait une obsession d’Hitler. A cette occasion, lors d’une courte pause, après deux heures de réunion stratégique, j’approchais le Régent, pour lui faire part de mes conseils en matière militaire ; mon côté jeune et innovant lui plut apparemment, car quelques semaines après je fus bombardé conseiller militaire au Palais Blanc de Belgrade, la résidence de la famille royale Yougoslave. Je suppose que cette nomination a dû être appuyée par l’état-major de l’armée qui a dû être satisfait d’obtenir une opportunité de se débarrasser de moi. Cela fait maintenant près de 8 mois que je suis au Palais Blanc, et je me suis lié d’amitié avec le Régent Paul, celui-ci étant très soucieux d’améliorer la situation militaire de son pays, et de laisser celui-ci en bon état au roi légitime, Pierre II, encore trop jeune pour régner.

    Bien mieux que de participer à la direction des armées, j’ai l’oreille du Monarque, bien que le régime soit devenu une monarchie constitutionnelle en 1934, le roi conserve d’importantes prérogatives, notamment en matière militaire, le régime conserve donc une bonne partie de son autoritarisme. Le Régent, me fait part de tout, de l’orientation de la politique extérieure, à la nomination des fonctionnaires régionaux. Fougueux et intrépide, je tempère régulièrement les idées du Régent, m’occupant de rédiger de nombreuses lettres de nominations, mais aussi certains décrets pour lui. Sans famille, je suis devenu froid de cœur, et la chaleur des Karadjordjevic à mon égard, m’a d’abord ému, avant de me replonger dans une certaine indifférence. Ma seule valeur c’est d’avoir l’oreille du Régent, mais depuis aujourd’hui également, sa confiance presque totale, qu’il démontre en m’offrant ainsi ce carnet. Je crois pouvoir dire que je suis une des hommes les plus influents du Royaume de Yougoslavie.

    Situation initiale du pays.

    3 janvier 1936 :

    Je commence à me demander si ce carnet ne va pas finir par me porter préjudice, je me suis beaucoup livré avant-hier, presque de façon expiatoire, et loin de me déplaire, cela m’a apaisé. Cependant, la sincérité de mes écrits les rend dangereux pour moi, il vaut mieux que je les cache.

    Ce fut encore une journée de travail assez complexe aujourd’hui. J’ai reçu les rapports de l’état-major indiquant que les progrès dans l’armement sont encore nettement plus faibles que ceux de nos voisins. Il me semblait avoir pourtant été clair avec ces généraux, il nous faut une armée motorisée, capable de procéder à de rapides percées, ou de désengager de l’ennemi le plus vite possible. Mais l’état-major des armées ne me fait pas confiance, une bonne partie des généraux sont d’anciens communistes ou ont des sympathies avec les rouges, forcément en tant qu’individualiste forcené, mes méthodes ne leur plaisent pas, ils savent la Yougoslavie assez riche en hommes, et s’appuient là-dessus pour leur doctrine militaire.

    Heureusement le reste du rapport fut assez enthousiasmant, l’état-major a validé la commande de nouvelles mitraillettes pour l’armée, les armes automatiques sont bien plus utiles à une armée faiblement entraînée comme la nôtre, que les armes au coup par coup, plus adaptées aux vétérans. Bien que les généraux puissent être parfois opposés quant à la direction à suivre quand on leur demande leur avis, ils obéissent quand on la leur désigne. Le régent Paul n’approuve pas le fait que je donne des ordres à l’état-major avec son sceau et sa signature, que j’ai appris à imiter, mais il laisse faire tant qu’il s’agit de questions militaires, ayant une totale confiance en moi dans ce domaine. Ainsi, je renvoie l’ordre de procéder à une modernisation de l’armée, de la motorisée, sauf que cette fois j’utilise le cachet du Régent et non pas le mien. Notre armée manque significativement de blindés et d’infanterie motorisée, il faut agir;

    Dans l’après-midi, j’ai discuté avec le Régent Paul des approvisionnements en matière première du pays.

    Ennuyé par le fait que je le dérange en pleine partie de Croquet, il fut d’abord désagréable, me conseillant de m’adresser plutôt au Ministre des Echanges et du Commerce. Comme je lui rétorquai, que je n’avais ni le statut ni l’envie de discuter avec un « obligé de sa majesté » quand je pouvais le faire avec lui de l’état grave du pays, il sembla se résigner, s’excusant presque à demi-mots d’avoir de s’être dédouané de sa charge. Il reconnut être fatigué par sa fonction et me remercia étonnamment de la réprimande que je lui avais adressée. En effet, étonnamment, car d’habitude Paul, en homme tumultueux, était bien plus tranché quant à ses activités, et ne supportait pas d’avoir l’impression d’être prisonnier de sa tâche, qu’il occupait depuis sa minorité.

    Nous nous mîmes donc au travail, sous mon autorité. Le régent est maître dans son Royaume et chez lui, mais pas dans son cabinet de travail, ou il s’exécute la plupart du temps, à mes conseils que je lui prodigue non sans une certaine déférence due à son rang.

    Les affaires sont globalement mauvaises, économiquement ce n’est pas très reluisant, nos usines tournent en sous-régime et produisent massivement des petits biens de consommation destinés à l’exportation. Cela est un problème pour le réarmement des armées et l’urbanisation du pays, qui se fera au ralenti. Quant au commerce, donc, je demandai au Régent s’il souhaitait continuer les échanges avec les français. C’est un sujet sensible, car le Régent est profondément francophile, depuis qu’il a passé une bonne partie de sa jeunesse en France. En octobre dernier, il a préféré s’approvisionner en acier auprès des français, alors que les Etats-Unis, affichait des tarifs légèrement plus bas ; mais je n’ai rien dit, pour quelques centaines de milliers de dinar yougoslaves, on ne va pas en faire toute une histoire. Les importations de pétroles sont moins contrariantes, la France n’en possédant pas, la Yougoslavie s’approvisionne depuis près de 3 ans en Roumanie, ce qui limite considérablement les coûts, celle-ci étant limitrophe de la Yougoslavie.

    L’acier et le pétrole sont vitaux pour notre armée, mais Paul ne semble pas le percevoir, comme pour toute question militaire, il s’efface, me conférant presque les pleins pouvoirs. Enfin, exception faite des nazis et d’Hitler à qui il voue une haine féroce, ce qui m’inquiète, s’il venait à s’exprimer publiquement dessus, cela pourrait enorgueillir les communistes à contrôler le pays, ou bien pousser les fascistes à faire un coup d’état, la Yougoslavie étant en Europe, la porte d’entrée vers la Grèce et la Turquie.

    La réunion s’est vite terminée, Paul étant pressé de finir sa partie de Croquet. Partie à laquelle jouait notamment le roi légitime Pierre II, que j’ai croisé plus tard dans les couloirs du Palais Blanc après le souper, accompagné de son précepteur, à 13 ans, il est tout le contraire de Paul, vif d’esprit mais réfléchi, il semble timide, mais je me suis toujours étonné de sa bravoure face à la difficulté, il ne se pose jamais la question de son échec et de ses conséquences. Cela pourrait être un bon roi plus tard, si d’autres événements ne viennent pas empêcher son accession au trône, comme une guerre par exemple…


    L'orientation des recherches sur l'armement

    Le commerce extérieur


    5 Janvier 1936 :

    Cette année 1936 commence bien mal. Avant-hier soir, alors que je venais de terminer d’écrire dans ce carnet, le secrétaire personnel du Régent frappa à ma porte, surpris par l’heure tardive (il était environ 23h) à laquelle celui-ci venait me voir, dans un palais ou il ne se passe habituellement rien, à part quelques réceptions avec la haute société Serbe et Belgradoise.

    Mais l’homme semblait très inquiet, je me rendis alors compte avant qu’il ne prononce un mot, qu’un problème avait dû avoir lieu avec le Régent. Ses vêtements légèrement défaits, et son poignet gauche faiblement entaillé laissait deviner certainement une lutte.

    Le secrétaire ne put prononcer, essoufflé (le palais est en fait, très grand), que « télégramme…Mussolini… ». Sans attendre la suite, je devinais les événements, et fonça à la salle radio du palais, en bousculant malencontreusement l’homme. J’arrivai sur les lieux rapidement, et aperçu à l’extérieur de la salle, le Régent, maîtrisé par trois gardes royaux. Un couteau dans la main, le régent se débattait contre les gardes, qui tentaient tant bien que mal de respecter le Monarque, dont la personne est sacrée.

    Je demandais aux gardes de contenir le Régent, qui était hors de lui, pendant que, le plus vite possible j’entrais dans la salle et essayais d’obtenir des informations auprès télégraphiste, qui semblait avoir été chahuté, lui aussi. Celui-ci m’expliqua rapidement que Mussolini avait envoyé une demande d’aide pour son invasion de l’Ethiopie, il souhaitait que nous lui envoyions 2 divisions de volontaires. Je compris vite alors, que Paul devant la demande, qui est plus un affront, une insulte, au soutien que la Yougoslavie et que le Régent en personne avait exprimé au Négus, l’empereur d’Ethiopie, lors de l’intervention de celui-ci à la société des nations pour dénoncer l’invasion Italienne. Mais le caractère insultant du télégramme, vient aussi du fait que Mussolini ne s’adresse pas au Régent directement, ou à Pierre II le futur Roi, comme en aurait été l’usage, mais au « Peuple souverain » de Yougoslavie. Le régent abasourdi face à ce déni de son pouvoir, avait alors dû se saisir du couteau, sur le plateau-repas du télégraphiste et, pris d’une rage folle, attaquer tout le monde sans discernement. Il n’y avait rien à faire, sinon attendre que son accès de violence passe.

    La royale colère partiellement retombée (en réalité, le Régent s’était surtout épuisé à force de se débattre face aux gardes), Paul ordonna qu’on envoie un télégramme de réponse, avec pour objet une insulte. J’interrompit immédiatement le Monarque en contre-ordonnant que l’on en réponde rien. La manœuvre était risquée, et j’aurais pu perdre ma place pour avoir concurrencé Paul. Celui-ci, assis par terre, car terrassé par l’effort, sembla ne pas apprécier, mais immédiatement, je m’abaissais à son niveau lui disant, « Il serait bien plus digne, sire, de répondre à l’insulte et à la provocation, par la démonstration de force. ». Face à son air circonspect, je lui expliquais qu’il serait bien mieux en réponse à ce télégramme, de masser une partie de nos troupes à la frontière Italienne, et de les faire procéder à des manœuvres, des exercices. L’idée parut lui plaire, et se radoucissant, pris le chemin de sa chambre silencieux ; avant d’hurler dans le couloir « Milomir, recommencez cela, et je vous fais fusiller ! », visiblement pour se donner une contenance, il n’en ferait rien, j’ai su protéger ma place et me rendre indispensable, même si je ne suis pas intouchable.

    Très tôt le lendemain je lançais donc, le regroupement de certaines divisions autour de Belgrade pour prendre la direction de l’Istrie et de la frontière Italienne. Il a fallu nommer un chef d’état-major pour le corps d’armée procédant aux manœuvres. Le choix du Régent se portant d’abord sur un général ancien communiste, je rectifiais alors sans aucune gêne, pour nommer un fidèle au régime, le général Vladimir Cukavac. Le régent laissa faire.

    Une fois Cukavak informé de son nouveau poste, je procédais à la liste détaillée des manœuvres que ses troupes devraient effectuer, nous y passâmes la journée, arrêtant le début exercices au 7 janvier, Cukavac a bien compris son rôle, montrer et surtout démontrer la force de l’armée Yougoslave aux italiens. Grand bien m’a fait de nommer Cukavac, celui-ci m’a confié entre deux plans, m’être tout à fait loyal, qu’au-delà des communistes et des fascistes d’autres personnes s’activent dans le pays. Ce qui fut la première bonne nouvelle de l’année.


    6 Janvier 1936 :

    Les divisions de Cukavac sont parties hier soir, elles sont peu nombreuses la plupart étant déjà à la frontière, attendant le nouvel état-major que j’ai fabriqué avec mon « loyal » général comme il s’appelle.

    Aujourd’hui fut une journée bien plus calme, mais tout aussi capitale pour la Yougoslavie. Je consultais des rapports vers 7h ce matin, quand j’aperçu que nos usines d’armement tournaient au ralenti. Je procédais ensuite à de rapides calculs et constata que celles-ci sont également trop peu nombreuses.

    Piqué au vif, par le fait que seul moi semble avoir de l’intérêt pour nos troupes dans ce palais de marbre, je me dirigea alors vers la grande salle de réception ou le Régent et sa famille ainsi que les plus hauts fonctionnaires résidant, ou de passage au palais, mangeait. J’arrivais juste à temps et m’assit à la grande table qui accueillait ce matin une quinzaine de personnes, c’était dans la moyenne : il y avait là, une dizaine de membres de la famille royale, ainsi que le ministre de l’industrie, celui des finances, un autre conseiller du Régent, le gouverneur de Moravie et le maire de Belgrade. Le repas fut comme chaque matin assez agréable de par la décontraction du Régent à cette heure de la journée. Rapidement tout de même, je pris les devants et interpellant le ministre de l’industrie, lui demanda pourquoi nos usines militaires tournaient au ralenti. Interloqué par la froideur de mon ton (je l’avoue, j’ai été un peu rude sur le moment), il m’avoua que des grèves provoquées par les communistes étaient en cours. Les rouges. Toujours eux évidemment, comme je les hais en cet instant. Je n’insista pas sur le rendement des usines, mais je demanda alors au ministre des finances, si le trésor pouvait financer la construction de nouvelles usines d’armement, il me répondit par l’affirmative, évoquant les fabuleuses rentrées d’argent que nous font faire les exportations de chrome et d’aluminium ; mais il rappela que seul le Régent pouvait donner l’ordre de construire ces usines. Déranger le Régent à cette heure matinale est rarement une bonne idée, celui-ci avait d’ailleurs l’air fort fâché de notre conversation qui lui rappelai un peu trop le travail, je décidai donc d’attendre avant de lui parler.

    Vers 11h, je pus voir le Régent sur le Perron du palais avant qu’il ne parte pour recevoir un hommage en ville, raison pour laquelle le maire de Belgrade était là ce matin. Je lui demandai alors pour ces fameuses usines militaires dont nous avons un besoin urgent. Contrarié par ma requête, qui au-delà de son travail, faisait apparaître le spectre de la guerre, il tenta de fuir la conversation, prétextant que le texte n’était pas encore écrit et qu’il ne pouvait donc rien signer. Cependant je connais un peu trop bien le Régent, et j’avais prévu qu’il se déroberais, en ce qui concerne la guerre et le combat, il n’est pas avare de mots, mais l’est en termes d’action ; je sortis alors rapidement de mon porte-document le texte de décret que j’avais rédigé dans la matinée et signé par le ministre de l’industrie. Acculé, le Régent attrapa son stylo plume que lui tendait un valet, et signa rapidement, avant de m’accorder un sourire assez glacial. Nos relations se dégradent au fur et à mesure que j’empiète sur ses prérogatives, et d’habitude j’essaie de lui laisser croire qu’il contrôle tout, mais tout à l’heure je n’avais juste pas le choix, ces usines sont vitales. J’envoya le décret immédiatement à l’enregistrement.

    Paul revint le soir, visiblement très fatigué par la sortie, mais il décida de m’accorder une heure pour que nous puissions travailler ensemble. J’apprécie qu’il se consacre autant à sa tâche, cela lui donne une bonne image, celle d’un souverain travailleur, c’est bon pour le peuple, et mauvais pour les communistes un roi qui travaille.

    Une fois dans son cabinet, Paul m’évoqua la Yougoslavie, et la grandeur qu’il souhaite lui inspirer, en temps normal, je n’aurais pas écouté, pensant qu’il tentait de repousser la lecture des multiples courriers diplomatiques, rapports, et autres doléances importantes. Mais là, son envie pouvait servir mes desseins, et cela m’intéressait. Il me demanda conseil sur la façon de donner une image positive de notre pays, une image d’un pays moderne, ouvert, puissant, tout ce que la Yougoslavie n’est pas. J’abrégeai la séance de travail, et laissa Paul aller souper, pendant que moi, je réfléchissais à ces paroles. Plus que d’améliorer l’image du pays, je souhaitais améliorer l’image de Paul, car celui-ci populaire et manœuvré par moi et le palais pourrait nous débarrasser du communisme dans le cœur des gens. C’était difficile, la popularité d’un Monarque ne se gagne pas comme cela, et j’ai bloqué pendant une bonne partie de la soirée dessus. Mais je pense avoir une idée intéressante maintenant, Paul pourrait essayer de se proclamer l’unificateur des différentes ethnies du pays, serbes, croates, monténégrins, bosniaques s’affrontent et divisent grandement le pays. En se plaçant avant tout comme Yougoslave et non comme serbe, pourrait être une figure de rassemblement au-delà des différentes nations qui composent le pays. Se placer au-dessus des conflits pour les résoudre… Cela me paraît bien hasardeux, mais pour des esprits faibles cela doit fonctionner je pense, la bourgeoisie serbe ne sera pas contente, mais la classe populaire sera alors unie, et il sera plus facile de l’arracher des mains des communistes. Je pense que je vais essayer, on commencera avec quelques interventions de Paul dans les journaux.

    En parlant de communiste, ce problème de grève dans les usines est une vraie épine dans le pied, et même si j’ai horreur de cet homme, j’ai pris contact ce midi avec le parti communiste en vue de rencontrer le secrétaire général du parti, demain pour le déjeuner, Josip Broz un ancien repris de justice, que ses camarades appellent Tito.


    Le regroupement de troupes à la frontière italienne.

    La popularité de Paul (et donc de la monarchie) et la construction d'usines militaires en Morava.

    7 Janvier 1936 :

    Cette nuit, je dormis très mal ; l’esprit tourmenté par mon travail. Je n’avais guère envie de rencontrer ce Tito, les communistes n’ont aucun honneur quand il s’agit d’atteindre leur but, la propriété collective des moyens de production. Je me morfondais dans l’angoisse et la peur, les heures passant, il allait bientôt faire jour. Le déjeuner devait se dérouler dans un parc de Belgrade, les restaurants de la Capitale et les cuisines du palais étant bien trop bourgeois pour le parti communiste ; cela me déplaisait fortement car, dans un parc, les rouges n’auraient aucune difficulté à m’enlever ou à m’assassiner. L’aube pointa finalement, et toujours secoué par les différentes hypothèses qui me torturaient, je me levai.

    A 6h30, avant d’aller déjeuner avec le reste du palais, je passai par la salle radio et ordonna au télégraphiste de communiquer à l’état-major du corps d’armée de Cukavac, la validation du début des manœuvres. Puis je me rendis dans la salle de réception pour un contrôle inopiné des goûteurs du palais. A ce moment-là, j’étais de très mauvaise humeur et essayais par tous les moyens de me divertir. Les goûteurs avaient bien fait leur travail et le repas se déroula sans encombre.

    Je passais le reste de la matinée avec la dizaine de garde royaux chargés de ma sécurité pour ce midi. Ceux-ci, bien que faisant partie de l’élite de l’armée Yougoslave, semblaient aussi inquiets que moi. Je demandai au sergent responsable de l’escouade de se doter d’une dizaine de grenade par précaution. Comme tout l’armement du palais, celles-ci étaient allemandes. En effet, c’est un secret de polichinelle que l’Allemagne s’est remis à fabriquer en grande quantité des armes de bonne qualité, de si bonne qualité par rapport à nos armes nationales, que j’avais secrètement passé en Août dernier, un accord avec un industriel allemand pour que celui-ci équipe la garde royale forte de 200 hommes. Le régent n’a rien su de cela, car nul doute qu’il m’aurait limogé sur le champ.

    Finalement midi arriva, et je me rendis en voiture blindé dans ce parc de la banlieue de Belgrade. A notre arrivée, les rouges nous attendaient déjà armés pour certains, de mitrailleuses russes, Staline avait été généreux. Masquant mon anxiété j’avançai sans hésiter dans l’unique allée. Rapidement j’aperçus un banc avec un homme assis et trois autres autours ; sans doute Tito pensais-je. Et effectivement, en approchant, l’homme me salua et se présenta comme le secrétaire général du parti communiste. Immédiatement je me présentai à mon tour « Colonel Salkanovic, conseiller militaire de sa majesté, le Régent », ce qui sembla amuser Tito, qui m’invita à m’asseoir. Tandis que je m’exécutais, les huit gardes royaux (deux étant restés à la voiture) se plaçait de façon à surveiller les rouges armés, et à bloquer leur ligne de tir sur moi.

    Excessivement prudent moi-même, j’avais conservé un pistolet britannique et un allemand. Tito était un homme rondouillard et bien plus petit, que ne le laissais deviner la propagande communiste. Les yeux perçants et les cheveux huilés vers l’arrière du crâne, il ressemblait à un rapace assez balourd. Le toisant encore, il embraya : « Nos grèves vous perturbent donc, camarade Salkanovic ? »

    Je lui répondis par l’affirmative, l’incitant à les arrêter pour soutenir la préparation guerrière face aux fascistes italiens. Il invalida mon argument en rappelant que le « camarade Staline » et l’URSS entretenaient des relations cordiales avec l’Italie de Mussolini. Je précipitai alors les choses :

    « -Communisme et fascisme sont des idéologies opposées, le prolétariat n’est-il pas censé régir le monde ? »

    « -Rien ne presse, l’heure des fascistes viendra plus tard. »

    « -Je pensais que vous étiez moins pragmatique et plus idéaliste que cela ; je suppose que vous souhaitez des sièges au gouvernement ? »

    « -Le parti communiste Yougoslave se contentera des ministères de la police et de l’enseignement, cela apaisera sans doute la juste colère des travailleurs. »

    « -C’est absolument exclu, vous ne corromprez pas les esprits de nos policiers et ceux de nos enfants. »

    « -Je n’ai pas d’autre proposition, et ce que le prolétariat n’obtient pas de la bourgeoisie par la menace, il le récupère par l’exécution de la menace. »

    « -Votre prolétariat ne fera pas long feu face à la propagande de l’Etat et aux arrestations. »

    « -Vous n’en ferez rien, car cela apporterait au fasciste le pouvoir sur un plateau d’argent. »

    Face à la discussion qui envenimait, les hommes à côté devinrent nerveux, et bien qu’extrêmement en colère, je décidais donc, de couper court à l’entrevue. Je me levai alors brusquement et déclarai « Je préfère la chemise à la Chapka. », puis partis rapidement, tandis que Tito toujours aussi décontracté me lança un « Alors les travailleurs marcheront sur votre cadavre. ». Les gardes me suivirent en repartant, et je me rendis compte que la discussion fut si violente et courte, que nous n’avions pas eu le temps de passer à table.

    Le début des manœuvres.

    9 Janvier 1936 :
    Voilà deux jours que je songe au dilemme que m’a laissé Tito, ne rien tenter contre lui ou encourager les fascistes. Mais ce que j’imagine que Tito n’envisage pas ce serait d’appuyer les démocrates suffisamment pour entreprendre des actions contre les communistes qui ne profiteraient pas aux fascistes. Toujours est-il que les grèves continuent, les usines fonctionnent toujours, mais leur productivité est en baisse. Pour remédier à cela, j’ai conseillé par télégramme aux directeurs des usines concernées d’augmenter les salaires pour toute la durée des grèves, ce qui devrait réduire les rangs des grévistes notoirement.

    La journée d’hier fut entièrement consacré aux déplacements de Paul dans les radios locales et dans les rédactions du pays. Je l’accompagnais, bien sûr, toujours vigilant quant à l’image qu’il devait renvoyer. Perdu, il se montra assez soumis, mais je sentais que son ressentiment à mon égard était croissant. Qu’importe, pourvu qu’il serve mes intérêts et ceux du pays donc. Le Régent ne se montra donc pas avare de déclaration fédératrice telle que « La Yougoslavie n’a pas une nation, mais plusieurs, qui forment à mes yeux, une grande famille. ». A la fin de cette journée, dans la voiture sur le retour, Paul me demanda craintivement d’arrêter de m’occuper de sa communication. C’était à prévoir, il sent qu’il se trame quelque chose mais ne sait pas quoi. Je répliquai alors que si la guerre est une joute physique, la discussion est une joute verbale, et que la communication est un combat contre l’opinion, et que donc cela est parfaitement de mon ressort. Vexé, le Régent préféra baisser la tête et ne me parla plus de la soirée.

    Ce matin, le Régent a voulu travailler, ce qui assez inhabituel, car il préfère travailler tardivement dans la journée. Dans son cabinet de travail, pendant qu’il lisait le compte-rendu des finances mensuel, je m’attaquais aux dépenses sur l’aviation, qui étaient quasi nulles. L’aviation Yougoslave est en effet, le talon d’Achille de notre armée. Le pays compte seulement deux aérodromes militaires, 96 chasseurs, ce qui est très faible et aucun bombardier ; désabusé, je commençais à croire que mes efforts de redressements du pays seraient vains face à la machine de guerre fasciste. Cependant je m’attelais rapidement à un plan de restructuration de l’aviation. Je n’eus pas le temps d’aller très loin, que le Régent se leva, se plaça face à moi, et me regarda sévèrement. Surpris, je ne perdis pas cependant ma contenance, et continua, mimant une certaine imperturbabilité. C’est alors qu’il s’adressa à moi. Tremblant de colère, il me dit savoir ce que je fais dans son dos. Très étonné, et me sentant acculé, je lui demande de développer. Plus énervé encore par ma sérénité qui n’était qu’apparente, il s’embrasa, me hurlant connaître mon aversion pour les communistes et mes manœuvres régulière pour les déstabiliser ou au moins les empêcher de progresser. Je lui répondis alors, lui demandant quel mal y avait il a marginalisé de dangereux ennemis du pays. Quelle ne fut pas ma surprise, quand il m’annonça être l’ami de Staline. Hébété et incapable de tirer un raisonnement sur ce fait, il enchaîna, et affirma que Staline lui écrivait régulièrement pour lui dire quel bon souverain il était, et quelle intelligence ressortait de la gestion du pays. Tétanisé par l’information, je perçus que l’ennemi était entré bien plus en avant dans la forteresse que je ne l’avais estimé. Se frayant un chemin par l’esprit fragile et simplet du Régent, le communisme avait investi le palais et était prêt à faire chavirer le bateau Yougoslave, Staline avait comme moi profité de la faiblesse du Régent, mais dernièrement je m’étais désengagé de l’amitié avec Paul pour me consacrer plus ardemment au pays.

    J’étais presque arrêté déjà par ces simples mots, ce qui me désinhiba complètement, je me levai à mon tour, et ordonna à Paul fermement de retourner s’asseoir à son bureau. Il se recroquevilla alors et péniblement sortit un faible « non ». Face à cette faible résistance qu’il m’opposait, je commandais plus fermement encore à cet homme de 20 ans mon aîné, de s’asseoir. Paul sembla hésiter, puis retourna à son bureau. Je pris alors mon fauteuil et m’assis en face de lui. Je lui parlai pendant une bonne heure alors, lui disant que les ennemis de la nation avaient tenté de le séduire, mais que tous ici, au palais, étions résolus à l’aider à vaincre les idées rouges qui s’étaient déversés dans son esprit. Je pense avoir réussi à le convaincre qu’il a été manipulé par nos ennemis. A la fin de la session, il se mit à sangloter, me demandant pardon, je m’approchai alors de lui, et lui dit « Sire, ma fidélité vous est acquise, laissez-moi vous aider, laissez-moi détruire le mal qui vous habite, laissez-moi m’occuper de notre politique intérieure. » Traumatisé, le Régent ne pipa mot, je le sommais alors de se reprendre, que l’on ne combat pas l’ennemi avec des larmes. Je le ramenai alors dans sa chambre, avec pour instruction à ses valets de le maintenir ici, le Régent étant « malade », il est « atteint de démence », « une crise certainement passagère », puis je convoquai les médecins, avant de me retirer.

    Je pense avoir suffisamment brouiller les idées de Paul pour qu’il puisse agir avant quelques jours. L’après-midi, je restai néanmoins sur le qui-vive, bien que continuant à travailler : dans la logique de démonstration de force faite à l’Italie j’ordonnai le départ de notre flotte pour une patrouille de plusieurs mois en mer Adriatique. Travailler ainsi, m’évitait de penser aux événements.

    Le soir, je réalisai que Paul n’était plus un danger, et me concentrai plus avant sur le choix que m’avait laissé Tito. Alors que les médecins arrivaient pour me confirmer un trouble mental temporaire de Paul, j’étais toujours plongé en pleine perplexité, fascistes ou démocrates ? Nul doute que les fascistes redonneraient son importance à l’armée et pérenniserait la paix avec l’Italie, mais les démocrates est le choix le plus sage à défaut d’être le plus raisonnable. Un médecin me sortit de ma réflexion, me demandant si un événement particulier avait pu troubler à ce point le Régent, je répondis par la négative, mentant délibérément.
    Je ne mangeai pas ce soir, le pouvoir m’avait changé, rendant la compassion impossible pour le Régent. Cela me bouleversait, mais pas longtemps. Je réalisai, que je ne devais mon salut qu’à moi, et que j’agissais pour le bien du pays en fin de compte, je ne pouvais donc me le reprocher. Mieux, j’allais agir en ce sens. Je prends donc maintenant la décision d’aller au service des postes demain pour ré-aiguiller toute lettre d’URSS vers moi, et de m’introduire dans la chambre du Régent, pour détruire celles existantes. Je ne dois pas me laisser guider ma mes émotions, uniquement par la raison d’Etat.

    La marine nationale patrouillant dans l'adriatique.



    La composition de l'armée de l'air.


    14 Janvier 1936 :

    Après les différents cataclysmes du début de l’année, que ce soit Paul qui perds peu à peu la tête, les communistes de Tito qui ne cachent plus leur hostilité à mon encontre et leur soif de pouvoir, ou ma propre dérive ; je me suis absenté. En effet, le 10 janvier au matin, je donnai les consignes au service des postes du Palais puis je fouillai dans les affaires du Régent durant le déjeuner afin de trouver la correspondance avec l’ogre à moustache. Je la trouvais rapidement, et la brûlai plus tard dans la journée sur mon balcon, après l’avoir épluché. Ce jour-là, je n’ai pas pu travailler, rattrapé par mes propres démons. Je m’étais rendu compte qu’en l’espace d’un peu plus d’une semaine, je m’étais crispé sur le pouvoir, refusant tout intrusion du Régent dans ma gestion. J’en étais venu à considérer les fascistes comme une solution agréable, ceux-ci me porteraient certainement à la place du Régent si je les soutenais.

    Alors, regardant mes actes et décisions, j’organisai un voyage de quelques jours, en Roumanie. Armand Calinescu, est un bon ami, avec qui j’ai eu l’occasion de discuter, et c’est un des rares dirigeant d’Europe de l’Est à avoir été élu, et à souhaiter pérenniser la démocratie Roumaine. Je suis parti le 11 au matin signalant simplement mon voyage au secrétaire du Régent, celui-ci souffrant toujours de démence, afin de demander conseil à Calinescu. Arrivé à 18h à l’aérodrome de Bucarest, Armand m’attendait en bas de l’avion. Je le serrais contre moi, dans une accolade. Il me parla, avec son accent serbe très tranché, du vol dans un premier temps. Je le remerciai de sa sollicitude et nous rejoignîmes le palais présidentiel à Bucarest. Le dîner fut assez frugal, point de différence notoire entre un Monarque et un Président. Armand semblait assez heureux de me voir, et tous les deux, nous nous rappelions euphoriquement notre rencontre au Palais Blanc, il y a 8 mois, alors que je venais d’y être intégré. Lui était présent, pour un voyage diplomatique assez tendu, Paul étant assez imbu de lui-même, et ayant du mal à reconnaître les gouvernements élus, en tant que monarque souverain, il choisissait lui-même la composition du gouvernement Yougoslave. Paul n’a de toute façon jamais été très doué pour la diplomatie. J’avais remarqué immédiatement Armand pour son intelligence, et sa fine analyse. Nous avions beaucoup discuté, et amusés autour de verres d’alcool roumain. Il n’a rien perdu de son aptitude à boire d’ailleurs. La soirée se finissait, Armand fatigué, me montra ma chambre et alla fumer un cigare.

    Les jours suivants se déroulèrent bien, Armand se consacrant à moi, visiblement assez inquiet par la tournure que prenaient les choses en à Belgrade. Il me conseilla l’action dans un déjeuner avec ses ministres. Dans cette conversation, qui me restera mémorable, Armand, la bouche pleine de gâteau au sucre, me rappela que bien faibles étaient les défenseurs de la démocratie en ces temps. Aussi faibles en action, qu’en nombre. Sa voix devint dure, et il éructa subitement : « Milomir, vous n’êtes pas l’un de ces démocrates, vous avez le pouvoir d’agir, et bien agir ; et vous ne faites que pousser votre pays à la guerre avec l’Italie. Cessez de penser aux armes ! Recentrez-vous sur votre rôle au sein du palais et du pays. » Je lui répondis que la bêtise, était de ne pas croire à une guerre imminente, de ne pas se concentrer sur l’armée. Pas moins virulent, il argua que plus dangereux que les fusils italiens, il y avait la sottise de notre gouvernement, qui continuait d’encourager un peuple paysan, alors que l’avenir est dans l’industrie. Je perçus assez mal sa critique, mais celle-ci finira je l’espère, par raisonner par la suite.

    Finalement, hier, je décidai de repartir le soir-même. Le moment n’était pas à la fuite mais au travail, j’avais eu tort de me défiler quelques jours plutôt, face aux lourdes décisions que j’avaient prises. Arrivé dans la nuit à Belgrade, je pu constater le nombre d’affiches communistes dans les rues, ce qui avant aurait pu m’indigner, mais là, cela me laissa songeur. J’imaginai ces colleurs d’affiche, convaincus, d’agir pour le prolétariat international, en plongeant son pinceau dans le seau de colle. Je le voyais placer l’affiche consciencieusement, évitant bulles d’air et déformations, et une fois l’ouvrage finit, je lui sentais la conviction d’avoir œuvré dignement pour le genre humain. Quel était donc le secret du moustachu pour arriver à une telle maîtrise d’un esprit inconnu pour lui ?

    Ce matin, je me levai convaincu de rien, sinon de la charge qu’il allait m’incomber désormais. Au lieu de travailler un peu puis d’aller manger par la suite, je préférai me rendre dans les quartiers de la garnison. Là résidait la garde royale. Les hommes me saluaient sur mon passage, qui me conduisit jusqu’aux appartements du commandant de la garde royale, le Capitaine Simonsz Tepgrov. Celui-ci, surpris par ma visite, m’accueilli par une poignée de main, ce qui n’était pas conforme, le salut militaire concernant tout soldat subalterne envers ses supérieurs, gradé ou non. Mais je n’en dit rien, l’homme avait la cinquantaine, et j’imagine fort bien sa difficulté à se soumettre, à un colonel de 28 ans. Tepgrov est un nom russe, le capitaine fait partie des réfugiés russes de la guerre civile, il a combattu parmi les blancs en de 1917 à 1920. Il n’a jamais rien su de son affectation à ce poste prestigieux de commandant de la garde royale, mais il la doit à moi, qui ait pris l’habitude de remplacer tous les rouges à des postes clés, par des gens qui comme moi, devraient les avoir en horreur. Tepgrov me demanda la raison de ma venue, je saisissais alors une chaise, l’invitant à s’asseoir de même, et entamai. Je lui fis comprendre à quel point il devait m’être reconnaissant de par son poste, puis insinua discrètement que la garde royale est un pivot indispensable pour contrôler le palais. Simonsz parut dans un premier temps perdu, puis réticent, quand je lui exprimai mon intention, de vouloir être sûre de la loyauté de la garde à moi avant tout. Conscient de cela, j’adaptai mon discours, et promis que la loyauté envers le Colonel Salkanovic appelait toujours à certains avantages, il se détendit alors et nous commençâmes à négocier, je promis un statut spécial pour tous les soldats de la garde royale, à la fin de leur service. Un statut qui leur conférera une pension de base pour leurs vieux jours. J’ajoutai à cela la possibilité de gagner en grade en cas de retour dans l’armée régulière, après leur service dans la garde. Conquis, Tepgrov m’assura de sa fidélité, tant que ses avantages seraient d’actualité, puis il convoqua tous les lieutenants de la garde qui n’étaient pas de quart, et leur servit une version plus discrète et édulcorée de notre conversation. Parlant de loyauté au « Colonel Salkanovic » avant « QUICONQUE » ou encore « d’obéissance aveugle », précisant que cela leur serait rendu au centuple. Je m’adressai alors à la dizaine de lieutenants présents, ordonnant la présence perpétuelle de gardes en factions devant la chambre du Régent, interdisant toute entrée et sortie de nuit, ajoutant que celles-ci devraient être renseignées dans un carnet le jour. Les officiers répondirent par le salut militaire prévu.

    Plus tard dans la journée je me rendis dans la chambre du Régent constatant que les factionnaires étaient bien présents. Le Régent assis sur un fauteuil, le regard vide, et à peine habillé, paraissait avoir perdu tout substance. Je commençai alors en lui signalant que Calinescu le saluait, et poursuivit en lui demandant s’il se sentait capable de travailler. Médusé, il m’intima simplement l’ordre de sortir. Je m’exécutai sans discuter, satisfait de cet état de résignation dans lequel il stagnait.


    La soirée fut un peu plus sereine pour moi, je repris mon travail avec une certaine jouissance, par le fait de maîtriser tous les éléments du palais. Je travaillai donc tranquillement, constatant l’état déplorable des armées une fois encore, à travers l’insuffisance de la production du matériel militaire. « Maudites grèves » pensais-je. Pas encore contrarié, je poursuivis, mais m’arrêtai soudainement au bout de quelques minutes. Je ne contrôlais pas tous les éléments du palais, j’avais négligé un personnage à la fois très important et insignifiant : Pierre II. J’avais oublié l’enfant, et cela acheva de me contrarier. Pierre II est la clé de voûte du Pays, s’il meurt, la monarchie se fragilise indéniablement. Il lui faut une surveillance plus adaptée, de plus qu’une éducation que je superviserais désormais par le choix de ses précepteurs. Une fois sous contrôle, je pourrais modeler Pierre II à ma convenance. Quelle ironie que l’ensemble d’un système monarchique soit sous le contrôle d’un roturier.

    16 Janvier 1936 :
    Le palais est toujours sous ma férule. Paul est aussi soumis qu’une catin payée, et cela est très agréable. Mon manque de compassion pour lui me rongeait, avant ; désormais il m’encourage. Je vois en le Régent un personnage faible, et même si les faibles doivent être aidés, quand il s’agit de pouvoir, il est naturel qu’ils soient évincés. Paul reste donc cloîtré dans sa chambre, et il se dit parmi la cour, que je séquestre le Régent contre sa volonté. Fort de la loyauté de la garde, j’ai alors incité ce matin Paul à sortir prendre ses repas comme avant, avec sa famille. Il m’a écouté, sans broncher, et a donc déjeuné au milieu des courtisans ce midi.

    Pierre II m’a posé quelques soucis hier, mais rien d’insurmontable. Je suis passé le voir dans sa chambre hier après-midi lors de ses leçons avec son précepteur. Je demandai à assister à celles-ci, le professeur et l’élève, me toisèrent alors d’un air curieux, mais finalement, acceptèrent. Le précepteur dont j’ignorais le nom était un bon enseignant, parlant de littérature, et bien que j’ignore beaucoup de ce sujet, l’air captivé de Pierre ainsi que l’indéniable intelligence de ses propos le laissait deviner. Je demandai sournoisement au bout d’une heure, si le professeur pouvait aborder l’actualité du monde, afin d’initier le jeune roi à la politique internationale. L’homme s’exécuta, tandis que je scannais chaque phrase qu’il prononçait, tentant de déceler une quelconque sympathie pour le régime stalinien. Mais l’exposé fut clair et sans aucun reproche, je décidai donc de maintenir ce précepteur provisoirement, le temps de rédiger des instructions claires d’instruction, et s’il ne s’oppose pas à celles-ci, il sera maintenu. La fin de l’après-midi arriva et je quittai la pièce avec l’enfant et l’homme, à la fin du cours. Le professeur s’éclipsa rapidement, mais Pierre continua à me suivre plusieurs minutes dans le palais, je me retournai alors conscient que le jeune roi me provoquait délibérément. Pierre ne sembla pas se démonter, et s’arrêta, je vins alors à sa rencontre.

    « -Votre majesté, vous êtes perdu, vous cherchez quelqu’un ? »

    « -Je cherche le diable mais je l’ai déjà trouvé, cependant celui-ci refuse de sortir du palais. Aujourd’hui, il a franchi un cap, quand il a décidé de s’en prendre à moi, à travers mon précepteur. » Répondit, il.

    Pas décontenancé par la menace d’un enfant, d’un roi sans pouvoir, je répliquai :

    « -Majesté, vous avez passé tout ce temps derrière moi, à préparer cette phrase ? »

    « -Eh bien…je…euh. » Balbutia-t-il.

    Touché ! Il n’est jamais difficile de moucher un enfant.

    « -Votre majesté, si se débarrasser de vos ennemis fais de moi le diable, alors j’accepte ce statut avec plaisir. », continuais-je avec un sourire cynique.

    Le visage de l’enfant qui était jusque-là emplit de courage et de fierté, sombra dans un certain trouble. Comme s’il se mettait à douter de ce qu’il pensait avant. Surpris par mon effet, que je voulais plus déstabilisant que cela, je mis un genou à terre et me rapprocha du visage de l’enfant :

    « -Qui vous a dit que j’étais le diable, sire ? »

    « -Je ne vous le dirai pas, car vous vous vengerez après. »

    « -Mais non, n’est pas homme celui qui ne sait pas recevoir la critique. Rassure-toi, je ne dirai rien. »

    « -Eh bien, c’est mon oncle Paul qui me l’a chuchoté ce matin à table.

    « -Merci Sire, retournez voir votre mère maintenant, vous allez passer à table. »

    Bien sûr, je ne comptais pas tenir la promesse que j’avais faite à Pierre. Déroger à une promesse n’est pas honorable, mais cela me remplissait d’indifférence. Lorsque le pouvoir est en jeu, les promesses faites à un enfant, ont une valeur bien réduite. Tout est bon pour maintenir mes intérêts et ceux du pays. En colère, je me rendis en trombe dans le chambre de Paul, les factionnaires, me laissèrent naturellement passer, et j’ouvris la porte avec fracas dans une certaine théâtralité. Paul devint livide quand il me vit. Il se terra plus au fond de son fauteuil, l’air terrifié. Je lui hurlai alors que tout Régent qu’il était, son royaume serait détruit depuis bien longtemps, s’il avait dû s’en occuper seul. Je continuai, le traitant d’incapable, de monarque fantôme, le sommant de ne plus vilipender des rumeurs sur moi. Je vis alors, la monarchie s’écrouler sous mes yeux. Paul, tremblant de peur, se jeta à mes pieds, implorant ma clémence. Curieuse scène que celle-ci, quand je me la remémore. Un monarque suppliant un roturier à genoux. Grisé par la sensation de pouvoir sur le détenteur du pouvoir suprême, je lui pardonnai. Ce qui fut une erreur, il aurait mieux valu le placer dans une situation de débiteur par rapport à moi. Je déchantai rapidement quand en sortant, j’aperçus le secrétaire du Régent qui visiblement avait entendu nos cris bien que ne pouvant approcher à cause des gardes. Sans hésiter, et alors que je le vis s’enfuir, je me lançai à sa poursuite. J’aurais pu demander l’aide au garde, mais l’accès à la chambre du Régent aurait alors été libre. Le secrétaire, pas habitué aux exercices physiques ne tint pas la distance face à moi, et mes entraînements physiques reçus à l’académie. Je le rattrapai facilement, et au détour d’un couloir, me jetai sur lui, et le plaquai contre un mur. Je n’avais pas d’arme, mais ce n’était pas nécessaire, pour menacer, ce jeune homme (un peu plus que moi d’ailleurs) au physique assez ingrat et dépourvu d’aptitude au combat. Je plaçai alors mon avant-bras sous sa gorge, et le menaçai, d’une mort rapide pour lui, si la scène venait à se savoir. Devant son air circonspect, je prolongeais mon développement, et lui expliquai rapidement que je n’avais qu’à commander sa tête aux bonnes personnes, pour que celle-ci me soit livrée. Tandis que je desserrai mon emprise, l’homme approuva vivement.

    L’incident aurait pu se finir ainsi, sauf qu’un laquais pas très discret nous avaient vu. Instantanément, je me rapprochai de lui, laissant le secrétaire partir, et lui demandai son nom. Il me le donna, et promis qu’il ne répétera rien. Cependant, je ne peux faire confiance à la fois à ce laquais et au secrétaire, si l’affaire venait à s’ébruiter, je ne pourrais déterminer lequel m’a trahi ; et comme cela pourrait signifier un complot de la cour contre moi pour m’arracher le contrôle du Régent, l’enjeu est trop important. J’ai signé leur ordre d’exécution il y a quelques minutes, puis l’est transmis au lieutenant de quart, qui le remettra au capitaine Tepgrov. Le secrétaire doit mourir par accident, c’est un personnage trop important au niveau du palais, nous devons en finir avec lui officieusement, cela est donc précisé sur l’ordre ; quant au laquais il sera fusillé officiellement pour espionnage au profit de la Hongrie. Les exécutions seront espacées d’au moins 8 heures, et d’au plus 12 heures. Le plan est machiavélique, tandis que nous le secrétaire décède par « accident », le laquais qui l’apprendra quelques heures après, se doutera de quelque chose et fuira certainement, ce qui appuiera la thèse de l’espionnage.


    Je n’aime pas à en arriver à de tels procédés, comme l’assassinat, cependant ces deux-là sont indispensables pour pérenniser mon action sur le Régent, et donc sur le pays.


    19 Janvier 1936:
    Tout le palais commence à bruisser autour de moi. Les différents courtisans s'attachent à comprendre ou le pouvoir a bien pu être transféré, cherchant ses faveurs. L'isolement du Prince Paul, bien que j'ai essayé de le rendre plus discret, n'est évidemment pas passé inaperçu. Nombreux sont donc, ceux qui ont essayés de trouver celui qui avait capté le pouvoir, et à s'être rendu dans les appartements du Capitaine Tepgrov, dont les soldats interdisaient l'entrée à la chambre du Régent, pour savoir de qui tenaient-il ses ordres. Mais le Russe est resté loyal, et n'a rien divulgué, malgré les tentatives de corruption, de séduction et quelques, plutôt rares, d'intimidation. Je lui suis reconnaissant pour cela, et lui ait donc versé une forte somme d'argent liquide, prélevée sur mes deniers personnels. Service contre service, en espérant qu'à long terme, sa loyauté me soit moins coûteuse. Cette bonne nouvelle s'accompagna d'une autre: j'ai reçu ce matin le coffre fort que j'avais commandé début janvier. J'ai prévu d'y stocker ce journal, ainsi que quelques documents d'état ou personnels qui pourraient être dangereux pour moi, ou servir mes intérêts. Le coffre est un Fichet Bauche, un pur produit français comme me l'aurait sur-vendu le Régent, ce pauvre Paul que plus personne ne peut écouter.

    Je ne veut cependant pas que l'on se méprenne, si Paul m'obéit convenablement par la crainte que je lui inspire, c'est un personnage obstiné et flegmatique. De ce fait, il est toujours possible de discuter franchement avec lui lorsqu'il est dans ses "bonnes heures", et lorsqu’il ne fait pas de crises. Ainsi, depuis deux jours, il semble consentir au lâcher-prise que je lui impose sur le pouvoir sans pour autant le supporter.

    La matinée fut pour le reste, assez normale, je travaille toujours avec Paul puisque j'ai besoin de son sceau pour enregistrer certains documents officiels qui le nécessite en plus de sa signature. Si celle-ci est seulement requise j'en parle seulement avec Paul brièvement, mais la décision a changé de camp, la Constitution m'accorde une voix consultative et au Régent une voix décisive, mais de facto les rôles sont inversés. La séance de travail a tournée aujourd'hui sur la logistique des fournitures militaires, et sur les mesures pour limiter les grèves. Nous passâmes la logistique assez promptement, puisque j'avais déjà étudier le sujet en me réveillant ce matin. Puis vint la question des grèves. Paul eut alors, l'un de ces coups de génie qui rarement, le transcende. Je lui faisais part de mon inquiétude vis à vis de ces grévistes communistes, n'ayant su que provoquer une faible décroissance de leur mouvement avec mes conseils aux directeurs d'usine. Paul déclara alors, avec un détachement frappant: "Pourquoi n'irais-je pas faire une allocution publique là bas, je pourrais les questionner sur le sens du mot "prolétariat", lorsque le mouvement qui essaie de le défendre le pousse à l'inactivité et donc à la famine.". Je perçus alors de façon extrêmement limpide le bénéfice que la monarchie pourrait retirer, si l'allocution était bien mise en scène devant les journalistes. Je voyais déjà les titres "Le Prince, symbole de l'unité nationale." ou encore "Le prince guidant les prolétaires vers la lumière.", quoique un peu trop biblique celui-ci. Cette idée du Prince, je la validai alors dans l'instant. Celui-ci se montra aussi heureux qu'un enfant que son professeur féliciterait.

    Cette comparaison, me rappelle le cas de Pierre II. J'ai écrit mes instruction à son précepteur hier, et les lui ait fait parvenir, nous devrions en parler demain. Il est question d'enseigner moins l'histoire nationale, et plus l'histoire mondiale, d'une initiation plus poussée aux langues étrangères français, anglais, allemand et hongrois, en plus du croate et de l'italien qu'il apprend déjà. Les cours de serbes devront se focaliser moins sur les concepts et la littérature, mais plus sur la grammaire. Il est également prévu, un nouveau cours d'introduction aux questions politiques, qui se justifie par le statut de monarque de l'enfant et qui dissimule, un rejet subtile de l'idéologie marxiste, en posant la question de individu et de la communauté. Le professeur doit enseigner au jeune roi, que la communauté amène à l'identification des individus au dit groupe. Le groupe exclut par définition certains individus, et cette exclusion peut conduire à une violence envers des individus ou d'autres groupes. Il est important que le précepteur ne souligne pas qu'il y ait des groupes innés (ethniques, culturels, linguistiques), et insiste sur le fait, que le groupe se crée uniquement par l'adhésion des mêmes personnes à un idéal collectif. Ce programme devrait induire le jeune roi vers l'affrontement avec le communisme et le fascisme, et le pousser à préférer les idéaux démocratiques.

    Ce midi, je mangeais seul, et c'est assez inhabituel, mais j'avais une réunion importante avec certains services de l'Etat tôt dans l'après midi.

    A 13h donc, je me retrouvais au siège de la police de Belgrade pour remettre des décorations à deux policiers qui avaient empêcher un assassinat politique, celui d'un membre du comité général du parti communiste Yougoslave. Ce qui me parut sur le coup assez étrange, puisque les communistes sont la faction la plus armée du pays, et leur dirigeants sont connus pour la paranoïa que l'Etat leur inspire (je suis certainement en partie reponsables de cela). Cependant, je n'en tenais pas compte, car la réunion m'occupait l'esprit.

    Arrivé à un beau bâtiment en briques blanches du centre de Belgrade, connu pour abriter les services d'espionnage et de contre-espionnage de l'Etat, je consultai ma montre, qui m'indiquait 13h30, j'étais légèrement en avance. J'entrais dans l'immeuble, somme toute assez petit (à peine quatre étages) car certains faisaient jusqu'à 12 étages à Belgrade. Je fus bien reçus, on me servit gâteaux et tasse de thé (je déclinai la part de Baklava, mais je pris volontiers le thé), un agent me conduisit à la salle ou devait se produire cette fameuse réunion. Cette réunion était un peu spéciale pour moi, tout d'abord parce qu'elle se déroulait avec les huiles des services secrets, mais surtout parce qu'il s'agissait de la première réunion d'Etat qui se déroulais sous ma présidence, que j'effectuais. L'heure vint rapidement, et les agents et commandants de ces services spéciaux, prirent place cette table rectangulaire, ou je m'étais préalablement installé. Il y avait huit personnes en tout, moi compris; je ne connaissais personne, et pour cause, c'est d'habitude le Régent qui prenait en charge cette réunion qui est semestrielle. Je demandai à commencer, et ce qui devait être le chef des deux services (espionnage et contre-espionnage) se présentant à moi comme se nommant Milorad, son nom de famille étant classé secret défense, comme celui de tous les agents qu'il commandait. Milorad débuta donc, en dressant une liste des effectifs, près de 25 agents à l'espionnage et 80 au contre-espionnage, avec une base de plus de 250 informateurs, cela peut paraître élevé, mais ces chiffre sont assez modestes par rapport à ceux estimés dans les services français, anglais, italiens ou allemands. Le chef m'expliqua que plus d'agents étaient consacrés au contre-espionnage en ce moment, car les services d'espionnages italiens et hongrois avaient intensifiés leur activité en Yougoslavie. Il m’annonça ensuite le Budget, puis chacun de ses subordonnés présents se leva, pour présenter son service ou ses activités récentes. Trois agents de terrain étaient là, et me présentèrent leur travaux. Selon deux d'entre eux, les choses remuent beaucoup en URSS. Il font état de beaucoup de mouvement en haut lieu, sans déterminer dans quel secteur précis. Cela retint mon attention, et ils m'expliquèrent leur difficulté croissante à travailler du fait de l'opacité de la société soviétique, et de la faiblesse de leur moyen par rapport au contre-espionnage bolcheviks, ils avaient néanmoins pris quelques photos dont une montrant visiblement un officier fusillé dans une prison, et une autre d'un rapport volé présentant une hausse des incarcérations. Je demandais alors aux agents à quoi pourrait être du ces événements. Peu confiants, ils invoquèrent néanmoins, un éventuel conflit de doctrine, ou un règlement de compte entre certains puissants commissaires politiques. Ils écartent la rébellion, car il n'y aurait pas, chez les soviétiques, de seconde voie par rapport au chemin stalinien. Cela m'inquiétais, et j'aurais aimé en savoir plus mais, les agents m'avaient "tout dit". Le dernier agent se présenta comme un certain Petar, il avait lui, espionné en France, et me rapporta la profonde confusion du gouvernement français, qui profitait aux formations plus violentes, et notamment aux communistes, qui pesaient près de 30% de l'électorat. L'agent rapporta cependant, des changements législatifs importants à prévoir bientôt, les radicaux de gauche ne voulant pas que leur pays se transforme en une antenne de l'URSS enclavée en Europe de l'ouest. Cette information plutôt rassurante, termina l'intervention de l'agent. Il était déjà tard, et je donnai alors mes instructions: une augmentation de 10% des effectifs au contre-espionnage et de 150% à l'espionnage, avec pour tâche première l'Allemagne, la Hongrie, L'Italie, L’Espagne et L’Albanie. Les chefs de services protestèrent demandant une augmentation de budget, ce que je leur accordai, promettant son doublement par décret d'ici peu. La réunion se termina, lorsque je sortis, il faisait presque nuit.


    vents.quatre. Elles représentaient le secrétaire du Régent visiblement mort dans une rixe à Belgrade, et le cadavre du laquais, attaché à un peloton d'exécution et transpercé de balles. J'avais oublié, et je me maudissais pour avoir oublier d'avoir ordonné la mort de deux hommes, quelque chose dont on est sensé se souvenir. Le lieutenant Kattarc, ajouta un "Ce fut rapide pour le secrétaire, aucune torture n'a été pratiquée.". L'on me confirma que l'ordre originel avait été brûlé, et j'arrosais donc de quelques centaines de dinars le lieutenant, avec pour consigne pour le capitaine Tepgrov de trouver rapidement des coupables pour le meurtre du secrétaire, autrement l'affaire pourrait faire douter certains. Kattarc me salua et repartit, me laissant les photos. Je sortis alors les brûler dans un coin discret du parc, avant de répandre les cendres aux Une fois rentré au Palais, j'allai rapidement manger dans les cuisines, puis je commençai à rédiger le décret de budget augmenté à l'espionnage, quand soudainement un garde royal entra dans la cuisine, et ne s'attendant pas à me voir dans les cuisines, se montra surpris, puis vint me souligner, bien que venu pour une autre affaire ici, que le Lieutenant Kattarc m'attendait devant ma chambre. Intrigué, je m'y rendis sans prendre la peine de finir de manger. J'approchais de ma chambre, et effectivement je distinguais dans le couloir trois hommes : le lieutenant et deux gardes royaux. Je demandai alors au lieutenant la raison de sa présence ici, il ne parla d'abord pas, et me tendit une enveloppe, que j'ouvris pour découvrir deux photographies


    Les résultats de l'espionnage.


    20 Janvier 1936:

    J'ai bien dormi cette nuit, la conscience finit par s'assouplir comme une planche que l'on tord. Les deux exécutés ne m'habitaient plus, et c'était presque un soulagement, si il n'y avait pas un arrière goût de tristesse. Tristesse du à la culpabilité que j'ai à avoir tué deux autres hommes, deux membres du groupe, pour des motifs aussi absurdes que pragmatiques. Je m'habillai rapidement en me levant, revêtant cet uniforme sombre qui me caractérisait dans le palais. Je n'ai pas souhaité manger avec la famille royale ce matin, je passai juste récupérer quelques œufs dans la cuisine pour les consommer seul.

    Je n'avais pas vraiment le coeur à travailler ce matin, je décidai donc juste de maintenir l'entrevue avec le précepteur de Pierre II, mais j'annulais ma séance de travail avec Paul.

    J'appris auprès de l'intendant du Palais, un personnage hautement insignifiant, malgré le titre, s'occupant juste de l'organisation des événements importants de la monarchie, que le précepteur s'appelait André de Monthléry et avait sa chambre à côté des appartements de Pierre II. Sans surprise, c'était un français, car choisit par l'ancienne administration de Paul. Je maîtrise bien le français, bien que je sois plus à l'aise en hongrois ou en croate, j'ai aussi quelques notions de slovène ; mais je décidai de rester en serbe pour rester maître du dialogue. Je me rendis donc vers 10h chez De Monthléry, lors du cours d'escrime du roi avec le maître d'armes du Palais. Je frappai à sa porte, et celui-ci m'ouvris, visiblement peu surpris de ma venue. Il me salua alors, et m'invita à m'asseoir avec lui sur deux fauteuils en velours pour discuter plus confortablement. Nous nous toisâmes quelques instants ; homme fin et gracieux, André avait tout l'air d'un français, la coiffure excessivement soignée, et l'habit avec la meilleure coupe. Je le jugeai d'abord d'intelligence commune, tandis qu'il repoussait quelques livres au sol avec le pied. Je débutai alors, passé les formules de courtoisie :

    "-Vous avez reçu mes instructions monsieur ?"

    "-Oui."

    "-Les exécuterez-vous ?"

    "-Non Colonel, le Roi n'a pas à être manipulé, je ne peux faire cela pour vous."

    "-Dans ce cas, vous êtes conscient que c'est le renvoi qui vous attend, puis l'expulsion du pays ?"

    "-Colonel, vous me sous-estimez, comme vous le faites avec tous. Peu ont compris que votre influence dans le palais était de plus en plus aggressive, mais j'en fais partie. J'ai acquis la preuve certaine que vous avez soudoyé le capitaine Tepgrov. Si ça se sait, la cour martiale vous attend.", argua t-il avec un sourire narquois. Mais je ne démontai pas.

    "-Et quelle est cette preuve ?"

    "-Le témoignage d'un sergent de la garde. Que j'ai receuilli ici par écrit." Dit-il en pointant une feuille sur son bureau, d'un air triomphant, avant de reprendre :

    "Je vais éduquer le Roi comme je le souhaite, et vous me laisserez tranquille maintenant, j'ai une copie de ce témoignage qui pourrait être transmis aux journaux nationaux."

    Ne laissant rien transparaitre, je répondis :

    "-Je suppose que vous êtes très fier de votre petite manoeuvre monsieur. Mais votre preuve est aussi valable que les revendications italiennes, vous allez opposer la voix de ce caporal, à celle d'un colonel et d'un capitaine, qui croyez-vous obtiendra gain de cause ?"

    Le visage du français se durcissait, tandis que je poursuivais:

    "- De plus vous venez tirer la queue du tigre avec ces menaces, puisque vous avez reconnu mon influence. Combien de temps croyez-vous pouvoir rester en vie si ce témoignage se répand, ou même si vous sortez du palais ? Et j'espère que vous ne comptez pas me dénoncer au Régent, il pourrait également vous en coûter."

    L'homme avait maintenant la mine déconfite, mais cela n'en était que plus jouissif, alors j'en terminais:

    "- Vous appliquerez mes consignes ; un laquais assistera désormais aux cours que vous dispensez à Pierre II, il surveillera votre enseignement sous le prétexte de fournir boisson et collation au besoin. Vous allez aussi brûler ce témoignage et sa copie. Vous ne recevrez plus vos gages, il me semble que la vie est une contrepartie suffisante pour votre travail."

    C'était bien trop facile, même si j'ai eu la chance qu'il n'ait eu qu'une faible preuve. J'en viens presque à regretter la verve de Tito. Voilà un homme qu'il sera plaisant d'affronter, pensais-je à ce moment, galvanisé par la faible opposition de mes détracteurs. Et ce fut avec sérénité que je gagnai les jardins du palais pour le reste de la journée, en n'oubliant pas tout de même à songer à démasquer ce caporal de la garde.


    plutôt une réponse identique à la précédente, modérée, mais ferme. Le régent y était opposé, mais son avis ne comptait plus. Je communiquais alors à l'Etat-major de l'armée le déplacement de 3 divisions d'infanterie, des frontières bulgares et grecques, pour l'italienne, à Zara. Une division s'y trouvant déjà, à Split, premier port du Pays. J'ordonnai également l'envoi d'un message au gouvernement italien. Je l'ai noté : "Au gouvernement de Benito Mussoloni, Au roi Victor Emmanuel III, L'incident regrettable de cet après-midi, ne doit pas ternir les bonnes relations entre le Royaume d'Italie et celui de Yougoslavie. Au terme de cette journée, le gouvernement de sa majesté le Régent Paul est disposé à recevoir les condoléances pour les soldats croates tués." Des excuses ne seraient jamais parvenus, mais des condoléances sont plus faciles à obtenir, car il s'agit de manifestations de compassion et non de regret. La réponse se fit attendre quelques heures, mais finalement des condoléances parvinrent bien, elles seront publiées dans les journaux nationaux demain.préconisais. Pour des raisons assez obscures, deux croates avaient été abattus, et une mitrailleuse italienne détruite. Le télégramme parlait d'une provocation de la part des italiens, d'insultes de leur part vis à vis des croates, selon eux une "sous-ethnie", le ton serait alors monté rapidement, et les italiens auraient alors ouvert le feu, après des insultes des croates sur le Duce. Evidemment l'absence de mort côté italien, et la présence de celle-ci côté Yougoslave, étaient profondément inégales, et causaient du ressentiment par les troupes nationales. Le Régent qualifia cet acte "d'agression intolérable". Cela semblait être, en effet, une énième provocation prévue par Mussolini. Je fus circonspect quelques minutes, sur la solution à apporter, le Régent souhaitant répondre à cela, par deux morts côté italien, la loi du talion. Je craignais une escalade trop rapide, et Mais en fin d'après-midi, une dépêche tomba et fit grand bruit dans le palais. J'étais à ce moment, en train de discuter avec le laquais, que j'allais charger d'espionner De Monthléry, lorsqu'un autre laquais arriva pour me signaler que ma présence était requise dans la cabinet de travail du Régent. Comme c'était moi qui initiais les séances de travail d'habitude, je fus assez surpris. Mais je me rendis sans précipitation chez Paul. Une fois arrivé, celui-ci se trouvais dans un grand émoi, il faisait le tour du cabinet rapidement, murmurant des choses inaudibles. Je m'installai alors à son bureau, et découvris un télégramme d'un poste frontière avec l'Italie. Il était signé de l'état-major de Cucavak. La dépêche évoquait un incident avec les gardes frontières italiens, et un pelotons de soldats croates qui participaient aux manœuvres

    22 Janvier 1936:
    Depuis deux jours Paul est d'humeur massacrante. En plus du fait que j'ai décidé à sa place quand à la provocation italienne, on lui a découvert hier un problème de santé assez gênant au niveau des reins, il aurait un caillot, qui lui provoquerait de fortes douleurs. Toute la cour ne rit plus que de cela. Paul est un homme faible, mais je n'aime pas vraiment que l'on l'humilie ainsi.

    Enfin, sur des questions plus importantes, j'ai définitivement incorporé le laquais dont j'avais déjà parlé, pour espionner André de Monthléry. Celui-ci m'a soutiré une bonne somme, avec la promesse d'en obtenir d'autres. Bien sûr, il a été aussi averti de sa situation, en cas de trahison : ce sera la corde, avec un autre prétexte encore.

    Cette journée fut par contre, sans grand intérêt. J'ai travaillé un peu avec le Régent, mais peu longtemps car il est très affecté par son problème. Donc j'ai passé le reste de la journée à "mener l'enquête" pour savoir qui est la caporal traître. De Monthléry aurait pu me donner n'importe quel autre caporal, donc il était impossible de lui demander. Je suis donc allé voir Simonsz Tepgrov, pour lui demander une liste des caporaux tout d'abord, puis l'est informé de la forfaiture de l'un d'entre eux, lui demandant de rester en alerte pour le trouver peut-être par hasard. Les caporaux sont une vingtaine, il était donc difficile d'en repérer un plus qu'un autre avec mes moyens. J'imaginais alors toute une série de stratagèmes pour essayer de coincer le traître, mais tous avaient une faille. Je jetai donc l'éponge momentanément.

    Dans la soirée, un laquais du secrétariat me tira de la table du souper, car un officier souhaitait me parler au téléphone. Je me rendis donc au standard téléphonique du palais, où il y avait trois opératrices, l'une d'entre elles me mit immédiatement en communication avec cet officier. Il s'agissait d'un lieutenant-colonel m'informant d'un retard dans l'arrivée des trois divisions d'infanterie à la frontière avec le province italienne de Zara, initialement prévue pour cette nuit, ce retard serait d'au moins une dizaine d'heure. Pas vraiment satisfait de cette annonce, je demandais au lieutenant-colonel de me passer le commandant nommé par l'état-major des armées pour diriger le corps d'armées. Celui-ci me passa donc un général que je ne connaissais pas non plus. J'exprimai alors au général, que "le souhait du Régent" était qu'une fois arrivé à destination, les 3 divisions s'associerait à la division en garnison à Split, et passeraient sous les ordres de l'état-major du général Cucavak. L'ordre le contraria beaucoup, car il semblait que c'était lui qui devait prendre la direction d'un nouvel état-major spécifique à ces 4 divisions. Je réaffirmai l'ordre avant de couper la communication, puis je demandai à une opératrice de me passer l'état-major des armées. Il était tard dans la soirée, et c'est un jeune général qui répondit, qui doit sûrement être la nouvelle tête de turc de ces vieux barbons. Je lui fit part d'une convocation de tout l'Etat-major par le Régent à Belgrade, dans la caserne de la garnison. Cette décision impromptue, je l'ait prise parce que cela fait bien trop longtemps que ces généraux âgés me mettent des bâtons dans les roues, maintenant que mon contrôle ici est total, je compte aussi étendre celui-ci à l'armée. Le jeune homme très surpris, car le Régent ne convoquai jamais l'Etat-major, mais s'y rendait habituellement, sembla prendre quelques instants de réflexion, avant de me répondre, que cela pourrait se dérouler le 24. J'imagine qu'il a donné trois jours, pour permettre à l'Etat-major d'évaluer cette convocation, d'envisager son objet et de se préparer en conséquence ; mais aussi pour ne pas laisser un ordre du Régent, inexécuté rapidement.


    Je ne revins pas à table après, je me rendis directement dans ma chambre, où je continuais à réfléchir à cette histoire de trahison en tentant différentes approches, sans plus de succès.

    Des troupes se regroupent également à la frontière avec Zara



    28 Janvier 1936:
    La vie s'égrène doucement au palais, les plus proches courtisans du Régent ont finit par découvrir le contrôle que j'avais sur lui, mais ayant une réputation d'homme de fer, je n'ai pour l'instant été approché qu'assez rarement et subtilement. Notamment de la part de certaines courtisanes assez frivoles. Mais, pour la majorité de la cour, je demeure encore un obscur conseiller militaire, œuvrant dans l'ombre du Régent. Et c'est une image de moi qui me convient plutôt que celle d'un tyran, installant progressivement une dictature militaire. Effectivement dès lors, que les premières personnes comprennent, les premiers ragots circulent également. Cela m'importe moins, que d'être excessivement dans la lumière. Celle-ci se faisant de plus en plus aveuglante à mesure que je me rapproche d'une maîtrise totale du pays.

    Ma tâche m'isole, et les derniers jours ont été particulièrement difficiles. Cela à commencé le 23 de ce mois. Paul et moi étions en déplacement avec un détachement de la garde pour son allocution devant la presse et les ouvriers en grèves, celle qui devait améliorer la popularité du Régent en dénigrant les communistes. Sur le parvis de l'usine, et à l'issu d'une courte visite de celle-ci, Paul a donc pris la parole, et récité le discours convenu, très agressif envers le parti communiste. Les journalistes ont vite été conquis, mais les grévistes n'ont pas été en désaccord comme prévu, ils sont même rapidement passés aux invectives, alors que le discours n'était pas achevé. Je sentais que rien n'aller se dérouler comme prévu à ce moment là, et effectivement quelques minutes plus tard les ouvriers marxistes dans un élan prévisible s'attaquèrent au cordon de sécurité formé par les gardes, mais ceux-ci n'étant pas assez nombreux, leur assaillants les submergèrent rapidement nous obligeant avec les journalistes, à nous réfugier dans l'usine. On compta par la suite près de 40 blessés chez les ouvriers contre 2 chez les soldats. Les titres de la presse le lendemain furent alors unanimes, moquant la pathétique fuite du Monarque face à quelques ouvriers. Seule la presse ultra-conservatrice présenta les faits comme une dangereuse atteinte au pays par l'idéologie communiste dégénérée. L'échec était total, et les articles élogieux sur le comité central du parti communiste se succédaient, remarquant dans la fuite du Régent une nouvelle victoire de la colère des ouvriers face à leur exploitation par le patronat. Ce soir là, fou de rage, je m'entraînais au tir avec mon Mauser sur les cibles dans les quartiers de la garnison. Paul lui ne fut pas plus contrarié que la normale, s'amusant des portraits hideux qu'on faisait de lui dans la presse ; cet homme est définitivement malade, pour se divertir de l'amorce de sa propre chute.

    Le 24 Janvier scella ma toute-puissance sur l'armée. Arrivé au siège de la Police à Belgrade, l'état-major des armées fut placé sous la surveillance discrète de la police avant mon arrivée, avec pour ordre aux policiers de ne pas laisser les généraux communiquer avec l'extérieur. On leur fit donc croire à une panne de courant. J'arrivai ensuite, sans le Régent qui avait refusé de venir, trouvant ces réunions "profondément ennuyeuses". Dans la salle de réunion, je fus mal accueilli par tous les gradés, qui ne supportaient pas que l'autorité de Paul puisse s'exercer à travers moi, simple colonel. La cacophonie régna quelques minutes, avant que je ne fasse revenir l'ordre subtilement, en faisant entrer dans la salle des policiers armés. Les généraux se rassirent alors, dans un calme relatif. Je me souviens de chacun de ses quinze visages, prêt à me tuer, si ils n'étaient pas sous la menace d'une arme. Le lieu n'avait pas été choisi au hasard, l'armée n'ayant aucun rapport avec le Police, les généraux n'avaient aucune possibilité de retourner la situation à leur avantage. Les policiers se restèrent donc fidèles à l'ancien haut-gradé de la police que je suis. Sentant tout de même la colère gronder dans la salle, j'essayai d'expédier l'affaire au plus vite. Je commençai par m'entretenir seul avec le chef de l'état-major, le général des armées Dragomir. Je le savais peu hostile à mes intention contrairement à nombre de ses subordonnés, il s'agissait d'un croate très âgé, et en tant que tel, il connaissait l'oppression ethnique. C'était l'un des rares non-serbe à faire partie de l'élite Yougoslave, et il savait mes idées pour fusionner en une, les plusieurs nations du pays. Je n'eu donc qu'à le corrompre financièrement pour m'assurer son soutien. Revenu face aux quatorze autres généraux, je prononçai un discours antifasciste, mettant en garde contre une dissolution de l'union entre les instances dirigeantes du pays, face au totalitarisme inhumain de l'Italie ou de l'Allemagne. Ce type de discours plut à ces hommes, qui étaient nombreux à être d'anciens communistes. Mais ils étaient toujours braqués, par les armes braquées sur eux justement. J'avais prévu de faire arrêter bon nombre de ces généraux, mais je m'abstins, choisissant une solution moins controversée : le vote. J'expliquai, que je pensais que certains traîtres pouvaient se cacher dans nos rangs, mais que je n'avais pas de preuve, juste des indices, et qu'il me semblait donc qu'aucune arrestation ne pouvait avoir lieu, mais que d'autres sanctions préventives étaient possible, pour éviter que l'ennemi soit informé de nos plans. Je fis alors passer au vote, la dégradation de certains. Le débat fut âpre et violent, mais ne tourna pas au pugilat pour des raisons évidentes. Les généraux choisirent de dégrader au rang de lieutenant 6 d'entre eux, et 1 à celui de capitaine un autre. Nous réglâmes leur future affectation, puis, ils furent priés d'attendre la fin de la réunion hors de la salle. Restés à 8, les généraux s'estimèrent satisfaits, ce qui fut compréhensible, en évinçant leurs pairs, ils avait gagné un certain pouvoir au sein de l'armée, et éliminés certains concurrents gênants. Ils me furent donc reconnaissants pour cette réunion. Bien sûr, je ne les laissai pas partir sans un petit pécule, qui là, provenait du trésor ; mes finances ont aussi leurs limites. Ils me sont maintenant plus loyaux. Je pense qu'ils se sentent en confiance de par mon grade, plus faible. N'en réclamant pas un supérieur, ils doivent mésestimer mes ambitions, et m'évaluer comme un pion fort, mais éliminable au besoin. Or, le fait que je leur apporte argent et pouvoir doit les contenter suffisamment pour qu'il ne songent pas à se débarrasser de moi.

    Les jours suivants furent plus calmes, mais furent marqués par un funeste événement. Mon père mourut. Il s'agissait d'un pneumonie non soignée, ce qui n'était pas surprenant en cette période de l'année. Je refusai pourtant de me rendre aux obsèques, et envoyai une simple lettre à ma mère et à mes sœurs pour leur dire que je leur donnai ma part d'héritage. C'est vraisemblablement une décision stupide, car l'homme n'était pas démuni. Mais je ne souhaitai pas lui être redevable de quelque chose.

    Dans le registre des choses plus importantes, une discussion parlementaire s'est ouverte hier. D'habitude je me fiche du Parlement, qui n'a aucun pouvoir politique ou presque ; mais le débat va là, porter sur l'organisation du Palais.Ils font certainement ce débat pour préconiser une réduction du budget pour pour le palais, mais l'organisation du budget revient de façon décisive au ministre des finances, pas d'inquiétude à avoir de ce côté là donc. Mais cela me déplaît, car les parlementaires ont une influence collective forte sur les médias, et les ne pas pouvoir les empêcher de fouiner dans mes affaires me préoccupe grandement.


    de toute pièce. Si c'est le cas, il est plus intelligent que je ne pensais, pour avoir prévu que j'avais corrompu la garde royale. C'était peut-être un coup de poker de sa part, assez remarquable.Je n'ai pas eu de nouvelles de Tepgrov concernant la brebis galeuse, et je n'ai pas eu moi-même l'envie de m'en préoccuper, je considère même de plus en plus la possibilité que André de Monthléry m'ait menti, et ait inventé ce caporal et son témoignage





    30 Janvier 1936:
    Cette fin de mois à un goût âcre. En me levant ce matin, je faisais le bilan de ces 30 derniers jours, et j'avais presque l'impression d'avoir peu progressé. Bien que mon influence soit grandissante, mon avenir est instable car il est lié au sort de la monarchie. Dans cette période de l'Histoire ou les idéologies ont remplacés les religions, un régime ne s'appuyant sur aucune d'entre elles, est voué à la chute. Ce que pour l'instant, je semble être le seul à avoir compris dans ce Palais froid. Mais je me trompe sûrement, je doute que parmi la cour, certains soient dupes.

    Ce matin, je reçus les députés de la commission parlementaire chargée d'inspecter le budget dévolu au palais et à son fonctionnement. En temps normal, cette tâche aurait été celle de de l'intendant, ou du secrétaire du Régent ; mais j'avais dissuadé le premier de le faire et le second était mort je le rappelle, et un remplaçant n'avait toujours pas été trouvé. Je souhaitais prendre en charge les parlementaires pendant toute la durée de leur enquête, afin de les surveiller et de m'assurer qu'ils ne suspectent rien quant à moi. Ils arrivèrent à cinq dont un rapporteur, qui notait tout par écrit, à 9h. Je les accueillis sur le perron, puis les exhortai à une brève visite des lieux. Durant cette visite je leur expliquai que j'étais responsable pour toute aide à leur apporter. N'ignorant pas le protocole, un député issu de la noblesse, m'interrogea sur ce manquement visible à celui-ci. Je ne pensais pas que l'un d'entre eux, s'en apercevrait et je du trouver en catastrophe et en quelques secondes une explication suffisamment convaincante. Je mentais alors délibérément, en affirmant que l'intendant était retenu chez le Régent pour l'organisation d'une prochaine réception, mais que de toutes façons, je ne pourrais pas les guider dans le palais tout au long de leur séjour (ce que j'avais pourtant prévu de faire), mais qu'un laquais s'en chargerait. L'homme sembla me croire, mais parut offusqué, par le fait qu'un valet les accompagne et le renseigne, je mis alors en lumière l'absence de moyens suffisants pour le palais pour employer davantage de personnel qualifié. Coup double, et bien rattrapé donc. Je leur présentai leurs quartiers, et les laissèrent s'installer, en les prévenant qu'un laquais arriverait d'ici une heure pour leur service. Je revins ensuite en courant au secrétariat du palais, j'avais peu de temps devant moi, pour tout organiser, et il y avait toujours là, deux ou trois valets désœuvrés. Je n'en trouvai qu'un, et lui expliqua sa tâche ; contre monnaie sonnante et trébuchante, je le chargeais d'une autre, il devra surveiller tout ce que font les députés, les empêcher de parler au Régent en dehors de ma présence, et d'accéder à mes appartements. Le serviteur sembla hésiter, comme si il était conscient qu'il s'agissait là d'un conflit interne au instances dirigeantes du pays, et auquel il vaut mieux ne pas prendre part. Je doublai alors la somme, et il accepta. Tout de suite après, je courrai chez le Régent. Celui-ci n'eut comme pas le choix de me recevoir, tandis que j'entrai en trombe dans son cabinet de travail. Je l'interrompis dans sa lecture, d'un obscur romancier français, et lui annonça que ces messieurs de la commission venaient d'arriver. Il me remercia, et je lui conseillai de se rendre aussi peu disponible que possible, pour donner l'image d'un monarque passant son temps au travail ; et dans le cas, ou il leur parlerait, de plaider la pauvreté et la faiblesse des moyens consacrés au palais, au profit du pays "qui le mérite davantage". Paul acquiesça vaguement, pour signaler que ma présence leur dérangeait dans sa lecture, mais aussi sincèrement, ce qui montrait qu'il avait compris tout l'enjeu de ne pas montrer ostensiblement les richesses du palais. Je sortis donc rassuré de chez Paul. Pas d'inquiétude pour le reste, j'avais fait ordonné à Monthléry de retenir Pierre II dans ses appartements le plus possible le temps de la visite des députés, quitte à doubler ses leçons. Les cuisines avaient également reçu l'ordre ne pas servir les mets trop fins et exotiques habituels, mais de faire de plats plus simples et populaires. Les courtisans de façon générale, comprenaient l'importance de dissimuler leurs privilèges à ces messieurs, car ils les obtenaient directement du Régent, et si celui-ci diminuait sa cassette personnelle, il en était de même pour toute la cour.

    Le déjeuner se déroula fort bien en compagnie des parlementaires. Bien que ceux-ci se montrèrent surpris quant au contenu des plats, relativement pauvre. La manœuvre sembla fonctionner. Jubilant, je quittai la table assez rapidement, sûr de ma réussite.

    'après-midi fut moins fatiguant. Je recevais régulièrement des petits billets du laquais chargé de Monthléry et de celui chargé des députés, qui me tenaient informés de l'évolution des choses, n'étant pas moi-même sur place. J'étais en effet dans les quartiers de la garnison. Ayant reçu la demande du capitaine Tepgrov de l'y retrouver. J'y fut à 14h, et celui-ci me reçus, cette fois-ci, conformément au code militaire. Il sembla, fort jovial, ce qui me parut instantanément suspect ; il m'annonça avoir démasqué le Caporal félon. Il s'agissait selon lui, d'un jeune monténégrin, je lui demandai alors ses preuves. Il me montra alors un livre d'un certain Hugo, avec comme marque-page un mot : " Avec toute mon affection.", signé "André", je fis tout de suite le rapprochement avec Monthléry. Tepgrov, m'assura l'avoir trouvé lors d'une fouille matinale inopiné dans le quartier des sous-officiers, sous le lit du dit caporal. Triomphant, le russe me demanda, si il avait l'autorisation d'exécuter pour traîtrise, l'homme. J'étais très partagé, même si ce livre faisait de ce caporal le principal suspect, impossible de dire, si ce André était bien De Monthléry, et quand bien même cela serait bien lui, il n'y aucune preuve que ce caporal bien que proche du français, soit celui qui est écrit le témoignage. Sur le coup je regrettai de n'avoir pas conservé celui-ci, pour faire passer une dictée au suspect. Les yeux comme fou, Tepgrov ne semblait plus tenir en place, attendant une réponse, qui me torturait l'esprit. C'est alors que je remarquais quelque chose... "Avec toute mon affection", c'était très ambiguë comme formulation, était-il possible que De Monthléry et ce sous-officier ait une liaison ? Cela m'apparut alors comme une évidence. Je demandai alors, sans répondre au capitaine que l'on amène immédiatement le caporal, Tepgrov surpris, s’exécuta tout de même. Une dizaine de minutes plus tard, celui-ci était face à nous et menotté, comme je l'avais précisé. Sûr de rien, mais avec une audace fabuleuse, je l'accusai d'avoir une relation avec André. Le caporal pâlissait et nia tout d'abord, puis quand je lui montrai le marque-page, il m'avoua être bien l'amant de Monthléry. Mon idée était alors de lui soutirer le nom du traître, que De Monthléry avait du lui avouer de par leur proximité. Tepgrov paraissait lui horrifié par l'homosexualité de l'homme, rien de surprenant pour un russe âgé, en ce milieu de siècle. Le sous-officier commença par refuser de me dire son nom par loyauté envers ses camarades. Je refusai de reculer à ce stade, et le menaçai de la radiation de l'armée et de 30 années de prison, ce qui est la peine minimale pour homosexualité en Yougoslavie. Acculé, l'homme passa aux aveux. Le témoignage était un faux, qu'André avait écrit, et qu'il était censé signer, mais par peur de se compromettre il avait fait signer à sa place, un compagnon d'armes analphabète, en lieu et place de la décharge de responsabilité que doive signer tous les soldats lors d'une vaccination par les médecins de l'armée. Heureux d'avoir enfin la solution à ce problème épineux, je me tournai vers le Russe, qui lui, bouillonnait de rage. Il l'accusa alors d'être un traître en plus d'être un homosexuel, ce qui était vrai ; l'insultant alors soudainement. Par un ordre ferme, le russe se tut, bien que difficilement, je lui demandai alors son conseil quand à l'homme menotté. Evidemment, il réclama la mort, mais je n'étais pas très enclin à faire mourir cet homme qui n'avait trahi qu'à moitié, de plus l'homosexualité ne me dérangeait pas, bien que là, elle dégradait l'image de l'armée. Je réfléchis quelques instants alors, puis annonça que l'homme serait chassé de l'armée, et qu'il ne pourrait plus accéder à un quelconque emploi au sein de celle-ci ou de l'administration. Le capitaine russe, sembla fort contrarié, et ne j'avais pas vraiment envie de me passer de son soutien, j'ordonnai donc au coupable de verser une très forte amende à Tepgrov, au nom de son préjudice moral. Ce qui sembla être un bon compromis pour les deux hommes. Je partis alors, en précisant que cela s'appliquait dès à présent. Encore une bonne chose de faite, tiens.

    5 Février 1936:
    Les parlementaires sont repartis hier soir. Aucun incident ne s'est apparemment déroulé. Ce qui me soulage, excepté le fait qu'un marmiton ait malencontreusement précisé à ces messieurs que les plats étaient moins garnis que d'habitude. Ces derniers jours ont été plus calmes sinon. M'occupant essentiellement de travailler seul et avec le Régent, pour rattraper le retard que nous avions pris, à cause de mes autres "activités".

    Deux évènement sont toutefois à noter.

    Le premier a eu lieu le 1 février. Ce jour là, alors que le thermostat passait sous les -10 degrés. Je reçus un télégramme de Cukavac, au poste radio du palais. Celui-ci m’annonçait que les manœuvres se déroulaient globalement bien mais qu'il seraient difficiles de les maintenir plus longtemps, le climat étant assez contraignant et les accidents se multipliant ces derniers jours, notamment l'explosion d'un stock de fusils. Il suspectait que les italiens profitent de la confusion du aux exercices pour provoquer certains de ces incidents. J'étais là aussi, assez partagé, arrêté les manœuvres était l'acte le plus raisonnable, mais diplomatiquement ce serait presque un aveu de faiblesse. Je consultai donc le ministre de l'industrie l'après-midi, qui m'affirma que l'on ne pouvait négliger aucune arme, aucune munition, tant nos stocks étaient limités. Ce que le ministre de la guerre me confirma, arguant que dans certains régiments, il y avait un fusil pour trois soldats. Voilà qui était fort fâcheux, et je validai donc par télégramme, l'arrêt des exercices, le soir-même à Cukavac.

    Hier, j'ai lu les rapports venants des postes frontières, et tout semblait en ordre, sauf pour la frontière hongroise. Les gardes frontières constatent, une accumulation importantes de soldats à certains point de la frontière, notamment à l'ouest. Cela m'inquiétait, et je téléphonai immédiatement aux postes frontières concernés. Là, les sergents en postes, me confirmèrent qu'ils pouvaient observer régulièrement des pelotons de soldats patrouiller dans les forêts, chemins et routes au delà de la frontière. Voilà, un autre problème, dont je me serais bien passé. J'évaluai la situation à froid quelques heures plus tard : l'armement hongrois est faible, et assez similaire au nôtre, leur armée n'est pas encore inquiétante en terme d'effectif, et la présence de troupes, n'est avérée que sur certaines portions de la frontières. Sans doute le gouvernement Horthy tente t-il une provocation à l'italienne, malheureusement, c'est plus ridicule qu'effrayant lorsque l'on en a pas les moyens. Je renvoyai alors par télégramme l'ordre aux postes frontières d'être à l'affût, de noter tout mouvement important de troupes, et la fréquence des des patrouilles. Mais rien de plus, mieux vaut ignorer les hongrois, c'est la meilleure façon de les tourner en dérision auprès de la communauté internationale.


    La frontière Hongro-Yougoslave sous tension.



    9 février 1936:
    J'ai pris la résolution d'écrire moins régulièrement dans ce carnet. Comme je l'avais déjà fait remarquer, il est dangereux pour moi, et je crains qu'un simple petit coffre fort dans ma chambre ne suffisent pas à freiner les velléités de mes ennemis pour me nuire, qui se multiplient ces derniers temps. S'ils venaient à tomber sur ce document, nul doute que je me retrouverais rapidement en prison avec mes amis corrompus. Je ne dois donc pas être vu en train d'écrire sur ces pages, et personne ne doit avoir connaissance de ces écrits ; il convient donc que je sois plus prudent tant que je serais dans une position sujette aux attaques.

    Passons sur cet aparté, qui me contrarie car écrire ici mes pensées, me permet de prendre du recul par rapport aux événements.

    Le 7 de ce mois, j'étais attendu à la mairie de Belgrade pour une réunion sur la sécurité de la capitale, face aux troubles réguliers provoqués par les communistes ou les fascistes. La réunion était prévue pour 14h et je fus ponctuel, malgré une matinée assez compliquée, ou le Régent n'avait cessé de semer la confusion dans le Palais, atteint une fois encore par une de ses crises. J'entrai donc dans l’hôtel de ville de Belgrade à l'heure dite. Etant une figure importante du régime, je fus plus que bien accueilli par le Maire et son administration, qui se montrèrent aux petits soins. La séance débuta dans la grande salle de réception de la mairie, celle-ci toute faite de marbre et recouverte de bois exotiques, dégageait un mélange maladroit de style classique et baroque. Au centre une grande table rectangulaire en chêne, autour de laquelle, le Maire et certains de ses adjoints, le chef de la police du district de la capitale, ainsi que certains de ses subordonnés, un général issu de l'état-major des armées qui présidait ainsi qu'un représentant du parti fasciste, mais surtout l'infâme Tito, dont le regard pétilla à mon entrée dans la pièce. Cela s’annonçait intéressant. Le Maire pris alors la parole remerciant chacun et déblatérant tout un tas d'autres amabilités. J'essayai de ne pas rester concentré sur le chef du parti communiste. La réunion prévue pour durer 4 heures débuta. Les différents responsables de la police ainsi que l'adjoint à la sécurité de la ville tentèrent de raisonner Tito et le représentant fasciste pour arrêter les émeutes, de plus en plus fréquentes. Mais les deux personnages se montrèrent réticents, l'extrémiste de droite moins que l'extrémiste de gauche, qui lui, semblait se moquer de la façon dont les choses se déroulaient. Le fasciste donna son agrément pour stopper les émeutes, si on laissait les milices fascistes garantir l'ordre en complément de la police. A ma grande surprise (et à celle des policiers présents apparemment) les services de la municipalité acceptèrent cette offre. Le ton monta alors entre le chef de la police et le Maire, le premier refusant tout net qu'une autorité concurrente dispose des mêmes prérogatives que la police. Le Maire argua alors que la ville était libre d'engager qui elle souhaitait pour garantir la sécurité de ses habitants, et que la police aurait toujours l'ascendant, physiquement et juridiquement, sur une quelconque force de sécurité privée. Cela sembla calmer le policier et ses collègues, qui se rassirent bien que toujours mécontents. Tito exprima quand à lui la nécessité pour le parti communiste d'obtenir davantage de postes dans l'administration, pour permettre au prolétariat d'exercer plus avant les pouvoirs légitimes qui lui reviennent de droit selon lui. Le Maire accepta une fois de plus pour son administration municipale, mais pour ma part je refusai vivement d'engager plus de militants communistes dans l'administration centrale. Il y avait donc désaccord et je comptai sur le général d'état-major qui présidait pour trancher en ma faveur. L'état-major m'étant favorable grâce à mes petites manœuvres. Mais surprenamment et déclenchant ma colère, le haut gradé alla contre moi, jugeant la requête de Tito "raisonnable" et m'ordonnant de m'exécuter. J'oscillai alors entre la soumission et la rébellion, la seconde l'emporta. Je toisai fixement le général, et lui répondit que désobéir à un ordre d'un supérieur était obligatoire si celui-ci nuisait à la sûreté de l'Etat selon le code militaire. Interloqué, le militaire réaffirma son ordre mettant en avant l'absence d'une nuisance potentielle, et sa supériorité hiérarchique. Je mis alors mon képi, me levai et tournai les talons. La réunion se termina là pour moi, et je pouvais sentir en sortant l'air victorieux du communiste.

    Rentré au palais, le soir venu, je décidai bien évidemment de ne pas exécuter les ordres de mon supérieur hiérarchique. Mieux, j'appelai le chef de l'Etat-major des armées, le général Dragomir. Je n'eus que son aide de camp, mais je demandai à celui-ci de transmettre à Dragomir, une requête de dégradation pour le général de la réunion de cet-après midi là, dont j'ignorais le nom. L'aide de camp s'exécuta et Dragomir apparemment soucieux de contenter un haut fonctionnaire lui étant favorable, me répondit positivement plus tard dans la nuit par un télégramme. L'homme serait rétrogradé au rang de lieutenant-colonel. J'étais alors satisfait.

    La journée d'hier fut en comparaison des autres assez calme. Paul se reposant dans le jardin et ne souhaitant pas moi-même travailler, je n'eus pas à user de diplomatie avec lui pour le forcer à lire les rapports quotidiens. Un événement est toutefois à noter, pendant le déjeuner je fus appelé à rejoindre le secrétariat. Suivant le laquais venu m'avertir, j'étais soucieux. Arrivé au secrétariat du Palais j'y rencontrai un militaire brun et moustachu, d'apparence assez jeune. Celui-ci se présenta comme le général Ivan Gosnjak, 34 ans et ancien communiste. Intrigué par le fait que quelqu'un se présente à moi comme un ex-communiste avant tout chose, je devins suspicieux, mais je ne laissai rien paraître et lui demandai la raison de sa venue. Il m'avoua alors être un ancien cadre supérieur du parti communiste ce qui ne me rassurai guère. Mais il poursuivit en m'indiquant que le parti avait spolié ses biens et tué un de ses amis, et qu'il souhaitait maintenant s'engager contre ses anciens camarades rouges. Il m'informa qu'il avait eu vent de mon action anti-communiste au sein des comités supérieurs du parti, qui songeait à un moyen de m'éliminer. Pas très rassuré, mais n'ayant pas d'autre choix face à un tel informateur, et à de telles informations je décidai de croire l'homme pour le moment. Je commandai alors à un laquais de l'installer parmi les quartiers de la garnison, dans des appartements correspondant à son grade. Le laquais et le général partis, j'écrivis un ordre à Tepgrov : de surveiller très étroitement le général Gosnjak ; avant de remettre le pli à un lieutenant de quart. Je ne parvins plus à cacher mon inquiétude pour le reste de la journée, savoir sa vie menacée et que l'on complote contre soi est assez difficile à supporter.

    La nuit fut longue et presque sans repos, je contrôlais ma peur, mais n'arrivais pas à l'inhiber raisonnablement.

    Ce matin, je me réveillai donc assez tendu. Les événements se précipitaient sans m'être forcément favorables, ce qui me laissai penser que le dénouement de l'affrontement avec les communistes aurait bientôt lieu. Comme tous les matins, je passai d'abord au secrétariat récupérer le courrier pour le Régent, et notamment les lettres émanant de Staline ou du parti communiste Yougoslave, que j'interceptai et pris soin de détruire immédiatement après lecture. Mais ce matin, aucune lettre rouge pour le Régent et une pour moi. Cela est déjà assez rare que l'on me contacte par courrier, donc une lettre du parti communiste n'augurait rien de bon. Je lisais donc la lettre, qui s'apparentait à une menace non voilée. Les communistes m'indiquaient que la corruption au sein de ce régime bourgeois et que l'oppression des prolétaires par ces mêmes bourgeois n'avaient que trop durées et que des actions seraient prises dans la journée. L'enveloppe n'était ni timbrée, ni affranchie, elle avait donc due être déposée très tôt ce matin au service des postes par un militant communiste ayant accès au Palais, certainement un laquais ou une femme de chambre. Sur le coup je ne considérait pas la menace vraiment au sérieux, j'avais bien fait le ménage dans l'administration et le palais, le communistes me semblaient relativement impuissants. Je communiquai cependant par télégramme au Maire de Belgrade de ré-hausser la sécurité pour quelques jours dans la ville.

    Ce midi, le déjeuner se déroula bien, Paul semblant plus joyeux qu'à l'ordinaire. Et tandis que cet après-midi Pierre II restait cantonné à ses exercices avec André de Monthléry, une chasse à cour était prévue pour Paul. Une bonne partie de la cour y participait, moi compris ; j'avais également décider d'y amener le général Gosnjak, préférant ne pas le laisser seul au Palais, malgré la surveillance étroite dont il faisait l'objet. La chasse se déroula dans la forêt domaniale du Palais. Paul, bien que n'aimant pas trop chasser, se plia à l'exercice car il restait un féru d'équitation. En fin d'après-midi donc, nous étions donc à la lisière de la forêt, Paul, Gosnjak, moi, une vingtaine de courtisans, autant de gardes-chasses et le double de chiens. Paul, qui devait diriger la chasse du comme l'usage le requiert, marquer son commencement en jouant du cor. Ce qu'il parvint malhabilement à faire. Les chiens partirent en trombe, suivis par les gardes-chasses et les courtisans. La première heure se déroula fort bien, les chiens repérant et les courtisans tuant plusieurs sangliers et cerfs. Mais alors que le soir approchait, la chasse se désorganisa un peu à la faveur de l'obscurité. J'étais alors avec Paul, quelques courtisans et gardes-chasses et Gosnjak que je ne lâchais pas. Paul qui se trouvait devant, cru alors apercevoir un lièvre et se lança à sa poursuite. Pas inquiets, et la chasse se terminant, les courtisans, Gosnjak et moi-même restâmes derrière, attendant que le Régent accompagné de deux gardes-chasses ramène sa proie. Quelques coups de feux retentirent, et un garde chasse reparut rapidement l'air affolé. Grisé par le plaisir de la chasse, et la compagnie des courtisans je plaisantai alors, avec certains d'entre eux, insouciant. Le garde-chasse au galop s'approcha, nous criant que Paul était blessé. Mon sang ne fit qu'un tour et immédiatement j'ordonnai à Gosnjak de faire rentrer la cour au Palais et d'amener des médecins, tandis que je me lançai à cheval vers la position du Régent. Moins d'une minute plus tard, je constatai la scène : le second garde-chasse, armé de son fusil et resté auprès de Paul était très nerveux. Je ne lui demandai rien, et pris rapidement conscience que l'étalon du Régent agonisait, tandis que son cavalier gisait à terre, inanimé. J'entrai alors en semi-panique et me partageai quant à la décision à prendre, fallait-il s'occuper de Paul ou retourner le plus vite possible au Palais, le pouvoir s'apprêtant à être vacant ? C'était la question de la survie de Paul. Je commandai alors au garde-chasse de prendre le pouls de Paul, il était assez irrégulier, de plus aucune balle ne semblait avoir atteint le monarque. Donc celui-ci était donc toujours vivant. Mais le cheval avait pris une balle au niveau du poumon droit, et se mourrait lentement. Le garde-chasse m'informa qu'un homme avait tiré depuis la butte à une centaine de mètres, avant que le Régent ne tombe, et qu'eux ripostent. L'absence de tirs ultérieurs provenant de cette butte conduisit les garde-chasse à se séparer, l'un restant auprès du Régent et l'autre allant chercher du secours. Satisfait des explications, je laissai Paul au soin du garde-chasse et rejoignis très vite la butte du tireur. Il devait avoir quelques minutes d'avances sur moi. Une fois en haut je constatai une épaisse flaque de sang rouge au sol. L'homme avait du être blessé par les tirs de riposte. J'étrillais plus avant mon cheval, convaincu que le tireur était tout proche. Et en effet bientôt, le bruit du galop de mon destrier fut doublé de celui d'un autre. Je me rapprochai indéniablement d'un cheval en pleine course, et lorsque je l'aperçus enfin, je dégainai mon Mauser et tirai sur lui. Au bout de quelques tirs, celui-ci s'effondra avec son cavalier. Je l'atteignis alors et pointa la silhouette avec le canon de mon pistolet. L'homme se rendit alors, et je récupérai son fusil qui était tombé à quelques mètres. Il faisait nuit, et je ne distinguais pas très bien l'individu, mais il avait l'air assez jeune. J'achevai son cheval, puis je lui attachai les mains avec la corde qui lui servait de ceinture. Sûr que le Régent avait été pris en charge, je décidai de ne pas revenir sur mes pas, et de rallier le Palais le plus vite possible. De plus la poursuite avait été assez longue et j'étais maintenant plus proche du Palais et de Belgrade, que du Régent blessé.

    Une fois arrivé au Palais donc, il était déjà très tard. Je déposai mon prisonnier entre les mains des gardes royaux à l'entrée, avec pour instruction de l'enfermer au sous-sol du Palais et d'y faire venir Tepgrov. Un des gardes me confirma en même temps que Paul se trouvait dans sa chambre avec ses médecins. Je m'y rendis en courant. Sur place, les médecins me refusèrent l'entrée à la pièce, m'expliquant qu'ils l'examinaient encore, mais qu'à priori sa vie n'était pas menacée. Un peu rassuré, je redescendis à l'entrée du Palais et confia mon cheval (qui était resté seul dehors) à un palefrenier, avant de descendre au sous-sol.

    Les gardes royaux avaient attaché solidement le tireur, et un interrogatoire des plus violents commença, sous ma direction.

    Tepgrov qui était arrivé, paraissait très inquiet par la tournure des choses. J'observai tout d'abord l'homme en pleine lumière. Il avait la trentaine, pas rasé, visiblement pauvre voir très pauvre, il était blessé au front et à la cuisse. Je commençai alors à discuter:

    "-Qui êtes vous ?" Demandais-je.

    "-Je suis un martyr du prolétariat international." Répondit-il.

    Au moins on savait maintenant que c'était un coup des communistes.

    "-Vous êtes blessé, comment cela s'est-il passé ?" L'interrogeais-je, assez surpris qu'il soit si loquace.

    "-Après avoir tiré sur le tyran, une balle m'a effleuré le front, je me suis alors levé pour partir, et j'ai reçu une autre balle dans la cuisse."

    Voilà pourquoi il avait du prendre du retard, blessé à la jambe, il avait eu beaucoup de mal à rejoindre son cheval.

    "-Dans les cas d'assassinat, les exécutants préfèrent cacher leur commanditaire, pourquoi vous apparentez-vous alors à un communiste ?" Poursuivais-je, non sans curiosité.

    "-Pour faire savoir au monde, que le prolétariat ne cédera jamais aux forces de la bourgeoisie." Mentit-il, visiblement.

    De toutes évidence l'homme avait bien appris sa leçon. Mais j'étais perplexe, un tel attentat me permettrait d'arrêter bon nombre de communistes voir de faire interdire le parti communiste, alors pourquoi le revendiquer ? Je demandai alors :

    "-Quelle est la vraie raison pour le parti communiste de revendiquer cet attentat ?"

    "-Le Parti des travailleurs, souhaite la destruction du grand Capital dont le Régent Paul est l'incarnation." Argua-t-il, s’enfonçant dans le mensonge.

    Je ne le crus évidemment pas, et me résolus donc à une extrémité déplaisante. Je demandai à Tepgrov de le faire parler. Le communiste avait un air impassible, mais je percevais bien la peur qui suintait de tout son être. La torture est un moyen dont je me passerais bien mais face à une tentative d'assassinat je gomme mes considérations morales. Tepgrov arbora un sourire satisfait, et demanda aux gardes d'aller chercher une table pour installer le prisonnier, ainsi que quelques outils, pinces, couteaux, alcool. Le russe s'alluma une cigarette et commença à frapper à coups de poings l'homme. Livide, j'assistai à la scène, à la souffrance d'un homme qui recevait la douleur, et à la jouissance d'un autre qui la donnait, au ventre, aux reins, au visage. Tepgrov s'arrêta au bout de quelques minutes, se retourna et avec un sourire effrayant me déclara : "Voilà pour l'avant-goût, attendons maintenant les instruments."

    Depuis, je suis revenu dans ma chambre, et il me semble que je peux entendre l'homme crier au sous-sol, j'en vient à me demander si je suis un inhumain, une sorte de monstre sans émotion, sans compassion, se durcissant avec le temps et l'exercice du pouvoir. J'aurai du me douter que Tepgrov, qui a vécu les massacres des blancs par les rouges, prendrait un tel plaisir à infliger la douleur. Je suis triste, me sentant coupable d'une chose que je n'aie pas commise, mais que j'aie plus ou moins ordonnée. Mais cette tristesse lancinante s'accompagne d'une interrogation, non moins douloureuse pour mon esprit : Pourquoi Tito mettrait-il autant son parti en danger, pourquoi se mettrait-il en danger en revendiquant un attentat contre le Régent ?


  • #2
    23 février 1936:

    Je philosophe plutôt rarement, et cela m'a orienté invariablement vers un pragmatisme. Récemment ce pragmatisme limité par ma seule éthique, a dévoré celle-ci sous l'impulsion de mes ambitions. J'ai peut-être l'impression qu'en l'inscrivant ici, j'entamerai une réflexion sur l'immoralité de certains de mes actes. C'est en tout cas ce que je dois espérer à mon insu car je ne connais rien de plus jouissif que l'expérience du pouvoir, ni la boisson, ni les plaisir de la chair ne l'égale. Cette grisante sensation de contrôler tout et tous, la tentation de s'élever en objet de culte pour accroître une reconnaissance qui ne sera d'abord que factice, mais aliénante à long terme.

    Je reviens d'un voyage en Angleterre. Celui-ci était organisé de longue date et il était impossible pour moi de le déplacer malgré les tragiques événements de ces derniers jours. Par prudence je n'avais pas pris ce carnet, qui plus qu'un élément à charge contre moi est devenu ma plus grosse faille.

    J'ai passé la journée du 10 février à interroger le terroriste communiste gardé au sous-sol. Durant toute la nuit, Tepgrov lui avait brisé les doigts, brûlé la peau à l'aide d'une tige de fer, écorché les testicules et le membre viril, rompu la jambe gauche, luxé l'épaule gauche, son corps était si couvert de contusions bleus et violettes, qu'il me semblait plus aubergine qu'homme. Mais il n'a rien dit de ce que nous attendions, ne répétant qu'avoir eu l'ordre de tuer le tyran qui opprimait les prolétaires. Tito n'avait pas du révéler les véritables objectifs de cet attentat à un simple exécutant. Troublé, je laissai l'homme attaché et remontai déjeuner dans la grande salle avec le reste des personnes de marques présentent au palais ce jour là. Je me revois réfléchissant au but de l'homme réduit à l'état de loque, tandis que dans une assiette en porcelaine fine je mangeai de la terrine de saumon avec des couverts en argent. Le déjeuner fini, j'avais pris des décisions, je redescendis dans les caves du palais et ordonna que l'on coupe la langue au communiste, et qu'on le mette à mort en place publique à Belgrade dans quelques jours, pour avoir porté atteinte à la personne royale. J'ordonnai aussi qu'on taise l'origine de l'attentat et les motivations de l'homme, le plus de gens possibles devaient ignorer que cela était un coup des communistes, peu de personnes étant au courant. Cela interloqua Tepgrov qui me demanda pourquoi ne pas rendre public le caractère communiste du terroriste ce qui nous permettrait d'arrêter un grand nombre de rouges, voir d'interdire le parti communiste. Je lui répondit que Tito s'attendait certainement à ce que la monarchie affronte directement le PC Yougoslave. De colère nous aurions du commencer les arrestations, mais cela aurait provoqué une guerre civile. Le parti communiste étant très armé, autant que l'armée régulière dans certaines sections. J'ajoutai que Tito se serait posée en victime de la tyrannie monarchique, et cela lui aurait permis de gagner le cœur d'une certaine partie de la classe moyenne naissante, et de recevoir des livraisons d'armes plus conséquentes de l'union soviétique, que si il était apparu publiquement comme celui ayant amorcé le conflit. Cela ne plut pas à Tepgrov qui sembla considérer ma prudence comme une marque de faiblesse. Mais j'étais sûr de moi, Tito cherchait le conflit, il me provoquait tout en s'apprêtant à désavouer publiquement le terroriste. Donc il fallait contrecarrer ses plans et se montrer raisonnables, du moins pour un temps.

    J'ai atterri à l'aérodrome de Leeds le 11 février. J'étais invité au Royaume-Uni par le gouvernement de Stanley Baldwin pour un entretien diplomatique. Derrière cette apparence de visite de courtoisie se cache en fait d'âpres discussions sur l'avenir de la Yougoslavie. Je marchai sur la piste d'aviation en direction de la voiture et de l'escorte qui m'attendait. J'étais seul, hormis un secrétaire que l'on m'avait affecté à titre définitif à l'occasion de ce déplacement et un garde royal qui s'occuperait de ma protection rapprochée (en dehors des gardes du corps que le gouvernement britannique m'avait accordé). Le Régent aurait du être présent, mais pour les raisons que j'ai déjà mentionnées, il n'a logiquement pas pu se déplacer. C'est un émissaire du gouvernement qui nous attendait à la voiture. Il nous pria de nous asseoir dans la superbe Rolls Royce qui s'ébranla quelques instants plus tard. Le chauffeur pris la direction du centre ville, tandis qu'une berline d'escorte nous suivait. Je passai les deux premiers jours à Leeds à visiter la région et la ville, ou j'y rencontrai l'élite politique et industrielle locale. Mon secrétaire s'avéra d'une grande utilité, car il me servit de traducteur. Mais je fus plus encore impressionné par son efficacité et son initiative, il prenait discrètement en note, toute information qui pouvait avoir une importance future, et enregistrait de fait toutes mes conversations téléphoniques. Je me montrai donc assez sympathique avec lui.
    Le voyage se poursuivit ensuite à Londres, ou nous arrivâmes le 14. Nous logions dans l'ambassade de Yougoslavie, ou l'ambassadeur me céda ses appartements. Le soir-même nous nous rendîmes à l'opéra, plus pour y apparaître que pour la musique. Partout ou j'allais, j'étais presque reçu comme un chef d'Etat, alors à l'opéra on me céda l'une des meilleures loges gratuitement. En pleine représentation de Nabucco de Verdi, je commençai à songer que je m'ennuyais de plus en plus dans ce pays pluvieux. Ainsi, le désespoir me gagna dans cet environnement aux murs de velours et aux lustres en cristal. Laszlo Gellert, mon secrétaire qui était assis derrière moi sembla s'en apercevoir et me servit alors un verre de whisky, que je refusai. Bientôt la musique se termina, et la soirée avec elle.
    Le lendemain, j'étais attendu par le gouvernement britannique, je revêtais donc mon uniforme d'apparat, chaussai mon képi et mes bottes puis partis. Laszlo m'accompagna, toujours aussi concentré, on sentait qu'il était animé d'une volonté particulière ce jour là. La voiture nous déposa donc au 10 downing street ou j'y rencontrai le premier et quelques autres ministres. Nous nous retrouvâmes rapidement autour d'une table ovale des plus luxueuses. Stanley Baldwin et moi-même, une fois les formules de courtoisie et d'usage passées, commençâmes à converser. Je fis part à Baldwin et à ses ministres de mon inquiétude quant à l'inaction du Royaume-Uni pour soutenir la Yougoslavie face aux fascisme et communisme montants. J'expliquai que les velléités guerrières de l'Italie n'étaient plus à démontrer ainsi que la fragilité de la position de mon pays qui se retrouvai entouré par de plus en plus de dictatures militaires. Baldwin s'amusa de cette remarque et me rétorqua que la Yougoslavie n'était elle aussi démocratique qu'en apparence, que son parlement n'avait en réalité aucun pouvoir. Vexé mais diplomate, j’avançai que pendant longtemps également le Royaume-Uni avait été une monarchie absolue, qu'il fallait laisser le temps au peuple yougoslave de se saisir de ses institutions élues. L'homme aux cheveux gris dégarnis se montra peu convaincu, et esquiva le sujet. Il revint sur l'Italie, et m'expliqua qu'à ses yeux, les provocations de Mussolini, n'étaient que des effets de manche pour satisfaire les fascistes italiens. La discussion s'embourba, et je compris rapidement que les anglais ne nous fournirait aucun appui dans un futur à court et moyen terme tant au niveau économique, militaire et industriel que diplomatique. Bien vite d'ailleurs, j'entendis Laszlo s'arrêter de taper sur sa machine à écrire. Nous n'obtînmes rien du gouvernement britannique. Mais il n'y a pas que l'Etat, il y a aussi les investisseurs privés qui peuvent donner un coup de pouce. C'est ainsi que le reste de la semaine, j'enchaînai les dîners mondains et les réception de la haute société londonienne. J'essayai vainement de convaincre les riches financiers de produire en Yougoslavie. Le 23 février, je me rendis à l'évidence, ce voyage était un échec, mon avion décollait dans l'après-midi et je n'en étais pas fâché.

    J'arrivai le 23 au soir, au palais à Belgrade. Tepgrov me prit immédiatement en aparté, à peine avais-je franchi le seuil. Il me confia discrètement que l'état de santé du régent s'était dégradé pendant mon absence et que les médecins auparavant si sûr de son rétablissement, semblait désormais en douter. Il me murmura encore que Paul était toujours alité et que ses périodes de conscience allaient en se réduisant. Je le remerciai et le renvoyai, puis je me rendis dans ma chambre poser mes bagages. Je notais en sortant que Laszlo s'installait dans une chambre à côté de mes appartements, même si il était un très bon secrétaire, j'aimais bien agir en solitaire. J'étais partagé quant au choix de m'en débarrasser ou non. Je ne pris pas ma décision tout de suite, et me rendis chez le Régent. Celui-ci était conscient, coup de chance pour moi. Il fallait que je puisse tirer tout le suc possible de Paul, avant que celui-ci ne décède éventuellement dans les prochains jours, l'opération de séduction débuta donc. M'asseyant à côté du lit, celui-ci discuta aimablement quelques instants avec moi, je lui narrai mon voyage et ses piètres résultats. Il fut assez content de me voir, tel un prisonnier se languissant de son tortionnaire ; ce qui me surpris, je m'attendais à un accueil moins chaleureux. J'eus juste le temps de lui dire que je prévoyait de grandes choses pour le pays lorsqu'il s'évanouis à nouveau. Je le laissai donc avec ses médecins. Depuis, mon esprit est occupé par le fait que le titulaire du pouvoir est vacillant. si tant est que Paul meurt, sa couronne va choir, et elle sera au premier qui aura l'audace de la récupérer.

    Avant de revenir écrire ici, je suis passé au secrétariat général récupérer les journaux du jour ou l'exécution du communiste a eu lieu, la censure n'avait pas eu lieu d'être sollicitée selon le secrétaire général qui me remis ceux-ci. Effectivement la presse évoquait l'acte d'un bandit qui détroussait les gens qui allaient dans la forêt. Evidemment c'était loin d'être très cohérent, mais ça l'était suffisamment pour les journalistes et donc pour le peuple. Le secrétaire général me donna également le rapport parlementaire sur les dépenses du palais parut juste avant mon départ et que j'avais oublié. Je le feuilletais rapidement et constatai que malgré les efforts que nous avions déployés lors de leur enquête, les parlementaires recommandaient une baisse de 5 à 6% du budget du palais. C'était heureusement assez bas pour qu'il nous soit facile de trafiquer les comptes. Aucun problème à l'horizon donc, seulement le grondement l'orage et l'incertitude de la survie du Régent.

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    • #3
      1 Mars 1936 :


      Une autre semaine s'écoule, sans grand intérêt.

      J'ai finalement pris la décision de conserver Laszlo comme secrétaire, il se révèle être fort utile. Je me méfie toujours de lui car il peut très bien être affilié aux rouges ou même aux fascistes. J'ai un peu discuté avec lui il se dit né en hongrie, dans une famille aisée de Budapest, et a émigré à l'âge de 15 ans pour échapper au régime autoritaire de Miklos Horthy. C'était relativement crédible, il m'a indiqué ensuite avoir été engagé comme informateur aux renseignements généraux de la police. Son rôle d'indic, l'avait amené à travaillé à l'âge de 21 ans en lien avec les services secrets royaux. Son allure pataude et son visage rond lui donnait un air naïf qui devait seoir bien pour se fondre dans la foule et ne pas éveiller les soupçons de ses interlocuteurs. Il m'a raconté avoir intégré le secrétariat général après que ses supérieurs aux renseignements lui ait confirmé qu'en tant qu'immigré, il ne pourrait rester qu'informateur aux services secrets. Ce qui est conforme aux directives, pour éviter les agents doubles, les émigrés et expatriés ne peuvent avoir accès a des responsabilités importantes en terme d'information ou de renseignement. Du secrétariat général, il est passé à mon service sous la perspective du plan de carrière classique. Il a aujourd'hui 25 ans, ce qui est la moyenne courante des secrétaires du palais, bien que ceux-ci sont d'habitude des femmes. Les hauts fonctionnaires de l'Etat ne se privent de rien.

      Le Régent décline lentement, ses périodes de conscience sont irrégulières ce qui inquiète fortement les médecins. Je n'ai pas eu l'occasion de lui parler, et ce n'est pas faute d'avoir essayé. Dès le 25 du mois dernier, je me suis rendu dans les appartements de Paul et produit un esclandre. Effectivement, ces mêmes médecins m'ont refusé l'accès au Régent, et j'ai donc fait appel aux gardes royaux qui m'ont servi à forcer le passage, pour que au final je découvre Paul inconscient. Depuis les médecins ont propagé une certaine hostilité à la partie de la cour la plus proche. Mais étrangement, cela m'importe peu. J'ai l'impression d'avoir de moins en moins de contraintes réelles et potentielles ; donc les regards suspicieux de quelques courtisans ont du mal à m'effleurer.

      Dans le registre des faits plus importants, un mérite d'être consigné ici en particulier. Le 28 février je travaillais en plein après-midi dans le bureau du Régent seul, celui-ci étant alité et que l'accès à son bureau ne m'est pas encore défendu par ses incapables de médecins. J'ouvrais les rapports des directeurs des usines d'armement, qui me signifiait que les grèves communistes s’essoufflaient. Cela aurait pu être un bonne nouvelle, car cela voulait dire la reprise d'une partie de la production, si les assassinats ne s'étaient pas multipliés à Belgrade ces derniers jours. Le comité central du PC Yougoslave et Tito avaient dû changer de méthode d'action, et opté pour les techniques de guérilla à la place des manifestations. Tito me poussait à la faute, à l'escalade de la violence et je ne pouvais pas le laisser assassiner et détruire indéfiniment. "Je devrais bientôt trouver une solution." pensais-je lorsque Gellert surgit dans le bureau. Étonné, par cette entrée fracassante, je le laissai s'expliquer. Il ne fit alors que me transmettre un télégramme. Celui-ci émanait des services secrets qui demandait le plus vite possible une liaison téléphonique sécurisée avec moi. Je n'hésitai pas et suivi de Laszlo, je descendis rapidement au standard, ou une opératrice me transmis le chef du service d'espionnage. Celui-ci m'indiqua que un de nos espions dont j'avais ordonné l'envoi en Allemagne avait été arrêté, compromis par un de ses informateurs. Les faits remontaient à moins d'une heure, l'agent ayant pu transmettre l'information a un autre informateur, fiable celui-ci, avant d'être embarqué au siège de la police locale. Il s'était fait prendre à Stralsund, une station balnéaire bourgeoise du nord de l'Allemagne sur la côte Baltique. Le chef du service m'indiqua que la procédure normale dans ce genre de cas était de se débarrasser de l'agent, car il était dangereux de braquer sur nous les yeux du régime allemand. Il suggérait l'assassinat de l'espion. Nos agents ont été entraînés pour résister à la torture et aux interrogatoires, mais une défaillance est toujours possible et un homme à qui on promet une douleur insupportable n'est pas fiable. Je validai donc l'initiative du chef de service insistant sur le fait que l'espion devait mourir de n'importe quelle façon, que ce soit par empoisonnement ou par un groupe armé qui ferait irruption dans la maison d'arrêt. La mise à mort de l'informateur félon fut également ordonnée. Plus tard dans la nuit, un télégramme me parvint des services secrets m'informant du fait que l'espion ne pouvais être atteint par les informateurs fiables sur place et qu'il faudrait donc attendre avant de pouvoir le tuer. Le temps nous était défavorable et les enjeux sont considérables : cet agent peut avoir des informations sur ses supérieurs, sur d'autres agents, sur les activités secrètes de la nation et c'est cela qui différencie un agent, d'informateurs. Un agent connaît les tenants et les aboutissants de son service, ses objectifs, ses besoins. Donc si un d'entre eux meurt il faut le remplacer par un autre au moins aussi fiable, ce qui est difficile à trouver dans un pays relativement pauvre. A l'inverse si un agent est capturé c'est qu'il a failli à son devoir de suicide lorsqu'il est acculé, cela veut dire qu'il met sa propre vie au dessus des intérêts de la nation et il doit mourir. Ces lignes peuvent sembler très soviétiques, comme émanant directement du moustachu, ou d'un de ses camarade ministre. Cependant le sacrifice de notre agent est nécessaire à la survie du reste des autres agents qui sont disséminés un peu partout en Europe, et qu'Hitler pourrait être tenté de monnayer leur assassinat ou leur capture aux différents gouvernements et pays. Donc le fait à ce moment là que nous ne puissions agir contre notre agent c'était nous condamner à cela. Nous n'avions qu'à attendre et espérer qu'il ne parle pas.

      Hier, un autre télégramme est parvenu m’annonçant la mort de l'agent. Le meurtre avait été effectué par un informateur qui avait subtiliser un uniforme de policier. Il avait ensuite pu accéder au sous-sol du bâtiment, là ou se trouvait une dizaine de cellule. Il avait un pistolet et a tiré sur l'agent sans un mot. La détonation a été étouffée par le fait que l'étage était en sous-sol. Celle ci fut donc peu audible aux étages supérieurs, et toujours selon cet informateur les policiers ont du pensé à une porte violemment claquée. Notre indic est ensuite resté un peu, suffisamment pour tenter de se renseigner sur ce qu'avait dit l'espion, mais aussi pour éviter de se faire démasquer. Il a pu entrer dans le bureau de la Gestapo de l'immeuble et a constaté que c'était des communistes qui avaient donné notre agent aux allemands ; il n'a pas pu en apprendre davantage et a même du s'enfuir de façon assez rocambolesque selon le télégramme. La question se posait maintenant de savoir comment les rouges avaient pu avoir accès au noms et positions de nos agents. Il semble évident qu'une taupe se cache dans les services secrets, pourtant les agents et leurs supérieurs sont les seuls à connaître ce genre de renseignement et ceux-ci subissent des examens approfondis de leur passé et de leur motivations quand ils sont recrutés. La piste d'une taupe semblait donc peu probable et pourtant elle était réelle. J'ai compris que Tito devait vouloir nuire au maximum à la monarchie et qu'il ne reculerait devant rien, même d'aider un peu les nazis ne semblait pas lui poser de problèmes. Cet homme ne doit pas avoir de conscience, de moralité.

      Cette journée-ci fut comparable à la semaine passée : calme et sans grand intérêt. Je réglai les problèmes quotidiens du pays et du palais ce matin, et je consacrai mon après-midi à me reposer dans les jardins. Je n'ai pas trouvé de solution pour la taupe aux renseignements, et je ne peux de toutes façons m'en occuper moi-même. Il va bien falloir que le service d'espionnage s’accommode de sa présence. Quant à moi, si je ne peux éliminer les fruits du mal, je peux en attaquer la racine. Il faut éradiquer le PC. Cet impératif s'impose à moi depuis trop longtemps et je ne fais que le repousser dans l'attente d'une alternative, mais plus j'attends plus les communistes s'arment, se renforcent et s'infiltrent dans nos rangs, malgré le ménage que j'ai pu y faire. L'après-midi se déroula fort bien pour le reste, seulement troublé par quelques communications dont me faisait part Laszlo. Le Régent est toujours dans un état portant à la controverse mais je suis convaincu qu'il ne décédera pas tout de suite. Des chutes de cheval ont parfois été mortelles dans l'histoire, mais la médecine moderne doit permettre de réduire considérablement cette mortalité. C'est donc rassuré, que je me rendis chez Paul ce soir là. Les médecins me laissèrent m'approcher lorsqu'il eut repris conscience, bien que leur hostilité était toujours palpable. Une fois à son chevet, je ne pus que constater avec joie les conséquences du venin que j'avais distillé. Paul, visiblement très affaibli, s'était apparemment rendu à l'évidence (que je pense fausse) de sa mort prochaine. Il s'était souvenu de ce que je lui avais dis au même endroit une semaine plus tôt, lors de mon retour d'Angleterre, quant à mon amitié pour lui. Il me demanda de prendre stylo et papier et d'écrire pour lui, je m'exécutai. Il me dicta ensuite un décret me propulsant général de division. Il va sans dire, que je rédigeai l'acte le plus vite possible, afin qu'il puisse le signer devant ses médecins et qu'on ne puisse ensuite m'accuser d'une quelconque manipulation. Mieux encore, cette nomination légitimait ma position et mon influence au sein de l'Etat et du Palais. Une fois le document signé, je remerciai Paul avec une gratitude bien réelle puis le laissai se reposer. Bombardé à ce grade ma solde s'était considérablement accrue, mais ce n'est pas ce qui m'intéressait. Etre général m'apportait surtout une assise hiérarchique plus importante au sens du palais, et plus (sans pour autant l'être) légitime sur l'Etat-major des armées. Cette promotion me ravissait et c'est joyeux que je me rendis dans ma chambre pour y finir la soirée. Voilà qui est parfait !

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      • #4
        Puisque pour d'obscures raisons, les récents messages ont été effacés, je remet cette partie.

        5 Mars 1936:


        Le régent continue de s'éteindre lentement, dans une certaine indifférence de la part de la cour. Celle-ci d'ailleurs profite de son incapacité à quitter sa chambre pour multiplier les excès, entre les réceptions et bals démesurément coûteux, s'opèrent quelques orgies dans les domaines princiers des alentours de Belgrade. Des mœoeurs aussi légères auraient contrarié Paul, fervent catholique ; mais étant alité il est devenu sourd et aveugle aux événements du monde extérieur à sa chambre. Surveillé en permanence par au moins deux médecins, les nuits se font plus longues et les jours plus courts pour lui. Je commence à croire que quelqu’'un a pu l'empoisonner, la suspicion se serait diffusée si je n'avais pas ordonné la plus complète discrétion quant à l'état du Régent. La plupart le croit en convalescence, que son retour aux affaire est imminent. Comme je l'avais décrit le 1 mars, une chute de cheval aussi grave soit elle était rarement mortelle à présent, les médecins qui sont maintenant une quinzaine à son service débattent quotidiennement et régulièrement s'accusent mutuellement d'avoir fourni les mauvais médicament, trois médecins ont déjà été exclus ainsi sur de simples soupçons depuis une dizaine de jours. Je suis assez loin de leur langage spécialisé, mais l'attitude du médecin-chef, grave et inquiète, a inversé mes pensées. Il devient clair pour moi que Paul va mourir.

        Donc, dans les derniers jours je me suis efforcé avec mon nouveau grade de préparer un transfert du pouvoir. A cette fin, j'ai convoqué Tepgrov et ses lieutenants disponibles. Nous étions une dizaine dans mes petits appartements, mais je n'avais pas d'autre alternative ; une réunion officielle aurait certainement mis la puce à l'oreille des communistes et répandu les rumeurs les plus folles: complot, putsch, etc... Avant-hier donc, tous les principaux gradés de la garde royales discutaient avec moi de la mort prochaine du Régent. Laszlo prenait tout soigneusement en note dans un coin de la pièce. J'ai commencé par évoquer la possibilité de transférer le pouvoir à Pierre II, car il est l'héritier légitime, auquel cas il nous faudrait nous garantir de sa personne quand son oncle s'éteindrait. Tepgrov se montra moins bavard que ses subalternes, qui rapidement évoquèrent alors cette solution comme dangereuse. La plupart savaient que tenir ce genre de propos étaient un acte de haute trahison, et se contentèrent d'insinuer prudemment qu'avec Pierre II à sa tête, la monarchie serait instable, et que cette instabilité valait pour nous. Placer un enfant de 13 ans, n'était pas la solution que je souhaitais mais je l'avais placée en première pour désamorcer la conversation. J'avais juste car rapidement, les lieutenant devinrent plus loquaces certains proposant de remettre le pouvoir à une assemblée de nobles, d'autres de le confier à l'Etat-major des armées. Choisir entre une oligarchie et une dictature militaire ne me plaisait pas vraiment, ce que Tepgrov sembla remarquer. Le débat s’enfonça jusqu'au moment ou un des hommes de Tepgrov suggéra une alliance avec le parti communiste. La réaction du russe fut immédiate, il asséna un puissant crochet à l'homme qui s'effondra, ce qui fit taire l'assistance. Saisissant son revolver, le commandant de la garde braqua l'homme sol. Celui-ci, sonné par le choc, s'excusa immédiatement. Le russe fixa les autres gradés, tout en rangeant son revolver avant de déclarer que toute forme d'allégeance au PC serait punie sévèrement. L'homme à terre se releva difficilement, le nez en sang, il tachait son uniforme. Je n'avais pas bougé pendant l'intervention du vieux russe, il avait justement puni, sans effrayer l'auditoire. Le silence étant revenu, Tepgrov remercia les autres d'avoir proposé leurs solutions et leur rappela qu'avant tout le choix m'appartenait de par ma supériorité hiérarchique. Satisfait par l'entrée en matière que me procurait le barbu, j'exprimai à tous ma position sur le sujet. Je commençai par dire que la meilleure solution, la plus pérenne et la plus moralement juste était de conférer le pouvoir aux représentants du peuple. Je poursuivis ma pensée en indiquant qu'à mon sens la démocratie était la meilleure forme de garantie de préserver nos intérêts ; en effet prendre parti en faveur du peuple, donnerait le pouvoir au communiste qui nous évinceraient une fois en place ; quant à soutenir les fascistes ce serait sans doute le plus profitable pour les militaires que nous sommes, mais à cause des velléités italiennes et hongroises ce serait prendre un risque d'instabilité du pays en donnant le pouvoir aux fascistes ; le compromis réside donc dans la démocratie sur laquelle il ne serait pas trop dangereux de basculer tout en bénéficiant d'une petite amélioration de nos positions. La plupart se montrèrent d'accord. Je demandai donc que l'on procède à un vote, à main levée. Sur 11 votants, nous fûmes 9 à y être favorables, les deux autres exprimèrent leur réticence confier le pouvoir aux bourgeois, pour eux leur intérêts étaient aussi fluctuants que les marchés financiers. Je rappelai alors que nous aurions tout loisir de monnayer le pouvoir une fortune avec les démocrates, les communistes se refuseront à tout compromis et les fascistes n'ont pas d'argent. Plus face à la pression des autres qu'à celle de mon argument, ils se rangèrent alors avec nous. Pleinement satisfait et la réunion durant déjà près de deux heures, je les félicitai pour notre prise de position et conclus en leur signalant que les modalités d'action de prise et de transfert du pouvoir seront discutées plus tard. Aucun n'émis d'objections.

        Les choses se précipitent avec lenteur. Je n'avais pas prévu un décès du Régent, mais dans le même temps j'étais le seul à disposer de l'information, avec Tepgrov et ses lieutenants désormais, et Paul prenaient tout son temps pour décéder ce qui me laissait quelques jours ou semaines pour mettre un dispositif sur pied.
        Par ailleurs j'ai aujourd'hui pris rendez vous avec les pontes du parti démocrate pour dans quelques jours. Je l'ai fait par l'intermédiaire de Gellert, pour une discrétion maximale.
        Dernière modification par Masque-Violet, 18-10-2016, 18h04.

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        • #5
          Bonjour à tous,

          Pas de suite ce dimanche-ci non plus, je suis débordé. Je devrais pouvoir en écrire une d'ici à dimanche prochain, mais je ne préfère pas m'avancer.
          Merci pour votre patience.

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          • #6
            Sa marche Masque j'attend la suite

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            • #7
              9 Mars 1936:


              "Mais qu'est-ce que je fais ?". C'est une question qui apparaît de plus en plus fréquemment dans mon esprit ces derniers jours. Pourtant comme je l'ai déjà noté, je suis hostile en tout point à l'idée de philosophie ; bien qu'en ce moment celle-ci vient à me submerger dans certains moments d'égarement. J'ai donc rationalisé la situation, je pense qu'il s'agit d'une marque de faiblesse : mon esprit est rompu à la fois par les rigueurs de ma charge et par les risques que j'encours à comploter contre le Régent. Or cette faiblesse se doit d'être réprimée vite, car elle pourrait devenir apparente aux autres. Laszlo est un homme intelligent et il s'est immédiatement rendu compte de celle-ci parce que je multipliait les absences durant nos séances de travail. Il m'est loyal jusqu'à présent et je n'ai donc aucune raison d'envisager de le faire taire.

              La réunion du 5 mars, m'a laissé un sentiment peu agréable dans mes pensées. La garde royale est acquise à la cause et cela devrait me réjouir car tant de régime ont chuté et se sont construits sur les bases d'une garde royale ou impériale peu loyale ; mais je suis assez triste à la place, j'ai l'impression de faire le deuil de mon honneur. J'ai toujours été fidèle au régime, et le trahir ainsi me donne l'impression de travailler uniquement dans mon intérêt. Et si auparavant servir mes intérêts ne m'a jamais déranger, c'est parce qu'il se complétait par l'idée de servir les intérêts du pays. Or avec ce coup d'Etat que nous préparons, ceux-ci sont désormais très incertains. Mais tel un automate, j'ai continué ces derniers jours à mettre en place l'infernale machination qui broiera la famille royale.

              Pour ne pas éveiller les soupçons j'ai travaillé sans relâche jusqu'à hier sur les affaires quotidiennes du pays. J'essaie de ne pas rencontrer trop de collaborateurs à notre oeuvre dans le même laps de temps car bien que je contrôle les services secrets, le parti communiste a lui aussi ses propres espions. De plus, les courtisans sont très attentifs à tous les mouvements et discussions qui ont lieu dans le palais, je tente donc de les limiter.

              Hier donc, je devais rencontrer le comité directeur du parti démocrate, ce dernier n'ayant pas de chef véritablement défini. La rencontre eut lieu dans le palais d'été du Régent à Split, sur la côté adriatique. Le palais royal de Split était grandiose, bien plus que le palais Blanc de Belgrade, car il avait été en partie construit par l'empereur romain Hadrien. Le lieu était des plus fastes parmi toute la Yougoslavie. J'étais arrivé la veille, afin de préparer les lieux, inhabités en hiver si ce n'est par quelques gardiens. Les membres du comité arrivèrent tardivement dans la matinée. Ceux-ci ne sachant pas pour quelle raison on les avait invités cette superbe résidence, étaient plutôt joyeux de se retrouver dans un cadre si idyllique : le palais surplombait Split depuis une colline, et avait une vue imprenable sur les oliviers de l'intérieur des terres et sur la mer qui brillait avec les reflets du soleil, la ville en contrebas était de par son architecture une merveille de la méditerranée.

              La rencontre se déroula assez mal, tous les membres du comité étaient pour la plupart de grands bourgeois industriels ou propriétaires terriens qui semblait me mépriser à cause de mon origine sociale, la classe moyenne laborieuse. J'avais pris l'habitude de ne pas tenir compte de cette attitude hautaine que je vivais régulièrement au Palais, entouré de nobles. Le temps étant plutôt clément et l'air doux, j'avais préféré placer la table des discussions dans la cour supérieur du palais plutôt que dans celui-ci. Toujours accompagné de Lazslo, je n'avais pas pu réquisitionner des soldats de la garde royale pour mon déplacement et c'est donc sous la surveillance de la garnison de la ville, que la réunion se déroula ; cela ne me plaisait guère, mais plus je limitais mes interactions avec la garde du Régent plus nous serions discret. Les hommes s'assirent tous autour de moi, après m'avoir tous salué par une poignée de mains. Bien entendu, je ne pouvais être totalement franc avec eux ; chaque phrase ou mot avait une importance cruciale dans notre entretien, je ne pouvais leur dévoiler notre complot, mais seulement en effleurer l'idée dans leur esprit. J'avais donc préparé un discours, mais je redoutais les questions qui allaient suivre. Dès lors que le silence se fit autour de moi, que la trentaine d'hommes attendait des explications sur cette invitation solennelle, je commençai. Je parlai en continu pendant près de vingt minutes, leur exprimant d'abord ma gratitude pour être venu ici, puis mon soucis de travailler avec toutes les forces politiques du pays en vue de faire prospérer le pays. Je leur mentis en disant que j'étais personnellement démocrate et que j'avais un grand plaisir à discuter avec eux aujourd'hui. Bref, je déversais les formules d'usage, qu'il convient à un représentant de l'Etat d'user, pour en arriver à ma conclusion : je les avait invités ici pour prendre part à une grande réflexion sur l'orientation du pays et les choix du gouvernement. Tous parurent dupes, ce qui me conforta. J'ouvris ensuite la période des questions, qui précédait celle de la conversation. Je m'étais apparemment inquiété pour peu de choses, car leur question ne furent rien que de très banal et courtois. La conversation, plus détendue, débuta alors. Mais soudainement tout s'enlisa, les bourgeois semblaient alors fort peu intéressés par la question et tous se précipitèrent sur le buffet discutant entre-eux de choses diverses et inintéressantes. La scène dura encore deux heures, le temps qu'ils épuisent totalement les stocks de la cuisine, avant que la plupart ne s'endorment dans les jardins ou sur leur chaise.

              Alors que la sieste se faisait générale, j'étais profondément déçu par cet échec et commençais à songer à ne plus faire alliance avec les démocrates. Ceux-ci étant apparemment plus concentrés sur le contenu de leurs assiettes que celui des lois. Lorsque l'après-midi fut à son apogée, je marchai songeur dans les jardins. Un des membres du comité, l'un des rares à ne pas dormir, m'aborda alors. Il se présenta rapidement comme Milan Grol. M'attendant surtout à ce qu'il me demande si il restait de la Charlotte russe, je fus surpris par la discussion qu'il amorça :

              -"Je me demandais Général, qu'essayez-vous de faire en nous invitant tous ici ?

              Je compris qu'il n'avait pas été réceptif au baratin que je lui avais servis, et répondis donc en mêlant mensonge et vérité.

              -"Nous sommes ici pour protéger les intérêts du pays."

              Ma phrase fit mouche, et sembla l'illuminer brièvement, il répondit alors :

              -"Vous souhaitez évaluer les possibilités de former un gouvernement mixte ?"

              Il était en bonne voie. Forçant un peu sur le mensonge, je le ré-aiguillai :

              -"M. Grol, le Régent m'a demandé de venir voir si certains membres de votre comité étaient aptes à assumer certaines responsabilités, même si certains sacrifices étaient nécessaires."

              Nous nous arrêtâmes de marcher et il me regarda, troublé. Il me dit alors le plus sereinement du monde :

              -"Général, un putsch n'est pas envisageable, mais si vous pensez à une prise de pouvoir pacifique, le comité y repensera."

              Grillé ! Je décidai alors d'abattre une bonne partie de mes cartes. Je le regardai froidement et lui assénai ces mots:

              -"Mes agents peuvent être partout M. Grol, je crois que vous sous-estimez notre possibilité de mettre fin à votre vie ou à celles de vos amis et de votre famille si vous vous opposez. Je n'accepterai aucune menace de votre part, si vous n'êtes pas intéressé, je vous conseille de vous taire."

              L'homme le visage grave, fut alors pris d'un rire bruyant, qui me fit perdre toute contenance. Il s'expliqua:

              -"N'essayez pas de me mentir, Général Salkanovic, je suis politicien, un menteur professionnel. N'allez pas croire que j'ignore que vous avez de puissants atouts dans votre jeu, je le reconnais d'ailleurs vous êtes un des hommes les plus puissants du pays en ce moment et je ne vois aucun intérêt à m'opposer à vous."

              Lui tout sourire, alors que j'affichais un air hébété, il termina :

              -"A vrai dire, je suis content de pouvoir m'associer avec vous, cela ne pourra que faire progresser les idéaux démocrates. Je vous recommande une action pacifique contre le régime, la violence nous serait défavorable politiquement. N'essayez plus non plus de discuter avec le comité une fois encore, ce ne sont que des ventres sur patte, ils n'ont aucune conscience politique, le parti profite juste à leurs affaires."

              Il me serra alors la main en guise d'au revoir, alors que les autres commençaient à émerger de leur sommeil.

              -"Ne cherchez pas à me contacter pour le moment Général, je vous enverrai une note dans les prochains jours."

              Il remonta alors vers la cour supérieure pour réveiller ses camarades les plus endormis, tandis que je restai immobile, sidéré autant par ma défaite cinglante lors de cette joute verbale, que par la joie que me procurait une opportunité qui s'ouvrait alors que je la pensais presque condamnée quelques minutes plus tôt.



              11 Mars 1936:


              Je n'ai pas encore reçu quoique ce soit de la part de Grol, ni télégramme, ni appel, ni courrier. Ce n'est pas désespérant en soit, puisque cela ne fait que deux jours, mais je déteste l'idée de ne pas être aux commandes en ce moment.

              J'ai passé la journée d'hier à réparer les dégâts des démocrates dans les jardins du Palais à Split, ceux-ci ne se sont pas privés sous le coup de l'alcool pour briser plusieurs sculpture ou vomir dans les parterres de fleurs. Enfin, je supervisais surtout les domestiques. Je ne suis donc arrivé qu'hier soir à la gare de Belgrade avec Lazslo.

              La matinée fut plutôt silencieuse au Palais, Gellert avait sa journée de congé, quant à moi je travaillais seul dans le bureau du Régent, ce dernier étant toujours alité. La solitude m'était agréable, et je fus alors très productif. J'ai notamment rédigé plusieurs directives destiné à industrialiser plus largement le pays, comme Laszlo me l'avait conseillé, même si j'ai de sérieux doutes sur l'utilité d'investir ainsi l'argent public.

              La journée se déroula donc sans incident, jusqu'à 17h ou un valet m'apporta un télégramme du patron de la presse d'Etat, sans conviction ni ardeur, je saisissais le papier et le lu rapidement en diagonale ; je du le relire entièrement vu l'ampleur de la nouvelle. L’Allemagne avait violé le traité de Versailles, en faisant entrer ce matin vers 6h plusieurs divisions d'infanterie en Rhénanie. Je sentais tous mon corps bouillonner et je descendis donc rapidement au standard téléphonique. Là je demandai qu'on m'appelle ce chef de la presse d'Etat. Celui-ci répondit, et lui fit par en hurlant de ma colère, la nouvelle avait donc mis 11 heures pour parvenir jusqu'à moi et lorsqu'elle est de cette importance, c'est inadmissible. L'homme se confondit alors en excuse, évoquant des réparations dans les lignes télégraphiques du nord du pays. Bien évidemment, je n'en tenais pas compte et continuant à le blâmer je lui promis une réduction son traitement de 10%, l'homme s'écrasa alors pour ne pas aggraver son cas. Je raccrochais violemment le téléphone, puis me rendis devant les appartements du Régent, les gardes en faction discutaient et me saluèrent lorsque je me présentai. Je leur donnai pour consigne de ne pas faire circuler la nouvelle de la remilitarisation de la Rhénanie au Régent, je n'avais pas envie de me retrouver avec un fou déambulant au hasard dans le palais sous le choc de l'annonce.

              Je relativisais rapidement ensuite, cela confirmait que l'Allemagne se réarmait et n'avait pas que de bonnes intentions, mais à court et moyen terme c'était sans influence sur la Yougoslavie. Ce qui était plus inquiétant par contre, c'était l'absence de réactions des français et des britanniques face à une violation manifeste du traité de Versailles.


              La remilitarisation de la Rhénanie.

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